Fyctia
Chapitre 3.1
Memories - Maroon 5
Malgré la hâte ressentie quelques instants plus tôt, je ne parviens pas à ouvrir la porte de suite. Cette pièce où j’ai adoré me réfugier … que j’ai pourtant fini par fuir.
Non pas qu’il m’ait été désagréable de passer mon enfance ici, j’y ai même de nombreux souvenirs heureux. Seulement parfois, le bonheur peut devenir douloureux. Surtout quand on vous en prive sans que vous n’en connaissiez jamais la raison.
Petite, j’ai toujours eu beaucoup de mal à me mélanger aux autres. En grande timide, la foule avait tendance à m’effrayer, le trop plein d’effervescence, à m’apeurer. C’est pourquoi, j’ai très longtemps été mise de côté. Je me cantonnais à observer mes camarades s’amuser en silence.
Et puis, j’ai découvert la lecture. Un nouveau monde s’est ouvert à moi. Un monde où je pouvais être n’importe qui, vivre des aventures extraordinaires ou simplement ces échanges avec les autres que j’enviais autant que je redoutais. Je me fermais jour et nuit dans ma bulle où la souffrance du dehors n’avait plus sa place.
Quand éprouver par procuration ne me suffisait plus, que le besoin de m’exprimer avec mes mots devenait trop fort, je prenais mon journal. Enfin, il s’agissait plus d’un calepin que d’un réel journal intime pour tout dire. Je le trimbalais partout avec moi, y griffonnant des images qui m’obsédaient, y inscrivant mes souhaits, mes envies, mes aspirations, mes rêves. M’inventant même un langage secret que je ne partageais qu’avec ces pages blanches qui revêtaient la forme d’un véritable ami.
Pas besoin de grands discours pour lui plaire, mes phrases étaient rarement construites d’ailleurs. Je notais juste ce qui me dévorait les tripes, sans souci de cohérence. Moi seule devais comprendre après tout. Je ne compte plus les cahiers griffonnés au fil des années.
Avec le recul, je me dis que mon comportement reclus a bien dû participer à mon exclusion…
À la maison, ma sociabilité n’était pas beaucoup plus développée. Mes parents avaient beau être attentionnés et deux frères et une sœur me précéder, la sensation d’être en décalage permanent, de ne pas être à ma place, ne me lâchait pas.
En bonne petite dernière arrivée sur le tard, quinze ans me séparent de Mike, douze de Jagger et dix de Charlie. Un écart d'âge pas tout à fait commun pour la plupart, si bien que la sage-femme a demandé à ma mère si j’étais le fruit d’un remariage.
En dehors de cette question du regard d’autrui, celui-ci a fait que nous évoluions à des allures différentes. J’ai bien essayé un temps de me rapprocher de Charlie que je voyais comme un modèle, mais ai fini par abandonner après ses multiples rejets. J’étais la petite sœur agaçante, un peu trop pot de colle à son goût.
Alors, dès que je franchissais l’entrée de la maison, je me faufilais aussi vite que possible dans mon cocon, une chambre que papa avait imaginée et fait exécuter rien que pour moi.
Comme en écho à mes réflexions, j’ouvre enfin la porte dont je n’avais pas lâché la poignée.
Une nouvelle vague d’émotion m’envahit.
Rien n’a changé. Des murs de lambris aux airs de chalet de montagne, au banc empli de coussins, situé sous la fenêtre. Jusqu’au lit à baldaquin, toujours entouré de la guirlande lumineuse qui me donnait l’impression de m’endormir au milieu des étoiles. Une bibliothèque fait office de tête de lit, y retrouver les ouvrages que je dévorais adolescente me décroche un sourire.
Et puis, je me retourne vers mon bureau… placé contre la seule paroi non constituée de bois, mais de la photo d’une forêt, prenant toute la surface. Celle que je m’imaginais traverser quand je m’échappais au milieu des arbres qui séparent notre maison de la sienne.
Mon cœur se serre. Je pose un poing dessus, comme s’il pouvait le libérer de cet étau qui le comprime.
Les portraits que j’avais de lui, ainsi que ceux de nous deux, ont disparu en même temps que mes carnets. Seuls les bouts de scotch toujours collés au papier peint me soulignent leur ancienne présence.
Mon rythme cardiaque s’accélère dangereusement.
Cette absence m’en rappelle une bien plus douloureuse et me renvoie à la peur qui enfle un peu plus chaque jour : celle de l’oublier. Lui, mon unique ami d’enfance, mon premier amour, ma lumière… ma plus grande souffrance.
Voilà six ans maintenant.
Je venais d’obtenir mon diplôme de fin d’études. Nous devions le célébrer ensemble, mais il en a décidé autrement. Du jour au lendemain, il a disparu.
Jake.
7 commentaires
LauAl
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Josi
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natha_lit
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Marie LS
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Lély Morgan
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Il y a 10 jours
loup pourpre
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Lély Morgan
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Il y a 11 jours