Fyctia
24. Rhum’dez-vous arrangé
- DAZHELLE -
Une demi-heure que ma belle Marie est partie avec l’autre barbu des bois. Je hais ce type qui ne se prend pas pour du pâté en croûte, toujours avec ses airs de foie gras aux truffes, sans parler de sa chemise à carreau qui semble venir d’un autre temps.
Et moi, le gentil Daz, me voilà en train de gérer les clients qui viennent, sans avoir le droit de ronchonner. Je garde bien à l’esprit que, toutes petites crevettes grises que je vends, sont un plus pour ma jolie protégée, mais je dois avouer que j’enrage contre le Borgös.
Lui et ses gros muscles m’insupportent au plus haut point, voir carrément, jusqu’aux Cieux. Parce qu’il est un Archange, il pense avoir tous les droits mais je vais lui montrer de quelle plume je me chauffe ! Je ne me laisserais pas faire. Marie est, et restera ma mission jusqu’à ce qu’elle aille mieux.
Et quand j’y pense, cela me désespère quelque peu, car je me sens bien dans cette petite ville de Camden, à ses côtés. Mais alors que je suis dans mes pensées, une main s’abat dans mon dos, en plein sur mes ailes, me faisant pousser un hurlement digne d’un macaque enragé.
— Oh Diable ! Vous voulez me faire faire une crise cardiaque ma parole ?
— Toutes mes excuses Madame Tinache, vous m’avez surpris !
— Je vois ça, je vois ça…
La mamie Birguitte a la main sur le cœur et dandine sa tête. Oh mon Dieu qu’ai-je fais ? Elle a l’air toute pâlichonne ! Je la saisis par les épaules et la secoue afin de savoir si elle est encore de ce monde. D’ailleurs, je me demande ce qu’elle donnerait la vieille si elle devenait un Ange…
— Daz ? Qu’est-c’tu fais ? L’grand-mère va vomir s’tu la s’coue si fort !
Ah oui, mince, il a pas tord cette fois le barbu. Je relâche mamie avec délicatesse mais mon attention se porte tout de suite sur Marie qui arrive avec une tête proche de celle d’une ourse mal léchée. Je vais pour lui demander ce qu’il ne va pas sauf que cet imbécile d’élan du Canada me coupe le bambou sous le pied.
— Ma chère p’tite Marie, vous êtes bin fatiguée, c’qu’il vous faut c’t’un p’tit r’montant !
— Oh bonne idée Borgös. Allons tous au Volt’Hair pour nous ravitailler, j’en ai bien besoin.
— Mais Marie, tes caisses tu ne peux pas les laisser là !
Birguitte n’a pas tort, il faut tout ranger dans le camion et l’emmener dans le congélateur que le boucher met à notre disposition pour l’occasion. Et quelle belle occasion pour moi que de me rendre utile pour ma douce poissonnière.
— Pas de soucis, je vais m’en charger et Borgös sera ravi de m’aider j’en suis certain, n’est-pas mon ami ?
Je profite de l’occasion pour mettre une grande claque sur l’épaule de mon Archange et retiens un cri. Mince ! J’avais oublié que nous ne pouvions pas frapper les êtres supérieurs sous peine de se faire punir par le petit Jésus. Pfff, encore un mec à barbe celui là, décidément, ils pullulent comme les crabes un soir de pleine Lune.
Nous voilà donc le « beau caribou », comme l’appelle Marie, et moi même à transporter des caissons de poissons à travers Camden. Borgös grogne mais ne m’adresse pas la parole pendant toute la durée de notre travail. Il peut bien bouder si ça lui chante, quoi que… Il paraît que les Archanges ont les cordes vocales comme le fil de la lame d’un couteau.
Je jubile intérieurement de l’entendre soupirer, même si une part de moi déclenche la sonnette d’alarme. Avec un spécimen tel que lui on peut s’attendre à tout, j’espère que la moutarde ne lui sera pas trop montée au nez, et qu’il n’essayera pas de me faire payer mon impertinence.
Nous arrivons enfin au bout de notre tâche. Même si je rêve d’une bonne douche pour faire disparaitre cette odeur nauséabonde, je ne veux pas le laisser une seule seconde sans surveillance. Il serait capable d’enlever ma voisine pour ne plus que je l’approche. Je décide donc qu’il est grand temps que nous allions rejoindre nos cavalières d’un soir.
Le bar est blindé de monde, mais je n’ai aucun mal à repérer les Tinache, surtout la grand-mère qui est au micro et qui se déhanche sur une chanson entêtante, qui donne un peu près ça : « femmmmmmmmmme, être une femmmmmmmmme… femme des années 80, moins Colombine qu’Arlequin… ».
Il n’y a pas photo, la mamie déchire sa race ! C’est marrant, mais ça me donne une idée, et pour mettre en place mon plan diabolique, il est nécessaire de commencer par une tournée générale d’un bon petit rhum arrangé.
Je demande à Dick de venir directement nous apporter ma commande à notre table, car avant d’aller m’assoir avec Marie, il me reste une petite chose à faire. J’attends patiemment les dernières notes de musique pour aller accueillir Birguitte à sa descente de scène.
Je n’y avais pas prêté attention avant, mais celle-ci a dû passer par chez sa petite fille pour se changer. Elle porte à présent une jupe en cuir rouge qui est assorti à la couleur de ses boucles d’oreilles créoles.
En le haut, un chemisier fleuri boutonné jusqu’au cou, sur lequel descend un collier à grosses perles en bois de toutes les couleurs. Pour compléter ce total look, elle est chaussée d’une paire de bottes noires, lui arrivant juste en dessous des genoux.
Elle me saute littéralement dans les bras, ou cela est peut-être dû au fait qu’elle ait loupé la dernière marche, et que j’ai fait barrière pour ne pas qu’elle s’étale comme une vulgaire crêpe aux champignons !
— Oh mon p’tit Daz, toujours là où il faut. Avez-vous aimé ma prestation ?
— Absolument Birguitte, ce soir une étoile est née.
— Vous êtes un ange, vous allez me faire rougir.
— En fait, il faut rendre à César ce qui est à César. Pour être tout à fait honnête avec vous, ces paroles sont de mon très cher ami Börgos. Comme il le dit, il est tombé en admiration devant vous.
— Comme c’est flatteur !
— Je crois même qu’il n’ose pas, mais souhaiterait de tout son cœur vous inviter à danser.
— Alors trêve de balivernes ! Je vais de ce pas le convier pour un petit tango endiablé. Pouvez-vous me rendre un service mon petit ?
— Bien sûr, tout ce que vous voudrez.
— Demandez à Zad ou Dick de lancer un morceau argentin dès que je partirai en direction de la piste au bras du caribou.
— Comptez sur moi, je ne vais certainement pas vous décevoir.
Je rigole mais d’une force, vous l’entendez là mon rire satanique ? Il n’aurait jamais dû venir se mêler de mes affaires ! Bien sûr je n’oublie pas qu’il est mon superviseur, mais que je sache, lors de ma précédente mission, il ne s’est jamais déplacé… Pas même le jour où Thibaud s’est tué.
Je l’aperçois me jeter un regard perçant quand l’obstination de la mamie a raison de sa volonté à refuser. Maintenant, il est grand temps de passer à la phase deux de mon plan « Daz contre le reste du monde ! ».
8 commentaires
AisuYumiya
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Il y a 7 ans
Caro Handon
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Il y a 7 ans
DannyJ
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Il y a 7 ans
Fyctia
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Il y a 7 ans
Caro Handon
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Il y a 7 ans
Fyctia
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Il y a 7 ans
Aure Waroux Gayard
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Il y a 7 ans