Fyctia
Chapitre 12 : Lise, 17 ans
- Lise Andrea Peronnet ! Reviens ici immédiatement !
- NON !
Je bouscule ma mère qui commence à peine à ouvrir la porte d’entrée et grimpe quatre à quatre les marches de l’escalier pour m’enfermer dans ma chambre. Les pas lourds de mon père me suivent jusqu’à être interrompus par l’injonction de son ex-femme.
- Jean.
Elle n’a pas besoin de hausser la voix pour se faire entendre. C’est à peine s’ils s’adressent la parole depuis leur séparation qui remonte pourtant de plus de 3 ans.
Je me jette sur mon lit et tourne le dos à la porte qui ne tarde pas à s’ouvrir délicatement. Un léger brouhaha s’engouffre en provenance du rez-de-chaussée où mon frère part dans tous les sens sous les râlements de ma sœur et les tentatives de mon père pour le calmer.
- Lise ?
Le matelas s’enfonce lorsque ma mère s’y assoit. Sa main presse mon épaule mais je ne me retourne pas. Je lutte pour refouler les larmes de colère qui me serre la gorge. J’ai presque 18 ans. Je n’ai plus l’âge de faire des caprices. Pourtant, celui-ci me tient à cœur.
- Tu peux me dire ce qui s’est passé chez ton père ?
Je déglutis et accepte de baragouiner des explications.
- Papa m’a demandé de lui présenter mon projet d’avenir.
C’est aussi pompeux que ça en a l’air.
Je savais que cette question allait me tomber dessus à un moment ou à un autre. Maintenant que Christine est fiancée et que Sylvain a été validé par le grand manitou, je suis devenu le nouveau sujet de préoccupation de mon père. Il peut se transformer en vrai pit bull dans ces moments-là. Je l’ai bien vu avec ma sœur. À présent, c’est à mon tour et je m’étais préparée à le décevoir.
Du moins, c’est ce que je croyais.
- Et qu’est-ce que tu lui as dit ?
Je marmonne quelque chose que moi-même ne comprend pas. Ma mère se penche et ses longs cheveux dorés chatouillent mon visage.
- Et en français ça donne quoi ?
Je prends mon courage à deux mains et répète plus distinctement :
- Je voudrais dessiner.
Je triture mes ongles dans l’attente. J’ai soudain peur qu’elle se range de son côté. Voir le dépit dans les yeux de mon père est une habitude. Le constater dans les siens, à elle… Voilà qui m’achèverait.
- Ce n’est pas une surprise, conclut-elle à mon grand soulagement.
Il ne dure qu’à instant quand je songe au bourreau qui m’attend au rez-de-chaussée.
- Va dire ça à Papa…
- Oh là ! Sans façon !
Je tourne la tête, surprise. Ce n’est pas son genre de se dégonfler face à lui. Je la surprends à me sourire avec connivence et comprends qu’elle m’a eu. Je bascule sur le dos pour la regarder dans les yeux.
- C’est ce que j’ai envie de faire, Maman.
- Ton père n’a pas bien réagi si j’en juge par votre entrée fracassante…
- Il a dit que ce n’était pas un métier et qu’il me voyait plutôt secrétaire. Non mais secrétaire, tu te rends compte !?
- Il n’y a rien de mal à être secrétaire.
- Bien sûr que non !, je m’exaspère en ayant le sentiment d’être incomprise. Je ne veux juste pas faire un métier pour simplement gagner de l’argent ! Je veux être passionnée par ce que je fais ! Pas me lever le matin en traînant des pieds pendant les 50 prochaines années ! C’est trop demandé ?
Je renifle. L’impression que ma vie se termine aujourd’hui, alors qu’elle devrait justement commencer, s’accroche à moi. Ma mère se pince les lèvres en me caressant les cheveux.
- Bien sûr que non. Tu as le droit d’avoir des rêves. C’est même essentiel ! Cependant… Je dois accorder un point à ton père.
Je m’apprête à riposter quand elle plaque un doigt contre ma bouche.
- Dessiner, ce n’est pas un métier. Il a raison.
- Mais…
- Mais si c’est vraiment ce que tu veux faire… Nous allons devoir faire des recherches sur les débouchés. Trouver ce qui t’intéresse vraiment.
L’espoir s’infiltre en moi tandis que ma mère me prouve qu’elle avait préparé son coup.
- Je sais déjà que pour avoir un diplôme, commence-t-elle, il te faudra intégrer une école. Je suis désolée de te l’annoncer, ma puce… Ton père devra jouer un rôle. Je n’aurai pas les moyens de financer ton rêve toute seule. Lui les a. Alors tu devras faire des compromis.
Mes épaules s’affaissent. Je vois mal Papa en faire. Il est habitué à être suivi à la lettre. Ça doit être pour ça qu’il préfère ses chiens à nous.
- Il n’est pas aussi inflexible que tu le penses, tente Maman pour me remonter le moral. Investis-le dans ton projet au lieu de le prendre au dépourvu. Il a toujours eu une peur bleue du changement. Rends ton monde familier pour lui et il rechignera moins à te laisser t’y aventurer sans sa protection. D’accord ?
J’acquiesce en m’essuyant les yeux.
- Tu resteras ?
- Bien sûr ! Je serais juste à côté de toi.
Je souris, me demandant ce que je ferais sans ses précieux conseils.
4 commentaires
Sabrina A. Jia
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Il y a 4 ans
Thylia Andwell
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Il y a 4 ans