Fyctia
Chapitre 2 : le Sacrifié
Lorsque mon téléphone sonne, je sais déjà qu’il y a eu un autre cadavre. C’est le troisième en trois semaines… Fait chier !
Sans plus attendre, je sors de chez moi et regagne le portail le plus proche pour pouvoir ensuite me rendre sur la scène de crime.
Le trajet est bref, et en moins d’un quart d’heure, je retrouve Carmen Léonova, la légiste de l’équipe, et l’agent Dylan Wix.
Je sens les regards de mes collègues sur moi. D’après eux, je suis une très belle jeune femme physiquement, si bien qu’ils ont du mal à comprendre comment je peux avoir plus de trois siècles. Mes cheveux sont d’un blond presque blanc et mes pupilles bleues déjà claires deviennent translucides lorsque je fais appel à ma magie. C’est sans doute ce qui les fascine tant. Dylan rappelle ses agents à l’ordre tout en activant ses nanos-gants. Ils recouvrent ses mains d’un voile fin, indétectable et presque invisible.
Sur le sol crasseux de cette rue, un jeune homme d'une vingtaine d'années est allongé. Son corps est couvert de lésions. Carmen se penche sur lui et termine de découper les restes de son tee-shirt afin de décrire à ses collègues les dégâts sur le corps.
— C'est le troisième corps auquel il manque le cœur, et presque tout son sang a été prélevé. Comme par magie ! Il n'y a pas de trace de crocs, pas de trace de ponction particulière, ce qui prédispose à penser que lui aussi a été victime d'une Sorcière Noire.
— N'allons pas trop vite en besogne Carmen, reprend l'agent spécial Wix. Il faut avant tout voir ça avec Goodwin.
Il termine sa phrase en me regardant fixement.
— Je m’en occupe.
Jusqu’ici immobile, je m’agenouille et me penche à mon tour sur le cadavre. En prenant une inspiration puissante, je ferme les yeux et positionne mes mains en lévitation sur le dessus du corps. Je sens la lumière blanche autour de moi, elle est chaude et pure, et elle survole le corps du Sacrifié. Lorsque j’ouvre les yeux, je perçois les hoquets de stupéfaction qui surgissent chaque fois que mes collègues les voient. À cet instant, ils sont le miroir de mon âme et il paraît que les yeux d’une Sorcière Blanche sont fascinant à observer.
Un soubresaut envahit mon corps que je sens se crisper. Préparé à ce qu'il va se passer, Dylan se positionne derrière moi et enveloppe mon corps de ses bras.
La rupture du lien avec le défunt est douloureuse et je finis par m’écrouler dans les bras de mon collègue, suffocante et en sueur.
L’équipe me laisse me reprendre quelques secondes, puis Dylan m’aide à me redresser.
— Je confirme que l’on a affaire à une Sorcière Noire. Sa magie est noire et purulente. Je n’avais jamais ressenti un tel degré de haine meurtrière…
Dans la société des êtres de magie, il n'existe que très peu de Sorcière Noire et souvent, les dégâts qu’elles font sont monstrueux. C'est pourquoi cette affaire est pressante et délicate. Descendantes de Gaïa, la déesse Terre, les Sorcières se nourrissent de l'énergie pure de la terre et de la vie qui l'entoure en se ressourçant auprès de la nature. Cependant, certaines d'entre elles, très peu à ce jour, se sont détournées de la Déesse. Elles engrangent alors du pouvoir en commettant des sacrifices humains.
Des sacrifices horribles durant lesquels elles prélèvent le cœur et le sang de leurs victimes après leur avoir insufflé la peur.
Je frissonne involontairement et sort de mes lugubres réflexions. Je suis sur le point de prendre le départ lorsque Carmen me retient.
— Tu dois voir ça, Elenna.
À vingt mètres du corps, dans une ruelle pourtant éclairée et passante, mon nom est inscrit avec le sang de cet homme.
C’est la première fois depuis le début de l'enquête que mon nom est visible par tous. J’ai l'impression que des millions de regards hostiles pèsent sur moi, bien qu'il n'en soit rien.
Je me tourne vers Dylan qui m’offre un sourire crispé. Du haut de son mètre quatre-vingt-six, il fait presque deux têtes de plus que moi. Pourtant, il a ce petit quelque chose, ce truc innocent en lui. Il ne m’effraie pas.
Je lui souris, et d'un commun accord, nous décidons que nous n'avons plus rien à faire ici. Carmen range ses affaires et nous nous décidons enfin à rentrer.
Trois semaines plus tôt, dans une autre ruelle malodorante de Ramias, le premier cadavre à arborer le nom d'Elenna Goodwin en lettre de sang sur le torse avait été découvert.
J'ai déjà été consultante de nombreuses fois pour le Bureau, mais c'est la première fois que le Directeur Wayland souhaite ma présence absolue et entière sur l'une de leurs enquêtes.
Un homme a été sacrifié en mon nom. Dans notre culture, cet acte barbare est défini comme le péché ultime. Pour la première fois, mes collègues ont eu une démonstration des enjeux pour moi et des risques liés à mon héritage.
Le jour où j'ai examiné le premier Sacrifié, la surcharge d'énergie sensorielle liée à la peur qu'avait ressentie la victime m'avait envahie, et j'avais fini évanouie avec une sacrée bosse.
Raison pour laquelle Dylan s'installe désormais dans mon dos lorsque je reproduis l’exercice.
Nous en sommes désormais à trois morts. La seule certitude que nous avons est que je suis liée, d’une manière ou d’une autre, à cette affaire et qu'un sort de très grande envergure se prépare.
Et cela ne présage rien de bon.
22 commentaires
Kroq51
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Cordelou
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Il y a 5 ans
Joanna Kheerly
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Little-Lilah
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Joanna Kheerly
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Joanna Kheerly
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Charlie L
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Il y a 5 ans