Fyctia
Au cœur des âmes - Chapitre 23
Lorsque j’ouvre les yeux, l’aube commence à peine à se lever. Cependant, l’excitation est à son comble, car aujourd’hui, nous repartons explorer les contrées astrales, et il me tarde d’en arpenter chaque parcelle, à la recherche des secrets dont elles regorgent.
La découverte de l’animai d’Aponi a été riche en surprises. Je m’impatiente à l’idée d’en apprendre davantage sur le lien qui nous unit aux âmes animales, aux couleurs évoquées par le papillon et sur qui je suis.
Sans attendre, je saute de ma paillasse. J’effectue quelques pas, heureuse de pouvoir enfin me mouvoir, même si j’ai bougé pour mes besoins vitaux et d’hygiène. Pendant plusieurs minutes, je foule le plancher de notre abri de fortune. Pas de douleurs, ce qui est plutôt bon signe. Espérons que cela aille tout au long de notre nouveau périple.
J’attrape mon sac, puis je sors de la cabane. Humer les odeurs de la nature le matin m’avait manqué. Elles ont un pouvoir apaisant sur moi et me font gagner en sérénité. Mais cette dernière est rapidement troublée par des éclats de voix.
Je reconnais celle d’Aponi et de Waban. Un mauvais pressentiment me pousse à avancer en faisant le moins de bruit possible, jusqu’à les apercevoir. Ils se disputent.
— Tu comptes aller lui parler à un moment ou à un autre ? lance Aponi, d’un ton agacée. Tu es en train de lui faire du mal.
— À t’entendre, je ne tiens pas à elle ! s’énerve Waban. Sache qu’elle représente bien plus à mes yeux que tu ne le penses.
— Je te trouve gonflé de prétendre lui vouer un si grand intérêt. Car non seulement tu te comportes comme un con, mais en plus de ça, tu t’apprêtes à l’abandonner.
— Ton avis m’importe peu.
— Tout comme le sien, a priori, le nargue Nashoba.
Son intervention me prend de cours. Je ne le savais pas présent et le fait qu’il me défende m’étonne. Nos rapports sont meilleurs depuis quelque temps, mais je me questionne encore sur la place à lui accorder. Est-il un ami désormais ?
— Mais puisque tu es décidé à déserter, un autre aura le champ libre, poursuit-il en ramenant mon attention à la dispute.
— Si tu oses la toucher…, commence Waban.
— Je n’ai pas parlé de moi, le coupe Nashoba. En revanche, si c’était le cas, je la rendrais sûrement plus heureuse que tu ne puisses jamais le faire.
— Bien sûr, comment pourrait-il en être autrement ? raille mon meilleur ami, d'un ton tranchant.
— Cela n’a rien de bien compliqué, puisque, moi, je ne l’abandonnerai pas !
L’assurance dans sa voix me surprend autant qu’elle me touche en plein cœur. Je me sens comprise par celui que j’ai longtemps considéré comme mon ennemi. Et si je ne me montre pas, cette dispute prendra une autre proportion. J’avance, bien décidée à calmer le jeu.
— Vous en faites des têtes, on dirait que vous avez travaillé pendant trois jours sans vous reposer.
Tous portent leur regard dans ma direction.
— Peut-être parce que nous avons fait ta part, petite maligne, grogne faussement Nashoba.
— Ma hanche va mieux, je te remercie de t’en soucier.
— Tu as meilleure mine, ça fait plaisir à voir, déclare Waban.
Sa voix douce et chaleureuse lui ressemble, et je résiste tant bien que mal à l’envie de me blottir contre lui. Le sentir apaisé me manque. J’ai beau avoir conscience de la dangerosité de notre quête, son attitude nouvelle me chamboule toujours autant.
— Mes camarades se sont bien occupés de moi, lancé-je, non sans rancœur.
— Parfait. Je vais annoncer notre départ aux gardiens du camp.
Il s’éloigne ensuite, avec un air coupable. Encore une fois, il fuit. Je réalise que si je ne vais pas à la confrontation, il ne viendra pas vers moi. D’un côté, c’est douloureux, car cela me donne l’impression d’être rejetée, et de l’autre, cela m’effraie. J’ai toujours détesté le conflit même si je n’hésite pas à me défendre. Cependant, l’heure n’est pas aux discussions.
***
Nous marchons depuis des heures et je ressens chaque parcelle de mon corps dans une douleur désagréable. Si mon articulation tient le choc, mes muscles en revanche pâtissent de mon inactivité de ses derniers jours. À moins que ce ne soit dû à ce paysage plus vallonné que les plaines sur lesquelles nous vagabondions au début de notre quête ?
Quoi qu’il en soit, l’endroit que je sollicite le plus reste encore mon cerveau. Il fume avec tous les scénarios que je confectionne afin d’aller parler à Waban. Et tous me semblent voués à l’échec.
— Tu rumines, murmure Aponi en me sortant de mes pensées.
J’hésite un instant à lui avouer ce que j’ai entendu ce matin, puis décide de garder ce secret pour moi, tout en espérant que son papillon, qui nous suit, ne cherche pas à sonder mon esprit.
— Je dois amorcer une discussion avec Waban. Que les contrées astrales l’aient changé, je le comprends, mais, là, je ne le reconnais plus.
— C’est pour ça que tu te tritures les méninges ? me demande mon amie en se marrant.
— Oui, réponds-je d’un air renfrogné.
— Crois-moi : le meilleur moyen de faire évoluer une situation, c’est de rentrer dans le tas, sans réfléchir.
Devant mon expression dubitative, Aponi sourit de plus belle. Avec elle, j’ai toujours la sensation que les relations humaines sont simples, tandis que pour moi, elles n’ont rien de naturel. Peut-être est-ce à cause de mon âme chamanisme, bien que je ne sois pas convaincue de ce fait établi par l’animai d’Aponi. Cela aussi encombre mon esprit.
— Leï, dis-lui ce que tu as sur le cœur, sans le ménager.
— Je crains qu’en lui faisant part de mon amertume, il se braque.
— Et alors ? Ce n’est pas parce que tu lui énonces une vérité qui ne lui plaît pas, que tu dois garder pour toi tes ressentis. Il faut t’ouvrir, Leïka. Laisser libre cours à tes émotions.
— Elle a raison, intervient le papillon en utilisant ma voix.
— Vous être vraiment faits pour vous entendre tous les deux, reprends-je.
À cet instant, c’est comme si je les percevais rire ensemble dans mon esprit. Aponi et son animai partagent une complicité hors du commun. J’aimerais tant rencontrer le mien, pouvoir échanger avec quelqu’un qui me comprend mieux que personne sans barrière ni tabou.
— Sincèrement, Leï. Si ce garçon te fait de la peine parce qu’il agit comme un sombre idiot, remets-le à sa place. Et si cela ne suffit pas…
Poursuis ta route, jeune chamane. Tu as déjà bien des âmes autour de toi qui seront là pour t’épauler le moment venu et tout au long de ta vie, déclare le papillon dans mes pensées.
— Il a raison.
Je m’arrête de marcher net, lorsqu’un détail de cette conversation pique ma curiosité.
— Attends, tu l’entends maintenant ? demandé-je à mon amie.
— Oui, grande bêta ! s’exclame-t-elle. Comment aurais-je pu te raconter tout ce qu’il m’a dit si ce n’était pas le cas ?
Je reprends mon avancée, stupéfaite. L’esprit trop préoccupé depuis notre arrivée au camp précédent, je n’avais pas prêté attention à cette découverte ! Cela signifie que l’on commence à créer une connexion avec notre animai bien avant la cérémonie d’union. Serait-ce possible alors de nous lier à lui sans ce rituel ?
21 commentaires
Camille Jobert
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Il y a 3 ans
Kiria Parker
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Il y a 3 ans
petitemr
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Imos
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