Fyctia
Prologue - Orthomyxoviridae
- Au revoir, Maman !
Je garde la main levée bien après la disparition du sourire d’Annie et le froncement de sourcils de ma benjamine Lise. Le départ de ma petite-fille est le signe que l’été touche à sa fin. La ferveur qui imprègne l’air à cette saison est plus efficace que du Viagra sur ma personne vieillissante. J’aurai presque l’impression de redevenir une adolescente quand je me balade au milieu de cette jeunesse fougueuse qui croit encore que ces deux mois de vacances seront éternels. Annie et moi en avons bien profité. Surtout moi. Je ne sais pas pendant encore combien de temps elle acceptera de venir passer des vacances dans ma petite ville alors que sa majorité approche. Mieux vaut en profiter tant que j'en suis capable.
Une vibration dans ma main gauche m’apprend l’arrivée d’un nouveau message. Mon voisin du dessus m’invite à l’apéro. Son opération de la hanche s’est bien passée. Il peut à peine bouger mais, à 84 ans, je suppose qu’il peut s’estimer heureux d’être en vie. Aucun problème de santé ne vient me tourmenter de mon côté. Seulement une certaine nostalgie à l’idée du temps qui passe. Mes enfants sont grands. Leurs enfants également…
Le silence du couloir devient suffocant. Ces murs en crépis blancs, d’une froideur renforcée par l’éclat des néons, me sont insupportables. À croire que pas une couleur ne peut exister en son sein. J’enroule mes bras autour de mon corps pour me réchauffer tandis que des frissons me parcourent. La fatigue s’abat sur moi. Passer une semaine à suivre le dynamisme d’une jeune fille de 17 ans n’est peut-être plus une si bonne idée que ça. Mon âge me rattrape. Mon reflet sur les portes de l’ascenseur est ridée, fatiguée, déformée… Je m'en détourne en lui tirant la langue.
Le chemin jusqu’à mon appartement, désormais bien vide, semble bien long alors que mes pieds traînent au sol. Je m’arrête pour reprendre mon souffle devant la porte de ma voisine Paula. Elle est entrouverte. C’est une invitation à la rejoindre sur sa terrasse où elle ne manque pas de se faire dorer au soleil en sirotant un kir royal généreux. Je sais déjà que ce n’est pas son premier. Si j’entre, ce ne sera pas non plus le dernier.
Malgré la tentation, je rentre chez moi. Les dernières traces de la présence d’Annie me sautent aux yeux. Un verre de soda sur la table. Un plaid plié à la va-vite. Le placard aux bonbons entrebâillé. Je n’ai pas le cœur de les effacer.
Pour l’instant, je ne souhaite que retrouver mon lit. La fin d’après-midi n’est pas une raison suffisante pour y renoncer. Quelque peu déprimée, je me persuade qu’il ne s’agit que d’une sieste. Une petite voix me signale que je pourrais la faire dans le salon mais je ne lui prête pas attention.
J’accueille mon lit en écartant les bras pour m’y laisser tomber tel un chanteur de rock dans une foule extatique. Un gémissement franchit mes lèvres alors que je m’enfonce dans le matelas parfaitement calibré entre le moelleux et le dur. À peine ai-je fermé les yeux que je les rouvre en grimaçant.
La lumière a changé.
Il fait plus sombre. Le sommeil s’accroche à mes paupières balbutiantes. Une toux me prend. Je bascule difficilement sur le dos et me redresse dans un effort olympique. Mes membres tremblent de froid alors que de la sueur goutte sur mon front.
- Et merde…
Je suis malade. Roulant des yeux, je m’aventure hors de mon lit pour me rendre à la salle de bain dans l’optique d’ingurgiter un cocktail d’ibuprofène quand le sol à la brillante idée de se dérober sous mes pas. Je bascule la tête la première et ne peux baragouiner qu’un misérable "aïe". Je n’ai même plus la force de paraître convaincante.
Je remercie mon moi passé d’avoir fait installer de la moquette contre l’avis de mes enfants. À l’origine, c’était plutôt pour prévenir les chutes de mes petits-enfants mais ça marche aussi dans ce sens-là.
Mes jambes me font un caprice et refusent de me soutenir. J’utilise la force inexistante de mes bras pour me traîner jusqu’à l’entrée où trône le téléphone fixe sur un petit meuble. Ainsi étendu sur le sol, il paraît pourtant faire la taille de l’Empire State Building. Je tends le bras et sens sa surface glisser sous mes doigts.
- Saloperie !
Ma vision devient floue. Mes paupières refusent de rester ouverte. Je continue d’essayer d’atteindre ce maudit téléphone mais l’obscurité prend l’ascendant sur moi.
15 commentaires
Angèle G. Melko (ColibriJaune)
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Il y a 4 ans
Angelilau
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Il y a 4 ans
Océane Ginot
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Thylia Andwell
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Samara Alves
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Thylia Andwell
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