Fyctia

Nous nous installons sur deux fauteuils, installés là, faisant face aux jardins faiblement éclairés, derrière le cottage. Je vois d’ici quelques arbres fruitiers, qui doivent produire uniquement durant l’été. Il y a aussi un citronnier, qui pour le coup, comporte quelques agrumes.

— C’était qui ?

— Mmh ?

— La femme que tu as aimé ?

Tu m’as dit que tu as vécu la même chose que moi.

— Oh…

Il avale une gorgée de sa boisson et dit :

— C’était ma mère.

Je manque de m’étouffer avec ma gorgée et j’ai de la chance que le liquide brûlant ne ressorte pas par mon nez. Hébétée, je le dévisage comme si une seconde tête venait de lui pousser.

— Ta mère ? Mais… Enfin je veux dire, tu fais ce que tu veux, mais tu es au courant que ce n’est ni moral, ni légal ?

Là, il éclate de rire, redoublant mon incompréhension.

— J’étais pas amoureux de ma mère, tu me prends pour qui ?

Il rit au larmes. Je ne l’ai jamais vu aussi amusé, aussi détendu. On dirait presque une autre personne. Puis il glisse une main dans ses cheveux, pour rabattre les mèche tombant dans ses yeux en arrière.

— Ma mère m’a abandonné, quand j’avais trois ans. Elle était super jeune quand elle est tombée enceinte et elle a dû m’assumer seule, parce que sa famille a pas voulu l’aider. Avoir un enfant hors mariage ? Dans mon pays d’origine, c’était inconcevable. Elle était à peine majeure, mon père biologique voulait pas de moi… Au bout d’un moment, elle a dû faire un choix. Elle a débarqué aux Etats Unis en espérant avoir une meilleure chance, et au moins de ne plus être vue comme une bête de foire avec moi dans ses bras. Elle avait pas une thune, elle a lâché ses études et elle commençait à fréquenter les mauvaises personnes. La situation s’arrangeait pas. Donc un soir, elle a pris une décision radicale. Elle a prétexté avoir mal quelque part et m’a laissé à l’accueil d’un service des urgences, à l’hôpital. Elle s’est tiré en prétextant devoir aller chercher des papiers d’assurance dans la voiture.

Son récit me surprends encore plus que le reste, si bien que j’en reste sans voix, pendue à ses lèvres, ainsi qu’à ses mots.

— Juste avant de partir, elle m’a dit de ne pas bouger, de rester proche de l’accueil, qu’on puisse me voir et qu’elle reviendrait. Spoiler alert : elle s’est jamais re-pointée.

— Mais c’est horrible…

Il hausse ses épaules en réponse.

— C’est comme ça. Je pense que selon elle, c’était la meilleure décision à prendre. Pour elle ou pour moi, je sais pas…

— Mais attends une minute. Où était Alyson, à ce moment là ?

— Avec ses propres parents, en train de mouiller ses couches et n’avait aucune idée de mon existence.

— Oh… tu veux dire que tu as été adopté ? Alyson est ta soeur adoptive ?

Il esquisse un sourire et hoche sa tête.

— Ouaip. J’ai été dans un orphelinat pendant un temps. Ils ont cherché ma mère, mais il n’y avait pas le moindre indice sur moi et comment tu veux connaître le prénom de tes parents, à cet âge ? D’autant que je parlais pas un mot d’anglais, puisqu’on ne causait qu’en chinois avec elle. Finalement, un couple est venu me voir. Ils voulaient être simple famille d’accueil et on peut dire qu’ils ont craqué sur moi. En même temps, qui ne pourrait pas ? T’as vu la gueule d’ange que j’ai ?

Son sourire fait apparaitre le mien, bien qu’il soit un peu plus triste que celui de Mason.

— C’est pour ça que tu as aidé les personnes qui bossent au shop ? Evie m’a dit qu’ils ont tous plus ou moins eu des vies difficiles.

Son regard se perd au loin et ses doigts enveloppent le mug qu’il tient encore entre ses paumes.

— J’ai eu de la chance. Une chance incroyable, de tomber sur mes parents adoptifs. J’ai grandi dans l’amour et, on ne va pas se mentir, dans un confort financier, aussi. Pour moi, c’est normal de rendre ce que l’univers m’a donné.

C’est une bonne philosophie de vie, et je ne l’aurait pas vu comme quelqu’un de très spirituel, c’est une surprise.

— Et ta mère biologique ? osé-je demander.

— Je l’ai cherchée à l’âge de seize ans. J’avais envie de savoir ce qu’elle était devenu, donc j’en ai parlé à mes parents, qui m’ont aidé à la retrouver. Elle a déménagé et changé d’Etat. Elle a trouvé un boulot de secrétaire dans un cabinet d’avocat et elle s’est mariée, il y a douze ans. Elle a eu deux enfants, depuis.

— Oh… donc tu as repris contact avec elle ?

Il sourit de plus belle, mais cette fois, c’est lui qui est triste.

— J’ai failli. J’ai pris l’avion, je me suis pointé devant sa maison et je l’ai vue rentrer de l’école, avec ses enfants. C’est là que j’ai compris que c’était terminé. L’amour que j’avais pour elle, et que j’ai encore, appartient au passé. Elle a tourné la page et finalement, moi aussi. Ce qui compte pour moi, c’est qu’elle a essayé. Elle a essayé de m’élever, du mieux qu’elle pouvait et elle m’a offert une vie magnifique, même si cela signifiait devoir la quitter.

Je reste sciée face à la maturité dont il a fait preuve, alors qu’il n’était encore qu’un adolescent.

Puis, voyant que je garde le silence, il coule un regard curieux et emprunt d’émotions, vers moi. Là, il se met à sourire. L’un de ses sourires taquins, dont il a le secret.

— Ne me dis pas que tu es en train de pleurer ?

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On en apprend un peu plus sur Mason, dans ce chapitre ! 🥹

Qui aurait cru qu'il avait été adopté ? 🫣

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