Fyctia
Au cœur des âmes - Chapitre 8
Le soleil se lève à l’horizon et les oiseaux chantent, comme si l’atmosphère n’avait pas changé. Pourtant, celle dans le camp, à l’approche de notre départ, semble peser sur chacun d’entre nous. La nouvelle concernant Nahele a jeté un froid, nous obligeant tous à prendre la pleine mesure de ce qui nous attend.
Je n’ai pas cessé de cogiter sur ça durant toute la nuit, oscillant entre de nombreuses questions et des songes énigmatiques, tous reliés à cette forêt. Je m’interroge sur son existence. Est-elle réelle ou est-elle le simple fruit de mes pensées ?
— Rassemblement, hurle Viho.
Après l’esclandre, nous ne l’avons pas revu, mais il n’a rien perdu de son caractère.
Nous nous empressons de nous regrouper devant lui. D’autres membres des secondes années sont également présents. Waban, lui, se tient en retrait, dans la pénombre. Ses traits sont creusés par la fatigue, et il me semble apercevoir une marque plus foncée au niveau de son œil gauche. Se serait-il passé un évènement en particulier lorsque nous étions tous endormis ?
Une fois le repas terminé, nous étions tous épuisés de notre journée. Nous sommes tous allés nous coucher sans demander notre reste. Peut-être que les deux garçons se sont expliqués de façon plus musclée lorsque le camp a plongé dans l’obscurité ?
L’inquiétude me serre la gorge. Waban aurait-il été « corrigé » pour avoir défendu Nashoba ? Devrons-nous toujours nous taire pour ne pas subir des représailles ? Je ne devrais pas tarder à en savoir davantage, puisque nous partons ensemble, mais cela ne me soulage pas pour autant.
— Les contrées astrales ont été divisées en plusieurs secteurs, explique Viho en me sortant de mes pensées. Par équipe, nous les explorerons tour à tour, selon un ordre établi. Nous serons répartis en escadrons de cinq individus. L’un des membres sera issu de la deuxième année afin de vous guider, de vous faire éviter les pièges et de vous protéger. Maintenant, magnez-vous de former vos groupes de quatre et attendez votre mentor.
Un brouhaha s’élève, puis les bousculades s’enchaînent. Je reste avec Aponi sans chercher à me mêler à cette débandade. Waban vient à nous rapidement et mon souffle se coupe quand mes craintes se confirment.
— Tu t’es battu ?
— Nous parlerons de ça plus tard. Pour le moment, nous devons attendre deux premières années supplémentaires. À moins que vous en connaissiez susceptibles de nous rejoindre ?
Je jette un regard à Aponi qui secoue la tête. Elle s’apprête à prendre la parole quand une querelle éclate à quelques mètres de nous.
— Il n’en est pas question ! vocifère Nashoba.
Je porte mon attention vers lui et le vois se propulser sur Viho pour en découdre. Plusieurs autres interviennent, propageant la dispute en bagarre générale.
— Restez -là, nous ordonne Waban avant de s’y précipiter.
Je demeure figée, impuissante. La violence des frappes infligées me noue les entrailles. Waban esquive les coups avec aisance, mais en prend quelques-uns lorsqu’il approche du duo à l’origine de la querelle. Tant bien que mal, il sort un à un les amis de Nashoba de la mêlée, jusqu’à arriver au cœur de la bataille. Les membres de la deuxième année présents s’écartent, comme s’ils respectaient le rang de Waban.
— Viho, arrête ça tout de suite, rugit-il.
Le garçon aux cheveux rouges fait mine de ne pas entendre, continuant de se battre. Nashoba, lui, ne lâche rien, animé par une colère explosive. Waban n’a pas d’autre choix que d’interférer entre les deux. S’il s’interpose avec difficulté, il finit par repousser Viho, qui sourit en voyant plusieurs amis de Nashoba retenir ce dernier.
— J’aime bien les mises en jambes dès le matin, le nargue le semeur de trouble. On va bien s’amuser dans les contrées astrales.
— Nashoba viendra avec moi, gronde Waban.
La stupéfaction me gagne à l’image de tout le clan qui échange des regards incertains. Je voudrais intervenir, le faire changer d’avis, mais son ton ne laisse pas la place à la négociation. Pourquoi impose-t-il une telle solution ? Déjà à Solis, nous ne nous entendions pas avec Nashoba. Waban sait également qu’il m’a astiquée pendant une année. Et je devrais faire confiance à mon pire ennemi pour me prêter main-forte en cas de danger ? Impossible !
Néanmoins, si je garde le silence, il semblerait que pour une fois, Nashoba et moi soyons sur la même longueur d’onde.
— Je ne laisserai pas mes amis partir avec cet enfoiré, s’insurge-t-il.
Avant qu’il puisse en rajouter, Salali l’attrape par le poignet, puis se rapproche très près de lui. Elle murmure un instant à son oreille. Lorsqu’elle a terminé, les deux échangent un regard pesant.
Il réveille en moi un souvenir encore très ancré dans ma mémoire. Mon cœur s’alourdit. J’ai vécu un moment similaire un an plus tôt. J’ai l’impression de me retrouver face à Waban, et de lui dire un au revoir aux allures d’adieu.
— Je ne vous oublierai pas, souffle-t-il.
Tous les membres de leur groupe s’enlacent tout à tour, comme s’ils n’allaient jamais plus se revoir. Le ton solennel de cette scène rajoute un poids supplémentaire à notre voyage.
Une fois ses amis tous salués, Nashoba se résigne à suivre Waban, non sans jeter un regard assassin à Viho, dont le sourire machiavélique ne présage rien de bon. Lorsqu’il arrive à notre niveau, je ne peux m’empêcher de me montrer compatissante à l’égard de mon ennemi. Je décide de plaider sa cause auprès de notre chef de groupe.
— Viho ne va-t-il pas s’en prendre à eux ? Peut-être pourrions-nous trouver une autre solution pour qu’ils fassent le voyage ensemble.
— La règle est la règle, m’assène Waban.
Comme une enfant prise en faute, je me renfrogne aussitôt. Mon ami n’est-il pas supposé être de mon côté ?
— Ça m’écorche la bouche, mais elle a raison, rebondit Nashoba.
— Compte tenu de ton arrogance à te croire mieux que tout le monde, tu porteras les toiles jusqu’à ce qu’on établisse notre campement, le contre Waban en retour. Et ne cherche même pas à discuter.
La tension entre les deux garçons électrise l’air ambiant. J’échange un regard avec Aponi, restée silencieuse jusque-là. Ses traits dévoilent une inquiétude non dissimulée. Espérons que le dernier membre de notre groupe soit d’un naturel calme afin de temporiser la situation.
— Suivez-moi, enchaîne Waban. Nous allons récupérer les affaires nécessaires à notre voyage de plusieurs jours dans les plaines. Tout le monde a bien son amulette ?
Instinctivement, ma main se pose au-dessus de ma poitrine, là où le bijou est recouvert par l’étoffe de ma tenue. Fabriqué de lanières de cuir tressées en guise de collier, et avec un pendentif taillé en ovale dans une pierre d’ambre, il doit me permettre d’apaiser mon animai lorsque je le croiserai.
Ce talisman tempère notre âme animale. Nous pouvons alors créer un lien avec elle et la ramener à la cité pour la cérémonie d’union, cérémonie dirigée par le monarque Iktómi, l’unique chaman de Solis. Espérons que nous y arrivions tous en vie.
22 commentaires
MarionH
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Il y a 3 ans
La Plume d'Ellen
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Il y a 3 ans
Camille Jobert
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