Fyctia
Au cœur des âmes - Chapitre 4
Le soleil cogne sur mes vêtements foncés. Ma peau transpire tellement que le tissu trempé semble peser plus que de raison sur mes frêles épaules. J’ai toujours été un petit gabarit, et cela ne m’avait jamais gêné avant aujourd’hui.
Enfin, si, quand je dois me battre par exemple. J’ai l’impression d’être une plume devant braver une tempête. Bon sang, ce que j’aimerais avoir plus de force !
— Tu veux de l’eau, me propose ma compagne de voyage.
Sous ses airs excentriques, Aponi se révèle être une personne avenante. Elle me demande régulièrement si je vais bien, m’a posé un tas de questions sur ma vie à Solis et sur mes parents.
Cela me rassure de l’avoir à mes côtés jusqu’au poste d’avant-garde. Car ensuite, nous serons livrés à nous-mêmes dans les contrées astrales. J’en frissonne malgré la chaleur.
— Je veux bien une gorgée, s’il te plaît.
Elle me tend sa gourde en cuir et je ne peux pas m’empêcher de détailler l’objet.
— Tu bois par la pensée ? me demande Aponi.
Sa taquinerie me fait sourire.
— C’est l’un des premiers nécessaires de voyage que j’ai confectionné par moi-même, lui expliqué-je. Alors je prends des idées pour mes futures créations.
— Tu travailles les peaux ?
— Oui, ainsi que le bois, le tissu et certaines pierres.
— J’imagine que ton amulette pour la cérémonie d’union doit être magnifique.
— Si tu veux, je te la montrerai quand nous serons arrivées au poste d’avant-garde.
J’étanche ma soif, puis redonne son outre à Aponi. Elle ne semble pas accablée par les ardents rayons du soleil en cette fin de journée. J’espère que nous atteindrons vite notre lieu de rendez-vous, car la nuit ne devrait plus tarder si je me fie à la position de l’astre brûlant qui descend à l’horizon.
D’ici quelques heures, lorsqu’il aura disparu, il laissera place aux ténèbres, passant d’une chaleur grimpante à un froid glacial en l’espace de quelques minutes seulement.
— Comment sont les nuits à Ignis ?
— Relativement douces en comparaison à celles qui nous attendent dans les contrées astrales. Certains habitants de notre cité racontent que nombreux sont nos ancêtres dont on doit couper les orteils pour éviter la gangrène à cause des engelures.
Malgré son sérieux, un rire m’échappe.
— Ne te moque pas, il manque beaucoup de petits doigts de pieds à nos villageois.
— Les températures chutent, mais elles devraient être supportables avec un bon feu. Hormis dans les montagnes, où là, nous devrons nous montrer vigilants. Mais j’ai de quoi protéger nos petons à tous les deux.
En lisant tous les ouvrages que j’ai trouvés, j’ai amené avec moi tout un attirail d’objets pour parer à chaque besoin. J’espère ainsi ne pas être prise au dépourvu. Cela compensera mon inaptitude au combat.
— Est-ce que tu sais te battre ? demandé-je à mon amie.
— Tu as à côté de toi, un vrai petit ninja ! La vérité, c’est qu’avec tous mes frères et sœurs, il faut jouer des coudes au quotidien.
Nous discutons tout en poursuivant notre chemin, accompagnées par nos semblables. Cependant, au fur et à mesure que nous avançons, les conversations s’amenuisent, le signe de notre fatigue. Le soleil, lui, continue de descendre.
— Nous devrions accélérer le pas si nous voulons arriver avant la nuit, déclaré-je.
Je jette un coup d’œil derrière nous et j’aperçois les visages éreintés de quelques amis du village, ainsi que ceux d’inconnus tout aussi mal en point. Certains sont levés depuis l’aube et ils ont marché toute la journée.
— En fait, nous aurions besoin d’une pause.
— Même pas en rêve, la grincheuse ! intervient une voix plusieurs mètres en avant.
Ceux nous précédant, Aponi et moi, continuent d’avancer, mais ils s’écartent pour laisser place à une personne dont je me serais bien passée.
— Encore lui, murmuré-je entre mes dents.
En temps normal, j’attends sa pique pour rebondir de plus belle. Mais là, avec la présence d’Aponi à mes côtés, et en ayant connaissance de toutes les fois où elle s’est battue, un sentiment de sécurité me fait pousser des ailes. J’espère juste qu’elle ne m’a pas menti.
— Je ne t’ai jamais vu autant qu’en une seule journée, craché-je. Je vais finir par croire que tu en pinces pour moi.
Nashoba relève les sourcils dans une mimique que je qualifie de « ma pauvre fille, arrête de t’inventer une vie ». S’il pouvait enfin comprendre à quel point il me sort par les trous de nez !
— Même si j’étais sur le point de mourir et que ça pouvait me sauver, je n’échangerai jamais avec toi un seul baiser, déclare-t-il avec un air de dégoût.
— Même si tu étais sur le point de mourir et que ça pouvait te sauver, je ne te le donnerai pas non plus. Satisfait ? Maintenant, laisse-nous passer. Je vais aller voir le garde en tête de cortège.
Je glisse mon bras sous celui d’Aponi, et l’embarque à ma suite bien malgré elle.
— Joue aux petites chefs tant que ça te chante, crie Nashoba. Dans les contrées astrales, seule la nature sera aux commandes.
Si je déteste le conflit, et me bats comme une enfant à peine née, ce n’est pas pour autant que je compte lui donner le loisir de me marcher sur les pieds. Il verra de quel bois je me chauffe dès que nous y serons. Avec Waban à mes côtés, ainsi qu’Aponi, je n’aurais rien à craindre.
— Il m’a l’air de bien t’aimer, chantonne mon amie.
— On se hait, mais il me cherche toujours, juste pour son malin plaisir.
— Parce que dans le fond, il t’apprécie. Peut-être que tu es simplement la seule à le contrer ?
Tout en continuant mon chemin, je coule un regard vers Aponi qui semble fière de sa déduction. Je secoue la tête, exaspérée.
— Quand tu verras mon meilleur ami, tu comprendras pourquoi il ne peut rien se passer entre Nashoba et moi. Waban ne pourrait pas lui être plus opposé. J’apprécie son caractère, beaucoup plus facile à vivre que cet énergumène et sa bande.
Mon pire ennemi ne domine que grâce à sa corpulence plus conséquente que la plupart d’entre nous. Il a souvent été moqué plus jeune, mais son frère, Nahele, veillait toujours au grain. Nashoba, accompagné de ses comparses, s’est senti poussé des ailes en grandissant, récoltant un respect imposé plutôt qu’une vraie loyauté.
Car sans le juger sur son physique, c’est son attitude qui me répugne. Je préfère sans conteste être entourée par des personnes qui partagent les mêmes valeurs que moi, qui prônent la tolérance et la bienveillance. Nashoba ne sera jamais comme ça.
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