Fyctia
1- Je suis un sorcier
Des esprits, il en voyait depuis toujours. Plus ou moins grand, du grain de riz à la balle de volley, ressemblant à des gouttes de goudron qui flottaient dans le vide. Ils avaient souvent un ou plusieurs yeux, à des endroits pas toujours orthodoxes. Mais cet esprit-là, il ne ressemblait en rien à ce qu’il avait déjà pu observer jusqu’à aujourd’hui.
Ihmé était sur le cul, les coudes égratignés par sa chute. L’esprit prenait appui sur le rebord du toit. Ils se trouvaient au sommet de l’orphelinat. D’ordinaire, Ihmé aimait s’y rendre pour regarder le soleil se lever et les esprits voler entre les buildings de la ville. Mais ce matin-là, il aurait préféré être autre part.
De la même couleur sombre que les autres esprits, il était cependant au moins cent fois plus grand que tous ceux qu'il avait pu croiser jusque-là. De la taille d’un éléphant, mais de la forme d’un loup. Des gouttes de lui-même dégoulinaient de ses crocs, de ses griffes, de chacun de ses pas qu’il faisait vers Ihmé.
Ihmé reculait, à la fois tétanisé et ébahi, alors que la créature le surplombait.
— Bonjour toi, tu… tu t’es perdu ?
Les esprits ne lui répondaient jamais. Mais ils n’avaient jamais été aussi imposants. Celui-ci se mit à rugir, postillonnant toujours plus de ces gouttes noires qui devaient être de l’ectoplasme. C’est le moment où Ihmé se dit qu’il valait peut-être mieux prendre ses jambes à son coup.
Il se retourna et s’éloigna vivement alors que l’esprit envoyait une patte griffue à l’endroit où il s’était tenu un instant auparavant.
Ihmé poussa un cri de détresse alors que l’apparition le poursuivit. Il sauta par-dessus une bouche d’aération, bifurqua à côté du potager de Madame Créma, la bibliothécaire, tendit la main dans sa course vers la porte qui lui permettrait de se réfugier derrière.
La créature bondit devant lui pour lui bloquer le passage.
— Aaaaah- !
Il repartit dans l’autre sens, vers la rambarde du toit. Et sauta par-dessus.
À peine fut-il dans les airs qu’il fit apparaitre une forme. Comme un poisson translucide, d’une couleur vert clair. Elle faisait la taille d’une grosse carpe et Ihmé l’attrapa pour éviter de tomber dans le vide. Le poisson fut surpris, Ihmé était bien trop lourd pour qu’il parvienne à nager en le retenant. Il tomba avec lui.
— Outch !
Ihmé se réceptionna douloureusement sur la cage d’escalier extérieur de son immeuble, s’éraflant encore un peu plus les coudes. Le poisson avait disparu, mais il lui avait au moins permis d’amortir la chute.
Ihmé frottait son bassin douloureux quand il l’aperçu, à quelques mètres au-dessus de lui, l’esprit dépassa sa tête du mur pour voir où avait sauté sa proie. Dès qu’il le repéra, le monstre fit mine de sauter dans sa direction, mais une énorme déflagration qui le heurta de plein fouet l’interrompit.
Qu’était-ce ? L’esprit, comme Ihmé, observèrent les alentours. Cependant avant que l’esprit n’ait pu faire un seul mouvement supplémentaire, il reçut une nouvelle boule de feu. Cette fois, Ihmé vit qu’elle provenait de l’immeuble d’en face.
Debout sur le rebord du toit, un homme à l’épaisse cape rouge tendait une main vers un livre qui flottait devant lui. Les tires semblaient sortir des feuilles grandes ouvertes qui pointaient vers le monstre.
Ihmé n’en crut pas ses yeux. Il le savait ! Il n’était pas seul. D’autres que lui pouvaient voir ces créatures. Il n’y avait jamais douté !
D’un dernier tir, le monstre se volatilisa subitement dans un éclat de poussières grises. Le dernier grain n’avait pas disparu que l’homme en rouge se retournait déjà.
— Attendez ! cria Ihmé.
Mais l’homme n’en fit rien. Il sauta vers son toit et sortit de son champ de vision.
— Attendez ! répéta Ihmé en se redressant, prêt à s’élancer vers les escaliers pour remonter en haut de l’immeuble.
— Qu’est-ce que tu fais ici Ihmé ?
Une fenêtre d’où dépasser une vieille dame s’était ouvert un étage plus bas. Ihmé se retourna.
— Vous n’avez pas vu ? dit-il en pointant vers le ciel. Il était juste là !
Il reprit sa course.
— Reviens ici tout de suite ! s’écria la vieille dame.
Ihmé bougonna alors que Madame Percil l’installa de force à sa place dans la salle de classe.
— Mais je vous dis qu’il y avait un homme sur le toit !
— Toujours le même refrain. C’est parce que tu continues d’inventer ces fantaisies que personne ne voudra jamais de toi ! Reste ici et réfléchis un peu à ton avenir.
— Mais ! Le cours ne commence pas avant au moins 30 minutes ! protesta-t-il.
— Ça te laissera plus de temps pour cogiter !
D’un geste boudeur, il croisa les bras en la regardant refermer la porte de la classe, le laissant seul.
C’était différent des fois précédentes. Aujourd’hui, ce n’était pas qu’un esprit invisible à tous sauf à lui qu’il avait vu. C’était un homme de chair et de sang.
Ils étaient une quinzaine dorénavant à rêvasser en écoutant le cours de Madame Percil quand quelqu’un toqua à la porte. Marc, l’intendant entra.
— Madame Percil, dit-il. Pourrais-je vous emprunter Ihmé Dupré ? Une personne souhaite le rencontrer.
Ihmé ne fut pas le seul étonné. Lui ? Cela faisait de nombreux mois que plus personne ne s’était intéressé à sa personne. Depuis qu’il avait atteint ses 14 ans, il n’avait presque plus jamais eu de visite.
— Ihmé ! s'exclama Madame Percil en se précipitant vers lui. S’il te plait, fais bien attention à ce que tu vas raconter cette fois-ci.
Elle lui réarrangea ses cheveux, coiffant quelques mèches rebelles en arrière, redressa le col de sa chemise et épousa les épaules de son pull-over vert.
— Essaye de montrer à quel point tu sais être gentil, d’accord ?
Ihmé grogna à la remarque et s’extirpa des bras de la vieille dame.
— En avant mon garçon, dit l’intendant quand il passa devant lui.
Dans la classe, Madame Percil posa une main émue sur sa bouche en les regardant s’éloigner alors que le brouhaha des élèves résonna instantanément autour d’elle.
Une nouvelle rencontre. Ihmé se tordait les doigts et remit ses cheveux devant ses yeux. Il le savait, leur couleur anormalement orange en faisait fuir plus d’un, autant les dissimulés pendant quelques instants.
Faire attention à ce qu’il allait raconter. Être gentil. Il n’eut pas le temps de se poser plus de questions que l’intendant lui ouvrit la porte. En entrant, Ihmé le reconnut aussitôt. Il n’avait plus sa cape rouge, mais c’était lui. L’homme qui l’avait sauvé le matin même. Il était habillé d’un élégant costume gris, la barbe finement taillée, des cheveux coiffés en arrière grisonnant sur les tempes. Il se retourna dans sa direction.
— Bonjour Ihmé, lui dit-il.
Ihmé le savait ! Il n’avait pas reçu sa lettre pour Poudlard à ses onze ans, mais ce n’était qu’une erreur. Il avait des pouvoirs, il pouvait voir des esprits. Cela ne faisait aucun doute. Il était un sorcier.
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Leana Jel
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Il y a 2 ans
Mélodie.O
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Laureline Maumelat
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