Fyctia
15. Jukebox ambulant
La soirée au Vol’tair touche à sa fin. Je m’octroie le droit d’inviter une dernière fois ma jolie partenaire à se déhancher sur le dance floor. J’ai demandé au préalable à Zad de passer la chanson « One More Night » des Maroon 5.
La musique m’envahie tellement que je me rends compte que mes ailes partent dans tous les sens. Encore heureux que personne ne puisse les voir. D’ailleurs, les gens présents ne comprennent pas quand un verre vient se fracasser au sol sans raison apparente, sauf que moi je sais qu’un de mes attributs célestes en est la cause. Je fais en sorte de cacher ma gêne en continuant, comme si de rien n’était, à remuer mon popotin.
Quand nous nous arrêtons enfin de danser, je balaye du regard la salle, et je m’aperçois qu’il ne reste plus que nous. Zad a l’air de pester, car je suppose qu’il attend que nous nous décidions enfin à partir pour pouvoir fermer boutique.
Durant tout le trajet nous séparant de notre logement, Marie chante à tue-tête tel un jukebox ambulant, commençant par « Que tu revieeeeeeeennes… J’ai tellement attenduuuuuuuuuuuuu », en passant par « J'ai compris tous les mots, j'ai bien compris, merci… Il faut que tu saches… Pour que tu m'aiiiiiiiimes encoooooore », pour finir avec « Par-dessus l’étang, soudain j’ai vu, passer les oiiiiiiiiiies sauvaaaaages »».
Elle a l’air tellement bien, que je n’ai pas le cœur de lui dire de se taire. Tant pis pour le voisinage qui dort déjà à cette heure avancée. J’espère juste que personne ne fera le rapprochement avec elle, afin de ne pas entacher la réputation de sa poissonnerie.
Nous mettons cinq bonnes minutes à franchir les escaliers qui nous séparent de notre chez nous. Nous nous quittons sur le palier de notre étage, non sans échanger au préalable une longue accolade, bien sûr en tout bien, tout honneur.
Mon imagination me joue sûrement un mauvais tour, mais à cet instant, j’ai presque l’impression que ma belle voisine attend plus que mon amitié, à moins que ça ne soit uniquement un effet secondaire de tout l’alcool qu’elle a ingurgité pendant cette soirée.
Marie a l’air aux anges de ces quelques heures passées en ma compagnie, et de mon côté, je suis ravi d’avoir appris que sa banque va, enfin, lui permettre de souffler un peu.
Par contre, je trouve qu’elle est bien optimiste quant à mes qualités de décorateur. Pour toutes les casquettes que j’ai testées jusqu’à présent, j’étais convaincu de mes compétences, et cela s’est avéré être catastrophique… Alors, je ne vous fais pas de dessin concernant une tâche pour laquelle je suis persuadé par avance que je vais échouer.
Je laisse passer quelques heures pendant lesquelles j’entreprends de réaliser quatre mini chaussettes en tricot… Cela serait une arme imparable contre les griffes d’une certaine boule de poils, si vous voyez de qui je veux parler.
Bien que nous soyons désormais « amis », il n’empêche que durant ses quarts d’heure de folie, la minette n’hésite pas un seul instant à sortir son arsenal aiguisé contre moi, ou plutôt pour attraper mes ailes. A force de continuer comme ça, je vais finir complétement déplumé. Marie ne verrait pas la différence, mais mon amour propre en prendrait un coup. Je pense que, comme ma belle, j’ai un peu abusé ce soir, car je saute à peu près une maille sur deux, ce qui ne me ressemble absolument pas.
Après deux heures d’acharnement, non productif, je décide qu’il est grand temps de me mettre en chemin pour accomplir mon devoir d’Ange. Comme cela est devenu habituel, je rentre chez ma douce protégée à l’aide de mon pass, en n’oubliant surtout pas au passage, de faire une caresse à Chocolatine. Je me sens un peu honteux de vous l’avouer, mais c’est devenu notre rituel, comme un droit de passage en quelque sorte.
Je file dans la chambre de Marie et m’agenouille auprès de son lit. Je remarque immédiatement qu’elle a un sommeil très agité, ne serait-ce que par les brides des phrases que j’arrive à reconstituer.
— ¬Mamie Birguitte… Non… Pas venir… Non… Peur… Jugement… Exigeante… Pas à la hauteur… Daz…
Et merde, la voilà qui se met à parler de moi. Déontologiquement, je ne devrais pas rester à écouter, cela ne se fait pas. Mais, pour le moment, je suis uniquement ici à titre professionnel. Je ne peux donc pas l’abandonner dans cet état, sans essayer de l’apaiser au moyen de mes murmures. Parce que, imaginez qu’il lui passe n’importe quelle idée sordide dans la tête… Comme vous le savez déjà, Börgos débarque, et paf Daz…Retour au bercail.
Bien allez, un peu de nerf, je ne vais pas y passer la nuit non plus.
— Marie, concentre-toi sur ma voix. Ne sois pas effrayée. Tout va très bien se passer. Tu progresses avec la poissonnerie, ta chère Mamie Birguitte ne pourra que le constater.
Elle se tourne vers moi dans un sursaut. Sans réfléchir je me camoufle derrière les rideaux de sa chambre en attendant qu’elle se rendorme. Je l’entends à nouveau partir dans des délires, ce qui me donne le signal pour reprendre ma place initiale.
— Elle ne voit rien… Je suis jamais à la hauteur pour elle… Baisser les bras… Fermer la baraque… Partir… Daz… Honte… Comportement de ce soir…
Oh là là, il y a vraiment du niveau cette nuit. Cela commence même à me mettre une certaine pression. Et si je n’étais pas à la hauteur des angoisses de ma protégée ?
— Marie, tu es forte. La plus déterminée de toutes celles que j’ai connues. Si ta Mamie ne s’en rend pas compte, c’est qu’elle est myope. Tu dois rester. La banque fait enfin un pas vers toi. Quant à moi, il n’y a pas de honte à avoir. Je t’apprécie énormément.
Un nouveau soubresaut intervient à ce moment, et je plonge donc le plus rapidement possible sous son lit.
J’attends une nouvelle fois qu’elle retrouve son calme, et quand tout semble être revenu à la normale, je commence à sortir une main pour m’extraire hors de ma planque.
Ma grosse surprise, et une légère douleur au niveau de mon extrémité, m’oblige à lâcher un espèce de cri que moi-même j’aurais bien du mal à qualifier. Je me recale dans l’ombre de ma cachette aussi vite que mon corps me le permet.
J’hallucine ! Il a fallu qu’elle attende précisément le moment où je sors ma main de dessous le lit pour poser son pied au sol. Je suis fini… Je ne vois plus d’issue. Elle vient de me démasquer et je m’attends dans les minutes qui viennent à voir Börgos surgir d’un des coins de la pièce.
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zélia louise
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Mymy M. *Sakuramymy*
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Il y a 7 ans