Fyctia

Je ne sais pas comment annoncer à Mason que nous devrons partir, le lendemain matin. Que Jeremiah et Alyson vont débarquer, prenant notre place, comme ils auraient dû le faire en premier lieu. Pourtant, je vais devoir lui en parler, je n’ai pas le choix. Il apprendra la vérité, tôt ou tard, surtout en les voyant arriver au cottage !

Je décide de profiter d’abord du repas, histoire de me changer les idées. Je lui dirai tout, avant que nous allions nous coucher.

Comme prévu, nous faisons la rencontre de Paul, le mari de Joanne. Il est venu nous servir nos plats, un bon poulet fermier accompagné de pommes de terre et de petits légumes. Ainsi, il en a profité pour se présenter et nous a appris que sa femme lui a déjà parlé d’eux, avant même qu’ils ne descendent et atteignent le grand salon.

La pièce est assez vaste, subtilement décorée. Le rouge est la couleur dominante, mais ce n’est en rien dérangeant. Une grande table est installée au milieu, les cuisines dans la pièce adjacente à celle-ci. Le feu d’une cheminée ronronne non loin de nous et c’est assez agréable.

Il n’y a personne ici, sauf nous. Paul nous informe que c’est normal, en cette saison : il est un peu tôt pour que les vacanciers viennent profiter du paysage et ils n’ont pas beaucoup de réceptions ou de mariages de prévu, vu la saison. Il se permet de nous poser quelques questions bateau, tout comme l’a fait Joanne avant lui, mais cette fois, et même si j’essaie d’y mettre du coeur et de l’humour, je n’y parviens pas forcément.

Je n’arrive pas à me sortir de cette dispute et le souvenir de la voix glaciale de Jeremiah me fait encore froid dans le dos.

— Bon, tu vas te décider à me dire ce qui ne va pas ?

Surprise que Mason me pose la question, je pose le verre d’eau que j’avais commencé à lever pour le porter à mes lèvres.

— De quoi tu parles ? Tout va bien, je te l’ai dit.

Il ricane et je sais qu’il n’en croit pas un mot.

— J’commence à te connaître, Princesse. Là, quelque chose te tracasse et c’est depuis que l’autre débile t’as appelée. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Est-ce que c’est parce que nous avons quitté le premier endroit trop vite, ça ne leur a pas plu ?

— Non, ça n’a rien à voir, réponds-je avec un soupir. Nous avons juste eu un petit désaccord, rien de grave.

Je préfère mentir plutôt que de me rappeler que nous avons eu là notre plus grosse dispute.

Mason m’observe longuement, avant de détourner le regard pour se concentrer sur sa nourriture.

— Ce sont des choses qui arrivent, dit-il tout en attrapant quelques morceaux de pomme de terre avec sa fourchette. Cette situation est stressante pour tout le monde.

— Tu es stressé, toi ? Par le mariage ?

Il me lance un regard noir, mais son léger sourire le trahit.

— Je n’irai pas jusque là, mais nous vivons tous ces préparatifs, nous devons tous nous accommoder aux changements que leur propre décision a imposée dans nos vies.

C’est un raisonnement assez juste. Il est dingue de voir combien de personnes sont touchées et impactées par une simple annonce de mariage. Il ne s’agit pas seulement du couple concerné, mais de leurs proches. De familles, d’amis, qui vont devoir faire connaissance, s’apprivoiser et s’unir également, d’une certaine manière.

— Est-ce que tu as parlé de tout ça avec Alyson ? demandé-je en posant mes propre couverts près de mon assiette. Du mariage et du fait qu’ils se précipitent un peu trop ?

— C’est la première chose que j’ai faite, qu’est-ce que tu crois ? Mais Alyson est têtue comme une mule, il suffit que je dise blanc, pour qu’elle réponde noir. D’autant que je ne l’ai jamais vue aussi déterminée avant ça. Elle tient vraiment à Jeremiah, pour des raisons qui me sont inconnues.

Je ne peux m’empêcher de lui lancer un coup de pied dans le tibia. Pas assez fort pour qu’il ait mal, mais juste assez fort pour qu’il le sente.

— Écoutes, poursuit-il, plus sérieusement. Ils ont fait leur choix, maintenant nous n’avons plus qu’à attendre et voir. Si leur histoire fonctionne, tant mieux et s’ils divorcent dans les mois ou années à venir, tant pis. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut contrôler ou dont on peut les dissuader, donc on doit juste… accepter.

Accepter.

C’est le bon mot.

Et je pensais l’avoir fait, depuis un petit moment déjà.

Force est de constater, que ce n’est pas réellement le cas…

— J’ai peur qu’Alyson, malgré elle, le pousse à changer. Il ne m’a jamais caché de choses, auparavant. Il a toujours été honnête.

— Donc, tu penses que c’est de la faute de ma soeur ? Ils ont tous les deux décidé de ne rien nous dire, c’était leur choix.

— Non, ce n’est pas ce que je veux dire. C’est juste que… Jeremiah a tellement changé. Je ne sais pas si ça a commencé avant qu’il ne rencontre Alyson, ou après.

Il garde le silence un instant, puis relève ses yeux vers moi.

— Loin de moi l’envie de te blesser, Princesse, mais Jeremiah va changer. C’est le principe même de vieillir. Tu te doutais qu’il allait faire sa vie, n’est-ce pas ? Se marier et fonder une famille.

— Est-ce qu’on peut parler d’autre chose ?

— Tu dois lâcher prise, Baby Doll. Sinon, lui va continuer son chemin et toi, tu en seras toujours au même point.

Je ris jaune.

— Ah, parce que tu penses que c’est si facile ? Tu ne sais rien de moi ou de ce que je ressens.

Contre toute attente, il sourit et croise ses bras, se reculant légèrement pour s’appuyer contre le dos de sa chaise.

— D’accord, j’ai jamais été amoureux de mon meilleur ami d’enfance, mais je suis bien placé pour savoir ce que ça fait, un amour à sens unique.

Intriguée, j’aimerai en savoir plus, mais Paul vient nous voir pour nous annoncer que les cuisines vont bientôt fermer et que si nous voulons commander le dessert et les cafés, c’est maintenant.

Nous terminons donc le repas en vitesse, ne souhaitant pas trop profiter de la gentillesse et de l’hospitalité de Paul et Joanne. Puis nous décidons d’aller sur la terrasse, nos mugs de cafés à la main. Dehors, il fait frais, mais j’accueille ça avec plaisir, la chaleur de ma boissons entre les mains paraissant réconfortante.

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Alors, petit rapprochement entre Mason et Maddie en perspective, à votre avis ?

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