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Au cœur des âmes - Chapitre 19
Mon corps dégringole à toute vitesse. J’essaye d’attraper des racines, mais je ne récolte que de la poussière dans les yeux. Obligée de les fermer, je hurle à pleins poumons tant la peur m’assaille. Mais je finis aussi par clore la bouche afin d’éviter d’avaler la terre qui se décroche à mon passage.
Cette chute semble durer infiniment. Des pierres saillantes lacèrent mes vêtements, jusqu’à atteindre ma peau. Jamais je n’aurai assez de quoi soigner mes plaies. Et surtout : comment vais-je faire pour remonter ? Qui m’attend en bas ? Des animaux inoffensifs ? Menaçant ? Ou bien des sauvages ?
Toutes ces questions s’envolent lorsque je m’écrase sur un sol dur dans un grand fracas. Une douleur intense me parcourt la hanche sur laquelle je suis tombée, et je ne peux m’empêcher de crier.
Mue par la crainte du danger, j’ouvre les yeux, après les avoir débarrassés des saletés. La beauté du spectacle que je découvre me laisse sans voix.
Je suis dans une grotte. Sombre à l’endroit où j’ai chuté, elle est baignée de lumière quelques mètres plus loin, par d’immenses percées dans sa voûte d’où l’on peut apercevoir le ciel. Une végétation luxuriante tapisse les parois rocailleuses, et des fleurs, d’une multitude de couleurs, resplendissent. Elles sont parsemées de gouttes d’eau qui reflètent la lueur du jour. Ce lieu semble regorger de magie.
Cependant, la réalité me rattrape vite. Tandis que je tente de me relever, j’entends des hurlements venant de la surface. Une dispute ?
Je scrute le moindre recoin pour m’assurer d’être seule. Dans mon état, je serais incapable de me défendre. Je me redresse, non sans mal, et boitille pour m’éloigner de l’endroit d’où j’ai chuté. L’instant d’après, je sursaute lorsque Nashoba atterrit là où je me tenais plus tôt.
Rapidement, il accourt vers moi.
— Est-ce que ça va ? Rien de cassé ?
Je le fixe, surprise d’entendre tant d’inquiétude dans sa voix.
— J’ai juste mal à la hanche, lui expliqué-je sans pouvoir détacher mon regard du sien.
Il s’est vraiment fait du souci pour moi, et je ne sais pas comment interpréter cette sollicitude nouvelle.
— Je vais t’aider à te relever, nous…
Il n’a pas le temps de terminer sa phrase qu’Aponi apparaît, suivi de Machk, puis de Waban. Ce dernier se précipite vers moi, il encadre mon visage de ses mains tout en m’observant de la tête aux pieds.
— Leï, est-ce que tu vas bien ?
— Je n’ai rien de cassé.
— Est-ce que tu peux marcher ?
— Je vais l’aider, intervient Nashoba.
Les deux garçons échangent un regard froid. Waban s’apprête à répliquer lorsqu’il est interrompu par Machk.
— Est-ce que ce sont des chutes d’eau qu’on entend ?
— Suivons le ruisseau, propose Aponi.
Située à quelques mètres de nous, elle pointe du doigt le sol, où, en effet, un mince filet serpente au travers de la mousse.
— Il nous conduira sûrement à un torrent plus grand, ajoute-t-elle. Cela nous fera du bien de nous y désaltérer et de nous poser avant d’explorer cet endroit.
— Hors de question, rétorque Waban. Nous devons remonter et nous en tenir au plan initial.
— Ceux qui trouvent que tu es chiant à mourir lèvent la main ! s’exclame mon amie.
Sans hésiter, je mets mon bras en l’air, tout comme chacun de mes camarades. Je laisse échapper un gémissement de douleur.
— Leï, tu es sûre que ça va ? me demande Waban.
— Je dois avoir un hématome, rien de plus.
— Il est urgent que l’on regagne la surface et qu’on rejoigne le prochain arrêt pour que tu te reposes. Avec un peu de chance, j’arriverai à négocier afin qu’on y reste un peu plus longtemps.
— Pourquoi ne peut-on pas explorer cet endroit ? l’interroge Aponi. Il semble désert, nous y serions en sécurité pour y monter notre campement.
— Le premier voyage dans les contrées astrales a un but précis : vous faire comprendre de ne pas déroger aux instructions, sous peine de déséquilibrer un fonctionnement établi depuis des siècles.
Un rire jaune m’échappe. Les règles… comme celles dont certains se servent quand cela les arrange. J’échange un regard sous-entendu avec Nashoba, mais je demeure silencieuse.
— Tu oses vraiment nous faire cette leçon de morale alors que tu refuses de t’unir à ton animai ? réplique Aponi.
— Tu lui as dit ? me demande Waban sur un ton accusateur.
— Pourquoi, aurais-je dû garder cette super nouvelle pour moi ?
Ma voix transpire le sarcasme, mais je n’en ai que faire. Il aurait dû m’en parler dès que nous nous sommes revus. Or, il m’a fuie.
— OK, j’ai compris.
Waban baisse ensuite le regard et relâche un souffle. Une atmosphère pesante remplit la cavité rocheuse dans laquelle nous nous trouvons. Je me sens en colère et coupable. Comme si j’étais incapable d’assumer la peine que son départ futur me procurait, comme si elle ne devait pas compter.
Mon meilleur ami s’écarte de moi. Machk en profite pour me tendre mes affaires qu’ils ont récupérées et prises avec eux durant leur descente. En voyant mon sac, je me souviens de ce que je faisais avant de tomber ici.
— Rozene m’a donné quelque chose pour toi, déclaré-je en cherchant le paquet.
Lorsque je le trouve, je fais un pas en direction de Waban, mais la douleur m’arrête aussitôt. S’il vient vers moi sans attendre, une moue résignée s’empare de son visage.
— Merci, souffle Waban.
Il ouvre le pochon pour en sortir un bracelet fait de pierres semi-précieuses.
— C’est de l’œil du tigre ? demande Machk.
Je le lui confirme d’un hochement de tête tandis que Waban affiche un sourire attendri.
— C’est celui… de mon oncle. La chipie s’est souvenue que je l’avais oublié à la maison. J’aurais préféré qu’elle le garde pour elle.
Je sais qu’il ment. Ce bijou appartenait à son père, chasseur de Solis. Plusieurs équipes partent sur quelques jours afin de tuer du gibier et ainsi nourrir les villageois. Malheureusement, il n’est jamais revenu d’une traque. Ses compagnons ont raconté qu’ils avaient été attaqués par des sauvages, mais une rumeur court disant que le père de Waban se serait enfui.
Cependant, je ne reprends pas mon meilleur ami. J’imagine qu’il veut se préserver des remarques de la part de Nashoba ou bien des éventuelles questions de nos camarades étrangers.
— Merci, Leï.
— Je t’en prie, je n’ai été que la messagère.
Nous échangeons un regard pesant de non-dits. Je ne sais pas combien de temps cette situation entre nous va durer. Une part de moi l’espère la plus courte possible tandis que l’autre est profondément blessée. Seul l’avenir m’éclairera sur sa finalité.
J’aimerais simplement comprendre son choix.
L’idée de mon amie resurgit alors dans mon esprit. « En fusionnant nos âmes, nous le contraignons à vivre au travers de notre corps ».
Si nous sommes spectateurs de la cérémonie d’union, et que nous apprenons son fonctionnement sur les bancs de l’école, le ressenti de l’animal n’est jamais évoqué. Waban aurait-il eu des informations à ce sujet qui le poussent à renoncer ?
Je n’ai pas le temps d’approfondir mes questionnements.
— Où est passée Aponi ? s’écrie Nashoba.
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