Fyctia
Au cœur des âmes - Chapitre 12
Autour de nous virevoltent des oiseaux aux multiples couleurs. Certains arborent une plumée jaune et marron, tandis que d’autres se parent de teintes vertes et rosées.
— J’ai toujours été fascinée par les nuances dans leur plumage, déclaré-je.
— Et moi par le silence, raille Nashoba.
Je serre les dents. J’ai promis à Waban de faire des efforts. Néanmoins, Aponi, elle ne lui a rien assuré.
— Tu souffles aussi fort que l’arrière-train d’un orignal quand il pète, le nargue mon amie.
— Un orignal ? s’étonne Machk.
J’imaginais que nous apprenions tous à reconnaître les espèces animales présentes dans les contrées astrales, mais je me trompais. Sa méconnaissance est alarmante.
— Nous t’en montrerons un quand nous en verrons, affirmé-je. C’est un quadrupède mesurant environ deux mètres au garrot et capable de peser jusqu’à huit cents kilos. Il possède également des bois de chaque côté de sa tête qui ont une forme palmée. Plus la bête est âgée, plus ils sont imposants.
— J’aimerais beaucoup en croiser un, ils doivent être impressionnants.
— Crois-moi, si l’un d’entre eux se trouve sur notre chemin, il faudra décamper, s’exclame Waban.
— Tu en as rencontré ?
— Plusieurs fois, oui. Et lorsque les mères ont leurs petits, elles les protègent férocement.
Mon ami soulève un pan de son étole qui dévoile son torse musclé. Heureusement que le soleil a déjà teinté mes joues sous l’effort, sinon, je serais fort embêtée de rougir devant cette nudité impromptue.
Néanmoins, je retrouve vite mon sang-froid lorsque j’aperçois une longue cicatrice sur sa peau. Elle serpente depuis son cou vers son nombril.
— L’une d’entre elles m’a blessée parce que je me suis montré imprudent.
— La guérison n’est pas terrible, intervient Aponi. Avec quoi as-tu été soigné ?
— Les moyens du bord, lui répond Waban en recouvrant sa marque.
— Le basilic a des propriétés cicatrisantes sur les plaies ouvertes, nous explique Machk. Nous en avons pas mal à Flumen. La lavande aussi aide en ce sens, mais elle n’est pas réputée pour pousser près des rivières.
— Nous en avons à Ignis.
Aponi et notre comparse continuent l’échange en comparant toutes les plantes disponibles dans leur cité respective. Quant à moi, je me rapproche de Waban.
— Je suis étonnée que tu tolères ce brouhaha, raillé-je.
Il pose un regard amusé sur moi.
— Ne fais pas la maligne, Leï. Si je vous ai demandé de vous taire hier, c’est simplement par pure nécessité.
— Ton explication est si claire !
Nous échangeons un sourire, puis il reprend.
— Des sauvages ont été repérés avant votre arrivée. Des volontaires sont partis les repousser.
— Comment font-ils ?
— Plusieurs binômes quadrillent la plaine depuis le camp principal. Ils ont trois jours pour effectuer leur contrôle, puis ils reviennent au rapport. L’un d’entre eux n’est pas rentré.
Mon sang se glace face à cette nouvelle préoccupante. Je n’ose imaginer ce qu’il se passerait si nous tombions nez à nez avec l’un d’entre eux.
— Sommes-nous en danger ?
— Tant que nous sommes groupés, nous avons plus de chance de nous en sortir. L’important est de demeurer vigilant, raison pour laquelle jacasser ne nous aide pas.
J’opine du chef, comprenant mieux l’intention derrière cette restriction.
— Et puis, je veux me montrer digne de vous conduire dans cette quête, poursuit Waban. Si je ne m’unis pas à mon animai, j’espère au moins que chacun d’entre vous trouvera le sien.
— Tu as une idée de l’espèce qui t’est destinée ?
— Sûrement pas un orignal, s’esclaffe-t-il. Et toi ? Quelle variété d’oiseaux préfères-tu ?
— Tu es présomptueux d’affirmer la catégorie à mon animai.
— Comme s’il pouvait en être autrement !
Une expression joviale s’empare de mon visage. Waban me connaît bien. Depuis ma plus tendre enfance, je dévore des ouvrages dédiés aux volatiles. Je suis fascinée par la technicité de leur plumage. Léger, il est tout de même suffisamment robuste pour leur permettre de planer.
Il m’est déjà arrivé d’en voir voler dans le ciel de Solis, mais leur présence est rare. Peu d’animaux vivent au cœur des cités. Et tous n’ont pas vocation à devenir animai. Nos âmes ne s’unissent qu’aux individus les plus puissants. Les plus dangereux sont donc repoussés vers les contrées astrales tandis que les plus faibles sont chassés dans l’unique but de nous nourrir.
— Mon oiseau préféré est le pygargue à tête blanche. Il impose le respect avec son envergure.
— J’en étais sûr ! Tu te souviens de celui qu’on a vu un matin, dans les champs à proximité de Solis ?
— Et comment ! Ils sont supposés vivre à…
— Bon, les amoureux, je n’ai pas envie de tenir la chandelle ! peste le porteur de tentes derrière nous.
Waban et moi nous tournons vers lui. Le visage de Nashoba est aussi rouge que transpirant. Il semble épuisé par l’effort à produire. Cette situation me ferait presque rire, si je ne me rappelais pas l’état dans lequel je l’ai trouvé hier soir.
— Et si nous faisions une pause pour nous désaltérer ? proposé-je en regardant de façon insistante notre mentor.
— Nous ne pouvons pas nous arrêter. Nous devons rejoindre un campement secondaire avant la nuit, et il est encore loin.
— Juste pour boire, Waban. Il n’y arrivera jamais s’il ne s’hydrate pas.
— C’est bon, je tiendrais le choc, proteste Nashoba.
Ce qu’ils peuvent être des têtes de mule ces deux-là !
Nous poursuivons notre chemin en silence. Pour une fois, je préfère observer les alentours, peuplés de petits animaux, plutôt que de prendre soin de ceux qui ne me le rendent pas.
Physiquement, cette journée est tout aussi rude que les précédentes. Autant me focaliser sur moi et ma capacité à avancer.
Mes pieds me font souffrir malgré la pommade mise sur mes plaies avant d’aller me coucher. Ma réserve est bien entamée et il me faudra la reconstituer au plus vite. Simplement avec toutes les tâches imposées depuis notre arrivée dans les contrées astrales, je crains de ne pas avoir le temps.
— Waban, j’aurais besoin de calendula ou d’achillée millefeuilles. Je sais que tu n’es pas calé sur les plantes, mais…
— La floraison de la première est au printemps, me coupe-t-il. Tu en trouveras dans la plaine assez facilement, surtout vers là où nous allons. Quant à l’autre, elle pousse au cœur de la forêt. Mais la zone ne fait pas partie de celles couvertes par notre périple.
Si je suis impressionnée de sa réponse, la seconde moitié m’intrigue davantage.
— Comment ça ?
— L’objectif de notre premier voyage est de vous montrer les différents endroits où chercher votre animai et les lieux de ravitaillement. Ensuite, il sera de votre ressort d’organiser vos propres excursions avec le groupe.
— Nous ne pouvons pas en changer ? Nous nous étions fait la promesse de trouver notre âme animale ensemble.
Je ne cache pas ma déception. Je n’ai nulle envie de rester avec Nashoba !
— Malheureusement, c’est compliqué. Je ne prends pas les décisions.
Son air désolé n’allège pas le poids au creux de ma poitrine. Cette quête devait être un rêve, mais rien ne se passe comme tel.
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