Fyctia
Au cœur des âmes - Chapitre 6
Assis à même le sol, nous faisons face à une ligne d’anciens, dont Waban fait partie. L’équipe chargée de nous accueillir nous expliquent les consignes pour notre premier périple en contrées astrales.
— Demain, nous formerons les groupes, annonce Viho, un garçon aux cheveux rouges. N’essayez pas de choisir vos partenaires, vous n’êtes pas décisionnaires.
Le message a le mérite d’être clair, mais ne reste pas moins difficile à entendre. J’aimerais ne pas quitter mon binôme de voyage. Car avec d’autres camarades, mon inclusion ne sera pas aussi aisée. La plupart des jeunes de mon âge ne me rejettent pas, mais ils me font bien sentir que je ne suis pas la bienvenue. Ils me saluent, sans approfondir un quelconque lien d’amitié.
— Si vous rencontrez un groupe en difficulté lors de votre périple, la consigne est de penser à votre peau en premier lieu, poursuit Waban.
Mon sang se glace face à la dureté de cette instruction.
— Que se passe-t-il si l’on décide de la transgresser ? demandé-je.
Des murmures s’élèvent de l’assemblée. Je pose toujours les questions fâcheuses.
— Tu sauveras qui avec ton gabarit de phasme ? me tacle Nashoba.
— Je ne t’ai pas sonné !
— Fermez-la ! intervient aussitôt Viho.
Je garde le restant de ma réplique pour moi, mais cela ne m’empêche pas de jeter un regard noir à mon pire ennemi.
Dans le cas où sa vie serait en danger, il aura la certitude de ne pas obtenir mon aide !
Dès que cette pensée me traverse l’esprit, je détourne mon attention de lui. Une infime partie de moi connaît la véritable réponse à cette situation si elle se produisait.
Je lui prêterais main-forte...
Mes épaules s’affaissent face à cette prise de conscience et parce que Nashoba dit vrai. Si j’interviens, je risque d’y laisser ma peau. Simplement, mobiliser mon énergie dans une tâche où je pars de zéro m’effraie. Aurais-je assez de courage pour dépasser mes limites ? Aurais-je assez de temps pour me préparer ?
— Si l’envie te prend de jouer aux héroïnes, sache que ton groupe n’a pas l’obligation de te suivre. Celui que tu aideras, non plus. C’est donc la meilleure façon de t’auto-exclure du clan, m’explique froidement Viho. Désormais, vous connaissez les règles principales. Nous allons vous affecter à des tâches pour terminer la préparation de notre départ. Des questions ?
Le sarcasme transpire dans ses mots et je serre les dents pour ne pas l’envoyer paître. Mais, très vite, mon amie agite son bras en l’air.
— Quand est-ce que nous partons ? demande Aponi.
— Votre premier séjour en contrées astrales commence dès demain, explique Waban.
Je déglutis avec difficulté, le corps tressaillant de peur. L’envie de m’enfuir pour retourner à Solis me traverse l’esprit, mais je suis tétanisée à l’idée d’être bannie. Cela signifierait ne plus jamais revoir mes parents ni ces rues qui m’ont vue grandir. La sensation d’être au pied du mur m’étouffe.
— J’ai besoin d’air, déclaré-je en me levant.
Je décanille de cet agglutinement pour rejoindre l’étendue par laquelle nous sommes arrivés. Dès l’instant où je capte les couleurs vives de l’endroit, mon rythme cardiaque redescend.
— Est-ce que ça va ? me demande-t-il en posant ses mains sur mes épaules.
Je lève les yeux vers lui. Son visage a beau être rassurant, je secoue la tête pour lui signifier que, non, rien ne se passe comme je l’avais imaginé.
— Je ne suis pas faite pour vivre en communauté.
— Tu prends le problème à l’envers.
— Comment ça ?
— Te crois-tu capable aujourd’hui de parcourir une plaine remplie d’animaux sauvages et de membres de nos clans devenus fous ?
Une nouvelle fois, je mime une réponse négative.
— Je ne doute pas de tes compétences ni de ton intelligence, Leï. Cependant, pour le moment, faire partie d’une équipe est ta meilleure solution.
— Mais tu sais comme moi que les gens ne m’aiment pas. Si je suis avec un groupe où je ne connais personne, qui m’assure qu’ils ne m’abandonneront pas en cours de route ?
Un sourire lumineux éclaire le visage de mon ami, faisant apparaître des pattes d’oie aux coins de ses yeux.
— Ce sont les plus anciens qui constituent les groupes. Tu seras donc forcément avec moi. À moins que tu préfères voyager avec quelqu’un d’autre ?
Sans réfléchir, je saute dans ses bras, soulagée de cette nouvelle.
— Est-ce qu’on peut choisir Aponi ?
— Bien sûr. Nous partons en équipe de cinq.
Je serre mon ami un peu plus fort.
— Tu m’as manqué, soufflé-je.
— Toi aussi. Mon petit pinson.
Je me détache de lui, mi-amusée, mi-agacée.
— On avait dit qu’on utilisait plus ce surnom !
— Non, toi tu m’as imposé de ne plus le dire. Mais je n’ai jamais donné mon consentement, raille Waban.
Je lui offre une moue digne d’une enfant qui boude, ce qui le fait davantage sourire.
— Allez, viens ! On a encore beaucoup d’éléments à préparer pour demain. Et puis, je vais t’apprendre quelques techniques de combat imparables, même pour ton corps de phasme.
Je ris à son allusion. Waban passe son bras autour de mes épaules et amorce notre retour vers le camp. Je le suis sans broncher.
— Nashoba a été infect pendant cette année, lui confié-je.
— Je me doute. Et ça ne risque pas de s’arranger. Les périples en contrées astrales sont difficiles. Ils nous rendent plus durs.
— Je suis inquiète à propos de ça. Je n’ai pas envie de changer, mais je m’attendais à plus d’entraide. La consigne donnée fait froid dans le dos.
— Oui. Malheureusement, elle est nécessaire.
Malgré son air contrit, cela n’allège pas le nœud au creux de mon estomac. Comment vais-je faire pour ne pas perdre mes moyens ?
Nous rejoignons les autres en quelques minutes à peine. Aponi accourt vers nous, dès qu’elle nous aperçoit.
— Ah, te voilà ! Les nouveaux ont été dispatchés. On nous a mises toutes les deux au lavage des dernières tentes.
— Très bien. Dans ce cas, je te laisse, Leï.
— À tout à l’heure !
Mon ami nous salue en retour, puis Aponi me tire derrière elle. Je suis ravie de la tâche qui nous a été confiée. Frotter du linge m’évitera de penser.
— Ton pote Nashoba est hors de lui, il doit nettoyer les latrines.
— Ça lui apprendra à faire le malin quand ton frère n’est pas là pour le défendre ! m’esclaffé-je.
Cependant, ma phrase à peine terminée, je m’interroge : où peut bien être Nahele ? Je ne l’ai vu nulle part jusqu’à présent. Peut-être est-il dans les contrées astrales ? Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Mon cœur se serre aussitôt. Si je n’apprécie pas Nashoba, je ne lui souhaite pas pour autant malheur.
Je reprends pied à la réalité lorsque nous arrivons près d’une rivière. L’eau vive serpente entre des rochers gris tandis que la canopée laisse filtrer quelques rayons de soleil. Ici et là, des petits oiseaux picorent le sol ou chantent dans les branchages. L’endroit est magnifique.
Mais je perds vite mon sourire, lorsque mon regard tombe sur un monticule de tissus enchevêtrés aussi haut que moi.
— Tout ça ?
— Ils ne déconnent pas quand ils disent qu’il y a du boulot, renchérit Aponi. On ne va pas s’ennuyer !
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Mira Perry
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