Fyctia
Au cœur des âmes - Chapitre 21
Le papillon entre à nouveau dans mon esprit. Je sens sa présence, comme une sorte de pression qui pousse depuis l’intérieur de ma poitrine.
Bleu.
— Bleu ? répété-je.
Je jette un regard à mes amis, dans l’incompréhension la plus totale. Et lorsque je pose mes yeux sur Aponi, tout fait sens.
— Tes cheveux !
— Qu’est-ce qu’ils…
— Ils ne sont plus de la même couleur ! s’écrie Machk.
Aponi s’agite tout en observant sa tignasse dont la teinte s’est modifiée pour se parer des tonalités similaires à celles de l’insecte.
— Comment est-ce possible ? m’interroge-t-elle.
— Aucune idée. Mais peut-être devrais-tu approcher avec ton amulette.
Mon amie opine du chef bien que ses traits crispés démontrent son inquiétude. Elle farfouille dans ses affaires dont elle extirpe le bijou. Confectionné à l’aide de ce qu’il me semble être du crin de cheval, le collier supporte un pendentif en pierre.
— De la fluorine, m’écrié-je. Comme les couleurs de l’animal.
Y aurait-il un lien entre le choix du minéral pour notre amulette et la robe de notre animai ?
Je n’ai pas le temps de pousser davantage ma réflexion qu’Aponi arrive à mon niveau. Je lui attrape la main. Nous échangeons un regard, comme pour nous donner du courage, puis nous avançons vers le papillon géant. Ce dernier s’est posé à même le sol, rabattant ses ailes dans son dos.
Semblable. Cœur.
Le mien bat à tout rompre dans ma poitrine à mesure que nous nous approchons de lui. L’insecte répète en boucle ces mots jusqu’à ce que nous lui fassions face. Un mètre seulement nous sépare de lui.
La pression que je ressentais dans ma cage thoracique remonte d’un coup jusque dans ma tête. Une douleur m’y transperce de l’intérieur, puis elle se transforme rapidement en chaleur diffuse et agréable.
— Ravie d’enfin te rencontrer, dis-je contre mon gré.
— Qu’est-ce que tu dis, Leï ? me demande Nashoba.
— Je…
Les autres échangent un regard inquiet, tandis que je panique littéralement. Je sens le papillon dans tout mon être, il est dans mon esprit. Son aura, que je discerne par sa tiédeur, parcourt ma mémoire afin de trouver des mots pour s’exprimer.
— J’utilise ta voix pour communiquer, explique-t-il grâce à mon organe vocal. Jeune chamane, tu n’as pas à lutter contre moi, je ne te veux aucun mal.
Ma respiration devient anarchique au point que je halète et transpire par tous mes pores. Je ne saurais dire ce qui me tétanise le plus entre le fait d’être dépossédée de mes agissements ou bien ce qu’il vient d’annoncer à mon sujet.
— Leï, est-ce que ça va ? me demande Waban.
— C’est très étrange. Je ne le contrôle pas du tout.
— Et c’est normal. Tu es au début de ton voyage, me réponds-je à moi-même avec un timbre plus lunaire.
— Comment ça ? l’interroge Nashoba.
— Une âme comme la sienne est tel un passage entre nos deux mondes. Le grand esprit lui a donné la capacité de nous comprendre. Cela lui permettra aussi de relier notre essence à l’humain qui nous est destiné.
— Ce serait pour cette raison que je t’entends et que tu peux parler par ma voix ? lui demandé-je.
— Tout à fait, jeune chamane.
Je peine à assimiler cette révélation tant je ne prends pas la mesure de ce qu’elle implique. En revanche, cela explique pourquoi je me sens liée à lui.
— Es-tu mon animai ? l’interroge Aponi.
— En effet, nos âmes sont jumelles.
— Mais tu n’es pas une espèce… puissante. Comment se fait-il que tu aies cette taille ?
— D’anciennes lignées persistent encore à travers les âges même si elles sont tombées dans l’oubli. D’autres individus plus musculeux vous attendent sur le chemin de votre quête.
— Comment peux-tu le savoir ? lui demandé-je.
— Suis ton instinct, jeune chamane. Tu verras la couleur au cœur des âmes. Elle ne scintille pas de la même manière pour chacun d’entre nous. La tienne resplendit comme celle de certains de tes amis. Cela présage une destinée exceptionnelle, bien que semée d’embûches.
Je n’ai pas le temps de continuer à lui poser toutes les questions qui envahissent mon esprit, car Machk intervient.
— Je ne veux pas interrompre les festivités, mais nous ne devions pas regagner le camp avant la nuit ?
Mon regard se porte vers les percées de lumière où cette dernière devient plus orangée, signe que le crépuscule approche.
— Il faut qu’on remonte à la surface immédiatement ! s’écrie Waban.
— Dois-je te rappeler que nous ne savons pas comment faire ? intervient Aponi.
— Il pourrait peut-être nous aider ?
Mon meilleur ami désigne le papillon du menton.
— Je connais le chemin. Suivez-moi.
L’instant d’après, l’insecte émet de nouveau un bourdonnement désagréable en battant des ailes, puis il décolle.
— On va vraiment lui faire confiance ? demande Nashoba.
— Nous n’avons pas vraiment le choix, déclaré-je.
— Pas de chamailleries. Nous n’avons pas le temps pour ça ! grogne Waban.
Nashoba vient à mes côtés pour m’aider à marcher. Nous talonnons l’animal à travers la grotte. En peu de temps, nous arrivons dans un endroit où la voûte devient quasi inexistante, nous donnant une vue sur le ciel orangé.
— Je vais vous porter chacun votre tour.
Nous échangeons tous un regard, et le mien finit par s’arrimer à celui de Nashoba. Alors même que Waban s’apprête à parler, il le coupe.
— J’y vais en premier.
Mon meilleur ami serre les dents, mais ne proteste pas.
— Comme tu voudras. Préviens-nous quand tu y es.
Nashoba s’avance alors vers l’animal. Ce dernier se plaque au sol pour lui permettre de monter sur son dos. Ses ailes se mettent ensuite à battre, les élevant tous les deux dans les airs.
— C’est… trop bizarre, hurle Nashoba quand l’insecte s’envole.
Très vite, ils disparaissent.
— Vous pouvez venir ! nous prévient notre camarade, tandis que le papillon atterrit devant nous.
— Qui dois-je transporter ?
J’avance pour grimper à mon tour, aidée par Waban.
— Soit prudente.
Cette sollicitude lui ressemble, et je lui offre un sourire. Puis arrive le moment du décollage. Je ressens les vibrations dues aux battements d’ailes. Je m’agrippe au cou de l’insecte jusqu’à gagner la surface où Nashoba m’accueille. Nos compagnons nous rejoignent rapidement.
— Que fait-on maintenant ? demande Machk.
— Nous devions nous rendre au camp, mais cela ne me semble pas être une bonne idée, s’exclame Waban. Si les autres voient l’animai maxima, ils chercheront peut-être à lui faire du mal.
— Comment ça ? s’inquiète Aponi.
— Ils sont peu nombreux. Beaucoup envient ceux que le grand esprit a choisis destiner à ces monarques. Ce serait risqué de l’exposer.
— Nous pourrions rester à l’écart et revenir dans le groupe au moment le plus opportun, propose mon amie.
— Que fais-tu de ta sécurité ? interviens-je. Si jamais il…
Un hoquet me survient lorsque le papillon reprend possession de mes cordes vocales.
— De nuit, il est impossible de me voir, mais je demeurerai à bonne distance du campement, à cause des feux. Je vous suivrai le jour, suffisamment loin pour ne pas être repéré. Mon cœur bat à l’unisson de son jumeau, je ne pourrai donc pas me perdre.
12 commentaires
Camille Jobert
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Il y a 3 ans
La Plume d'Ellen
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Il y a 3 ans
Lety29
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Il y a 3 ans
degustationslitteraires
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Il y a 3 ans
Isaure DV
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Gabriele VICTOIRE
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Il y a 3 ans