Fyctia
Battement d'aile (2/3)
- Elle dit que le problème, c'est toi ? Hum, c'est mal parti, cette histoire.
- N'est-ce pas ? Je veux bien que je sois à l'origine du problème parce que c'est moi qui ne me sens pas bien, pas elle. Sauf que si je ne me sens pas bien dans mon couple, c'est aussi un peu à cause d'elle, non ? Donc de mon point de vue, c'est ensemble qu'il faut trouver la solution.
- On s'en fout, Jim, de savoir de qui vient le problème ! Ce qui importe, c'est de trouver la solution. Et d'après ce que tu me dis, elle n'a pas l'air disposée à la chercher.
- Ce qu'elle dit, c'est qu'elle m'aime, n'a jamais cessé de m'aimer, et que c'est moi qui, sans raison apparente, ai commencé à devenir plus distant et à traîner mon mal-être au niveau de mes chaussettes. Et que c'est pour ça que c'est à moi qu'il appartient de régler ça en allant voir un psy, pas elle.
- C'est bien ce que je dis : ça ne l'intéresse pas d'améliorer les choses.
- Tu sais Ben, je crois qu'elle a peur de faire une thérapie de couple et qu'il en ressorte des choses qu'elle ne veut pas entendre. Je crois qu'elle a peur qu'au lieu de nous réconcilier, cela finisse pas nous séparer pour de bon.
- Possible... Bon, mais du coup, tu y es allé tout seul ? Qu'est-ce qu'il t'a dit, le psy ?
- J'ai fait une dizaine de séances avec une psy, spécialiste en sexualité. Et le premier truc qu'elle m'a dit, c'est que ce serait bien que l'on vienne tous les deux.
- Tu vois...
- La deuxième chose qu'elle m'a dit, c'est qu'il ne fallait pas la forcer, et que par conséquent elle, la psy, allait s'occuper de moi tout seul. Et on a travaillé sur mon estime de moi, sur le fait que j'ai une certaine tendance à donner la priorité aux autres et à me laisser au second plan...
- ...chose que tu fais très bien ce soir !
- Oh, ça va, hein !
- Encore une fois, j'essaie juste de te dérider un peu...
- Passe-moi une crème pour la peau, dans ce cas-là, ce sera plus efficace !
- Quel pince-sans-rire, ce Jimmy !
- Je suis pas d'humeur, que veux-tu ? Enfin bref, on a travaillé sur des aspects de ma personnalité que je rejetais, et ça m'a pas mal aidé à m'accepter tel que je suis. Mais ça n'a pas été d'un très grand secours pour ma relation.
- Ben si elle est pas ouverte au changement, ça aide pas...
- J'ai du mal à dialoguer avec elle sur ce genre de sujets hypersensibles. Je perds rapidement mes moyens et je dis pas les choses comme il faut, et de son côté, elle se ferme comme une palourde.
- Une palourde ?
- C'est un peu plus facile à ouvrir qu'une huître...
- Ouf, ton sens de l'humour n'est pas complètement perdu !
- Heureusement !
- Mais sérieusement, est-ce que tu es toujours amoureux d'elle ?
- Non.
Il a dit ça sans hésitation, d'un souffle court et rauque. Non. Douloureux, mais clair et net.
- J'ai beaucoup d'affection pour elle, mais non. L'amour s'est évaporé comme la part des anges s'est échappée des chais de cognac.
- C'est bien triste, Jimmy. Bien triste.
Et à ses mots, sans avoir besoin de se mettre d'accord, ils vident leurs bières de concert. Ben hèle le serveur :
- Garçon, deux cognacs !
- Dis donc, tu vas me coûter cher !
- C'est toi qui vient de me donner l'idée, mon cher. Fallait pas prononcer ce mot !
- Ca m'apprendra à être poétique... Mais tu as raison, c'est triste. Et ce qui est très difficile dans cette situation, c'est que comme je te dis, j'ai toujours de l'affection pour elle, on s'entend bien. C'est pas comme si on était l'un de ces couples qui se dispute tout le temps : dans ce cas-là, ce serait beaucoup plus facile de rompre.
- Tu sais, tu peux te montrer un peu violent avec elle, elle portera plainte pour violence conjugale, et l'affaire sera réglée.
- Plaisante pas avec ça !
Jimmy a donné un grand coup de poing sur le comptoir. Ses yeux rivés sur son ami lancent des éclairs. Autour d'eux, le silence s'est fait, les clients mis en alerte braquant leur regard inquiet sur les deux hommes.
- Excuse-moi, c'était de très mauvais goût.
- Complètement déplacé, tu veux dire !
Les deux amis prennent de concert une rasade de cognac. La tension se dissipe.
- C'est meilleur que le whisky, ton truc.
- Enfin une bonne parole, Ben !
- Tu me connais, je dis toujours ce que je pense.
- C'est bien pour ça que je te parle de mes histoires. Je sais que je te saoules...
- Au propre comme au figuré !
- Et je te remercie de m'écouter.
- Y'a pas de quoi. Ce sera un cognac de plus !
- OK. Va falloir que j'abrège. Et donc, comme je ne suis pas capable de décider si je dois en terminer avec ma relation ou non, en désespoir de cause, et histoire de me changer les idées, je me suis inscrit sur ce site de rencontres dont je t'ai parlé, Rednit.
- Mais... pourquoi ?
- Parce que j'avais besoin de trouver une échappatoire, d'aller voir ailleurs, voir si j'étais toujours capable de séduire, et ainsi améliorer mon estime de moi.
- Et bien bravo ! C'est la psychologue qui t'a recommandé ça ?
- Non, andouille !
- C'est de l'intérieur, de toi-même que doit venir l'estime pour toi. Il ne faut pas charger de validation extérieure.
- Elémentaire, mon cher Watson !
- Bon, ça me parait mal embarqué, tout ça... Si je ne connaissais pas ta chère et tendre, je te dirais d'en finir avec elle sur-le-champ. Le problème, c'est que je la connais, que je l'apprécie, et que je sais que vous avez une longue histoire, tous les deux...
- Donc tu comprends ma situation, et mon dilemme... Vraiment, je me sens complètement paumé. Et je me sens mal, très mal. Pour elle, surtout. Je lui ai déjà fait beaucoup de mal par le passé (pas physiquement, hein!) et je ne veux pas recommencer. En même temps, je sens que si je reste avec elle sans y trouver mon compte, sans être heureux, alors c'est à moi que je fais du mal. Et fatalement, ça finira par lui faire du mal à elle aussi...
Il reprend sa respiration, hésite à reprendre un verre :
- Voilà où j'en suis. Je veux nous donner une dernière opportunité, sauver notre couple... et en même temps, je suis tiraillé par l'envie d'aller voir ce qui se passe ailleurs, rencontrer quelqu'un d'autre... Mais je ne peux pas faire les deux en même temps.
- Tu ne peux pas avoir le beurre et l'argent de la crème fraîche. Faut que tu choisisses, mon pote !
- Mais pour ça, il faut que je sois sûr de ce que je veux.
- Et tu sais ce que tu veux ?
- Je crois... Mais j'en suis pas sûr. En fait, bien que je l'ai vraiment aimée et que je suis toujours attaché à elle, ça n'a jamais été quelque chose d'extrêmement passionnel, fusionnel. Et je suis persuadé au fonds de moi qu'il existe le grand amour, avec en grand A. Et que mon grand amour, ce n'est pas elle...
- Ben alors ? Tu vois bien que tu sais ce que tu veux : le grand amour !
- Oui... Mais si j'ai tort ? Si je me fourvoie ? Si l'idée que je me fais du grand amour n'est qu'un idéal, une chimère, et qu'en réalité je l'ai déjà à mes côtés sans m'en rendre compte ?
- Ça te rend poétique le cognac, dis-moi !
11 commentaires
Tomochili
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Il y a 4 ans
FleurDelatour
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Il y a 4 ans
Azilizaa
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Il y a 4 ans
Tomochili
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Il y a 4 ans
Sophie_jl
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Il y a 4 ans
Tomochili
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Il y a 4 ans