Caro Handon Au cœur des âmes Au cœur des âmes - Chapitre 25

Au cœur des âmes - Chapitre 25

Mon cœur palpite autant d’excitation que d’appréhension face à l’orée de la forêt enchantée.


— Nous devons retrouver un camp secondaire en longeant la lisière, explique Waban. Nous y passerons la nuit avant de parcourir ces bois. Il faudra se montrer d’une extrême vigilance durant vos tours de garde. Nous sommes à proximité des montagnes où habitent les troisièmes années et les sauvages.

— Comment se fait-il que ceux devenus fous y vivent ? demande Machk. Après tout, ils pourraient vaquer n’importe où.

— D’après ce que je sais, ce sont les anciens qui ont encore toute leur tête qui les contiennent. Certains échappent à leur vigilance, comme celui que nous avons vu. Ceux-là sont nécessairement éliminés.

— Qu’en est-il de la quête de leur animai ? le questionné-je à mon tour. S’ils se cantonnent aux montagnes, ils n’ont pas la possibilité de parcourir les plaines ou la forêt.

— J’imagine qu’ils s’organisent.


Sa réponse vague ne me dit rien qui vaille. Plus ce voyage avance, plus je réalise notre méconnaissance de l’univers qui nous entoure. Comment se fait-il que nous découvrions notre monde en étant confrontés à sa forme la plus dangereuse ? Pourquoi ne pas nous préparer à cette quête plus en douceur ? Car les cours appris sur les bancs de l’école me semblent d’une théorie nébuleuse, bien peu suffisante.


À ces interrogations s’ajoutent celles soulevées un peu plus tôt avec Waban. Un sentiment étrange me pousse à croire qu’on cherche à nous cacher quelque chose. Mais quoi ?


— Allons-y, ne perdons pas de temps, déclare mon meilleur ami.


Notre troupe ne se fait pas prier pour se remettre en marche.


***


Notre troupe a installé les tentes dans un campement suspendu dans les arbres. Une plateforme en bois, arrimée à de solides troncs, surplombe une végétation dense, composée de différentes espèces de fougère. L’odeur humide de la terre en contrebas nous parvient malgré le niveau auquel nous sommes perchés.


— Je vais chercher de quoi agrémenter notre repas de ce soir, annonce Machk.


Plus les jours passent, plus il prend plaisir à nourrir nos bouches affamées.


— Je t’accompagne, déclare Waban. Vous, restez ici pour plus de sûreté. Vous ne craignez rien en hauteur.


Nos deux compagnons redescendent, puis ils s’enfoncent dans la noirceur de la forêt.


— Je vais chercher du bois avec papillon pour faire un feu, s’exclame Aponi.


Je lui lance un regard étonné auquel elle me répond par un sourire. Pourquoi essaye-t-elle de me laisser en compagnie de Nashoba ?


— Elle m’a demandé d’aborder le sujet Waban, m’explique Nashoba une fois notre camarade partie. Il semblerait qu’elle craigne que tu ne l’écoutes pas.

— Quoi ?


La volonté d’Aponi à confier cette tâche à Nashoba me déplaît. Nous avons toujours discuté de tout, elle et moi. Pourquoi cela serait-il différent pour parler de mon meilleur ami ?


— Au cas où tu te poserais la question, enchaîne-t-il, elle te trouve un tantinet butée en ce qui le concerne, et assez hermétique au conseil. Bien évidemment, je ne devais pas te dire cette partie-là, mais tu me connais, j’obéis rarement.


En temps normal, j’aurais souri à la pertinence de cette auto-analyse. En revanche, là, je suis blessée par ces non-dits qui m’éclatent à la figure, alors que je suis moi-même perdue quant à l’attitude à adopter avec Waban. C’est comme si aucun d’entre eux ne respectait notre relation, mon meilleur ami compris. Tant bien que mal, j’essaye de plaider en ma faveur.


— J’ai discuté avec lui aujourd’hui pour éclaircir la situation. Je comprends sa décision.


Même moi je peine à être convaincue par mes mots. Et cela semble agacer Nashoba pour une raison que j’ignore.


— Tu prends sa défense, j’aurais dû m’en douter, s’exclame-t-il comme s’il se parlait à lui-même. Leï, ton attachement à lui te rend aveugle. S’il tenait à toi, il tenterait de trouver une solution. Or, là, il se laisse vivre et préfère jouer au petit chef. Il ne mérite pas l’importance que tu lui accordes.

La colère qui émane de ses propos provoque la mienne.

— Tu n’es pas à ma position ni à la sienne. Comment peux-tu le juger aussi durement en sachant que, toi-même, tu as été abject avec moi ?

— Parce qu’à sa place, je ne te laisserais pas tomber.

— C’est un peu facile à dire.

— J’ai commis des erreurs, je le reconnais. Mais avec du temps, et surtout l’espace pour apprendre à te connaître sans mes amis qui me charrient à tour de rôle te concernant, je peux t’affirmer que je t’apprécie. J’espère qu’à force de voyager ensemble, cela te permettra de prendre conscience de ma sincérité.


J’ai un léger mouvement de recul face à la conviction qui transparaît de son discours. Une part de moi se méfie toujours de lui, comme si elle peinait à le croire comme étant un garçon bien, car son attitude rebelle et désagréable, qu’il m’a servie pendant des années, joue en sa défaveur. L’autre est piquée dans sa curiosité.


— Ta bande t’embêtait à propos de moi ? Pourquoi ?

— Tous prétendaient que je te regardais avec des yeux énamourés. La vérité, c’est que tu m’intrigues depuis longtemps. Les bouquins, ce n’est pas ma passion, et je me demandais comment tu pouvais adorer ça. Alors, pour les faire taire, je t’asticotais afin de leur prouver que je ne t’appréciais pas.


Tout dans cette conversation me surprend. Je ne m’attendais pas à ce que celui que je considérais comme mon pire ennemi s’intéresse à moi.


— Et tu critiques Waban alors que tu n’assumais pas toi non plus ta curiosité à mon égard ? raillé-je en retour.

— Donc lui a le droit à l’erreur, mais pas moi ?


L’intensité de son regard me perturbe plus que de raison. Je ne peux m’empêcher de fixer ses deux prunelles aux couleurs si particulières. Son raclement de gorge me ramène au présent.


— Tu as un lourd bagage derrière toi, déclaré-je. Mais en faisant un peu d’efforts, peut-être pourrais-je te pardonner toutes les fois où tu m’as pris la tête.

— Fais gaffe, j’aime les défis !


Son sourire narquois, accompagné d’une moue provocatrice, diffuse une douce chaleur au creux de ma poitrine. J’apprécie la facette du garçon franc et désinvolte qu’il est. Je me reconnais aussi dans sa façon d’agir pour arriver à ses fins.


Cependant, je ne parviens pas à le cerner complètement. Il a beau m’avoir dit s’être rendu compte de son erreur, en s’en prenant à moi, je m’interroge sur ce revirement de situation. Après tout, rien ne l’oblige à être sympathique avec moi ni même à accepter d’avoir une discussion à la place de mon amie.


— J’attends de voir ça avec impatience, lui réponds-je avec autant d’enthousiasme que de curiosité sur ses réelles intentions.

— Tu ne seras pas déçue. Enfin, pour en revenir à notre conversation, sinon Aponi va me faire la fête, elle s’inquiète pour toi. Elle ne veut pas que tu souffres du départ de Waban, parce qu’il semble bien décidé à s’en aller à terme.


Alors que je m’apprête à lui répondre, je suis interrompue par un bruit sourd. Comme un grondement, il résonne dans la forêt.


— C’était quoi, ça ?

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21 commentaires

La Plume d'Ellen

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Il y a 3 ans

Whahou ! Bien joué ! Car alors que je me laisse bercer par le romantisme de la situation, vlan, le suspens est à son comble pour clore ce chapitre 👏👏👏

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci pour ce commentaire, ça me fait super plaisir 🤗

SPH

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Il y a 3 ans

Hop débloquée !😉

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci infiniment :D

cedemro

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Il y a 3 ans

Coup de pouce ! Plus que deux...

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci :D

Thalyssa Delaunay

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Il y a 3 ans

Plus que un ^^

degustationslitteraires

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Il y a 3 ans

Coup de pouce retour !

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Merci :P

Gottesmann Pascal

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Il y a 3 ans

Discussion extrêmement franche entre Leïka et Nashoba. Visiblement il préférait passer pour une brute que pour un garçon sensible.
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