Caro Handon Au cœur des âmes Au cœur des âmes - Chapitre 37

Au cœur des âmes - Chapitre 37

Nous arrivons dans la caverne sous une pluie drue, subissant les foudres d’un orage d’une rare intensité. Machk pose Nashoba dans un amas de mousse, rassemblé là par le grizzly, pour arranger son couchage lorsque ce dernier se tasse.


Nos tenues imbibées pèsent lourd sur nos épaules, et chacun de nous s’en débarrasse. Aponi m’aide quand vient le tour de notre camarade estropié, et je comprends mieux l’importance de sa blessure au moment où nous ôtons sa cuirasse. Il est tout bonnement torse nu !


— Tu n’as pas mis ta côte de maille ? le grondé-je.

— Je n’en ai pas non plus, intervient Machk. Les exilés ont tout juste eu le temps de confectionner les vôtres.


Mes poings se serrent d’une vive colère. Cependant, j’ai conscience qu’elle ne me mènera nulle part.


— La poisse, on peut dire adieu à un feu pour nous réchauffer, lance Aponi. Tout est trempé dehors.


Mon corps se crispe davantage. Cela nous aurait bien aidés à stabiliser l’état de Nashoba qui ne cesse d’empirer. Je regarde pour la énième fois sa blessure, dont la pommade, mise comme pansage provisoire, suinte déjà d’un écoulement rougeâtre.


Dans mon sac, je sors de quoi lui faire un bandage plus élaboré, et ainsi éviter un risque d’infection.


Je termine quand l’animai attire mon attention en me grognant dessus. Quand mes yeux rencontrent les siens, je le perçois dans mon esprit.


— Pourquoi m’empêches-tu de parler ?


Ma mâchoire tressaute au moment où je réalise qu’il dit vrai, et j’ai l’impression de ressentir comme un verrou qui s’ouvre au niveau de mon plexus solaire.


— Pardon, lui dis-je, étonnée de découvrir ma capacité à bloquer le lien avec lui.

— Ce n’est pas grave, jeune chamane, poursuit-il avec ma voix. Je souhaitais juste vous dire qu’il existe un endroit non loin d’ici où le bois sera sec. Il s’agit d’une cabane abandonnée.

— Es-tu certain qu’elle le soit ? lui demande Machk.

— Je ne vous défendrai pas contre le loup pour vous emmener ensuite dans un traquenard, réplique le grizzly visiblement vexé.


L’échange se poursuit quelques minutes, puis tous se mettent d’accord : notre camarade valide accompagne son animai tandis qu’Aponi et moi restons au chevet de Nashoba.


— Soyez prudents, souffle mon amie en serrant Machk dans ses bras.


Les deux comparses se dirigent vers la sortie, et l’instant d’après, seul le bruit de la pluie tombant dehors nous parvient.


Lorsque je reporte mon attention vers Aponi, je l’aperçois enfiler un foulard autour de sa tête, comme si elle souhaitait se protéger de quelque chose.


— Qu’est-ce que tu fais ?

— Je vais chercher à manger. L’ours aidant Machk à rapporter du bois, il faut bien que quelqu’un se dévoue pour nourrir nos bouches.

— Il est hors de question que tu sortes seule par un temps pareil !

— J’ai grandi dans le désert brûlant d’Ignis, mais ce n’est pas un peu d’eau qui va m’arrêter.

— Le loup est dehors, il pourrait même venir ici. Je ne te laisserai pas t’en aller au beau milieu de cette nature hostile, affirmé-je.

— Et que vas-tu faire ? Te battre ? me nargue Aponi, un sourire aux lèvres.


J’émets un grognement en signe de capitulation. Malgré toute ma bonne volonté, elle me mettra la pâtée en moins de deux.


— Je fais vite, promis.


Elle me serre contre elle, comme pour me rassurer, mais lorsqu’elle se détache de moi, je jurerais voir ses yeux briller.


— Occupe-toi bien de lui, ajoute-t-elle avant de disparaître à son tour.


Sans attendre, je retourne auprès de Nashoba. Sa respiration lente m’indique qu’il s’est endormi, alors je me cale à ses côtés pour générer de la chaleur corporelle, à défaut d’avoir un feu de camp.


Timidement, je l’enlace pour être au plus près de lui. Son odeur, désormais familière, me réconforte un peu. Du paprika fumé, mélangé au sucré de la vanille et à quelques notes d’écorce de chêne.


— Tu marmonnes, grogne-t-il.


Je me redresse en sursautant presque et porte mon attention sur lui. Ses yeux sont toujours fermés.


— C’est toi qui entends des voix.

— Uniquement la tienne, rétorque-t-il avec un soupçon de taquinerie.


Un sourire éclaire mon visage. S’il me charrie, c’est qu’il ne va pas si mal.


— Je ne pensais pas t’obnubiler à ce point.

— Ne prends pas tes rêves pour une réalité.


Avant que je puisse répliquer quoi que ce soit, Nashoba se redresse. Une grimace accompagne ses gestes hasardeux. Il n’est peut-être pas autant en forme, finalement.


— Tu devrais rester allongé.

— Après, répond-il simplement.


Je le laisse se mettre à son aise, sans rien dire. Cependant, un léger cri m’échappe lorsqu’il saisit ma main. Mon pouls accélère d’autant plus quand il entrelace ses doigts aux miens. Je découvre alors la texture de sa peau, à la fois douce par endroits, et parsemée de callosités à d’autres.

Son geste me prend de cours et je ne sais pas comment réagir.


— Leï, souffle-t-il.


Le grain chaud de sa voix s’immisce dans mon cœur et le fait battre plus fort. Je n’ose pas le regarder malgré son appel. Mes joues, elles, s’empourprent dans la pénombre de cette caverne.


— Je n’ai pas été tendre avec toi, et j’en suis désolé.


Ces mots me touchent. L’animosité entre nous a tant évolué depuis notre départ de Solis. J’aime autant nos échanges mordants que sa douceur rassurante quand il me sait en danger. Mais pourquoi me dire ça maintenant ?


— Je ne me sens pas super bien, lâche-t-il avec une voix éraillée.


Ni une, ni deux, je relève le nez dans sa direction, et découvre un demi-sourire sur son visage. Je comprends alors la supercherie.


— Tu mériterais que je te frappe ! lancé-je, piquée par son comportement.

— Je n’ai pas menti pour la première partie, si cela peut te rassurer, s’empresse-t-il de préciser.


L’intensité dans ses yeux me cloue sur place. Et, l’atmosphère s’alourdit d’une tension différente de mon agacement.


— Tu es belle quand tu es énervée, déclare Nashoba avec bien trop de sérieux pour se moquer de moi.


Ma respiration n’a plus rien d’un flot régulier. Jamais avant ça il ne m’avait fait un compliment. Enfin… je crois que c’en est un.


— Et toi, quand tu dors, répliqué-je pour la forme.


Je mets tellement peu de conviction dans mes paroles qu’un léger sourire me gagne. Cependant, je le perds vite dès l’instant où Nashoba pose sa main sur ma joue. Il la caresse du pouce, avec beaucoup de tendresse. Je me sens fondre.


— J’ai eu super peur, tout à l’heure. Et je me suis dit que je ne voulais pas mourir sans partager ça avec toi, au moins une fois.


Sa voix se réduit dans un souffle et je peine à mesurer ce qu’il se passe ensuite. L’espace entre nos visages s’amenuise, ainsi que la distance entre nos lèvres. Et lorsqu’elles se touchent enfin, mon cœur bondit au creux de ma poitrine tandis qu’une envolée de papillons décolle dans mon ventre.


Ma bouche semble magnétisée à la sienne, et ne plus vouloir quitter son contact. Je me laisse porter par la douceur de son geste, à sa merci, incapable de l’arrêter tant l’envie d’en découvrir davantage désinhibe ma retenue.


Jamais avant ça je ne m’étais sentie aussi vivante.

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10 commentaires

Charlie Genet

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Il y a 3 ans

et voilà, un double like pour cette fin de concours.

Merixel

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Il y a 3 ans

Coup de pouce !

Lloyd

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Il y a 3 ans

Petit soutien pour la fin !

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci beaucoup ! ☺️

iris monroe

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Il y a 3 ans

un coucou de soutien en ce dernier jour de concours. Bonne inspiration et bonne écriture à toi!

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci :)

Vinie Aberas

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Il y a 3 ans

Coup de pouce :)

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci :)

Imos

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Il y a 3 ans

Coup de pouce, passe sur mon histoire à l'occasion... Bonne continuation !!!

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci beaucoup, j'y vais de ce pas ! ;)
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