Caro Handon Au cœur des âmes Au cœur des âmes - Chapitre 5

Au cœur des âmes - Chapitre 5

Je n’ai jamais aussi mal dormi. Le poste d’avant-garde, surveillé par des métamorphes dotés d’une puissante aura, est équipé de paillasses inconfortables. Même s’il s’agit seulement d’une étape dans notre voyage, des efforts auraient pu être faits afin que nous puissions nous reposer de notre harassante journée ! Et si c’était une préparation pour ce qui nous attend, je crains le pire pour les trois années à venir.


Mon estomac s’en contracte aussitôt. Est-ce la première difficulté à surmonter ? Vais-je m’en sortir avec aussi peu de sommeil ?


— Tu as fait un cauchemar ? me surprend Aponi.


Fraîche comme l’aurore, mon amie resplendit.


— Non, je suis juste inquiète.

— De ne pas trouver ton animai ?

— Cela fait partie de mes doutes, oui. Tout comme le fait de ne pas être taillée comme les gardes.


Un sourire amusé gagne le visage d’Aponi.


— Ils sont unis à leur animai, c’est normal qu’ils soient grands et costauds. A priori, dès que notre âme fusionne à celle de notre animal, un changement physique s’opère.


Aponi a raison, je panique avant d’avoir peur. Mais j’ai entendu les légendes à propos de ceux qui échouent dans leur quête. Certains meurent sans pouvoir revenir, d’autres ne trouvent pas leur animai dans le temps imparti et redeviennent sauvages. Quant à ceux que l’on nomme les exilés…


— Rassemblement ! hurle un métamorphe-taureau.


Debout sur ses deux sabots postérieurs, son regard intransigeant et son ton directif activent les troupes.


Je me suis toujours demandé quelle espèce pourrait me correspondre parfaitement, même s’il est difficile de le savoir avant de le rencontrer. La probabilité de devenir comme celui de ses parents est mince et une multitude d’animaux n’ont pas encore été vus. À chaque retour à Solis, nous découvrons de nouvelles variétés ou déclinaisons. Les ouvrages dédiés à leur étude sont d’ailleurs mes préférés.


Une fois prêt, l’ensemble de notre troupe s’agglutine devant la double porte massive qui mène aux contrées astrales. Mon cœur bat la chamade, et des sueurs froides parcourent ma peau. Je ne me sens pas à la hauteur de cette aventure.


— Ouverture ! ordonne un ours à la fourrure brune.


Chacun des gardes a une allure menaçante. Moi qui me suis toujours demandé pourquoi aucun des animaux ne venait à Solis ! Depuis hier soir, la réponse me paraît évidente.


Les charnières en métal grincent, tout comme le bois craque lorsque deux colosses tirent sur les poignées. Au fur et à mesure, je découvre un paysage à couper le souffle. Les couleurs me semblent plus vives, parcourant une palette allant des plaines d’un vert chatoyant à du bleu azur pour les cieux. Des touches de nuance ambrée parsèment ce décor grâce à des fleurs éparpillées ici et là. C’est magnifique !


— Vous avancez jusqu’au campement principal, nous indique le métamorphe-ours. Restez. Vous y serez accueillis par vos prédécesseurs.


Mon regard se porte au loin, là où une fumée blanche s’échappe. Sa source est cachée par une butte de terre, mais cela semble bien moins loin que le trajet effectué hier. Espérons que cela se confirme.


— En avant !


Le souffle court, je suis la marée humaine composée de mes camarades d’aventure. Aucun d’entre nous ne paraît vouloir aller à l’encontre de la consigne donnée, et cela me rassure d’être entourée.


En silence, nous parcourons ensemble le plateau herbacé, où de nombreux papillons virevoltent à leur gré. Quelques oiseaux passent au-dessus de nos têtes, chantant comme s’ils nous accueillaient. Aponi semble si fascinée que je n’ose pas interrompre sa contemplation.


Notre marche se poursuit sans encombre et nous arrivons au zénith près d’un petit bois d’où s’échappe la fumée. Des cliquetis de métal résonnent jusqu’à nous, ainsi que des onomatopées de personnes qui se battent.


En nous enfonçant dans ces bois, nous apercevons certains visages connus, et notre groupe se disperse. Les anciens camarades et les membres d’une même famille s’enlacent dans un soulagement bienvenu. Quant à moi, je cherche partout mon meilleur ami.


Très vite, je repère son profil, que je reconnais aussitôt grâce à ses bouclettes châtains et son nez en trompette. Une vague de joie me submerge.


— Waban ! m’écrié-je.


Sans réfléchir, je me précipite vers lui. Il a à peine le temps de se tourner vers moi que me jette dans ses bras. Les siens mettent un instant avant de m’encercler à leur tour, mais leur pression autour de mon corps me procure un puissant sentiment de bonheur. Son odeur familière est plus boisée qu’à Solis, mais qu’importe, je ne suis plus loin de chez moi désormais, j’ai un repère auquel je vais pouvoir me raccrocher.


— Leï, souffle-t-il. Il faut que tu me relâches.


Je me recule, étonnée par sa demande. Waban jette un œil derrière nous comme s’il était gêné. J’ai la sensation que me revoir ne le rend pas aussi heureux que moi. Cela me serre le cœur.

— Nous aurons le temps de discuter plus tard, m’explique-t-il.


Son sourire efface mes doutes. La fatigue exacerbe sûrement mon inquiétude, plus que de raison. Un soulagement revient quand mon regard rencontre le turquoise du sien, au bord desquels de légères rides commencent à faire leur apparition. Ce détail m’amène à observer mon ami de la tête au pied.


— Tu as grandi !


Son rire résonne jusque dans ma poitrine. Cela me fait tant de bien de l’entendre à nouveau.


— Tu verras, tu prendras en muscles après avoir traversé plusieurs fois les contrées astrales.

— C’est si… ardu que ça ?

— Ce sera à toi de te faire ta propre idée. Bon, je dois te laisser, les secondes années préparent votre arrivée. Il reste encore pas mal de détails à peaufiner pour ce soir.


Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il s'éloigne déjà. Mes épaules s’affaissent sous le coup de la déception. J’avais imaginé que nous ne nous quitterions plus, car l’année qui s’est écoulée sans lui a été difficile à vivre.


— Alors c’est lui ?


Mon regard se tourne vers Aponi qui m’a rejointe. Elle observe Waban avec amusement.


— Mince, désolée de t’avoir faussé compagnie. Et, oui, il s’agit de mon meilleur ami.

— Il est mignon, dans son genre.

— Comment ça, dans son genre ?

— Ah ! Donc tu le trouves mignon ?


Je fronce les sourcils. Je ne comprends rien de cette discussion ! Aponi s’amuse de mon désarroi, mais ne me laisse pas dans l’ignorance.


— Comme tu ne réfutes pas le fait qu’il soit mignon, mais me reprends quand je dis « dans son genre », j’en conclus que, toi, tu le trouves mignon tout court.


J’écarquille les yeux, stupéfaite de son cheminement de pensées, avant d’exploser de rire.


— Apo, il est mon ami. Rien de plus, lui affirmé-je.


Elle hausse les épaules, peu convaincue. Elle se méprend sur toute la ligne. Jamais je n’ai vu Waban comme un amoureux potentiel, même si je tiens à lui de tout mon cœur.

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30 commentaires

La Plume d'Ellen

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Il y a 3 ans

Alors, comme son amie, je doute de ses sentiments vis à vis de son meilleur ami 😉

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Ahah seul l’avenir nous le dira 😇 (je passe chez toi ce soir ☺️)

clecle

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Il y a 3 ans

Les personnages sont bien présentés et ont chacun leurs caractéristiques, moi je vois déjà les débuts d'un petit triangle amoureux, mais je vais lire la suite pour en avoir le coeur net ;)

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Mmmh une chose est certaine, il y aura de l'amour dans l'air :P

Rose Lb

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Il y a 3 ans

les sentiments c'est compliqué...ça vient ça va... moi j’attends l'animai lol

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Il n'arrive pas tout de suite l'animai :P

Emmybelieve

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Il y a 3 ans

Sa rencontre avec Waban est un peu troublante. Ça ne l'a pas rendue aussi joyeuse qu'elle le voulait 😬, je devine que la suite ne sera pas rose non plus 😬😭

Caro Handon

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Il y a 3 ans

Un an c'est long, il peut s'en passer des choses en un an ^^

Gottesmann Pascal

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Il y a 3 ans

Les retrouvailles entre Leïla et Waban font plaisir à voir. Quand à Aponi, elle reste égale à elle même et toujours surprenante.

Gabriele VICTOIRE

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Il y a 3 ans

Bon bon bon, c pas l'éclate pour Lei...😅 je compatis déjà à ce que tu va lui faire subir...
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