Fyctia

Le souffle coupé, je dévisage Mason. Mes lèvres s’entrouvrent et se ferment plusieurs fois alors que je cherche mes mots et ne sait quoi répondre. Je dois ressembler à un poisson hors de l’eau, incapable de réagir, mais il ne me presse pas. Son regard sombre se contente de me fixer sans interruption et son corps me protège du reste du monde… ou du moins, c’est l’effet que ça me fait.

— Je… je ne vois pas de quoi tu parles.

J’arrive enfin à articuler cette phrase et il glousse. Un rire jaune, vide de joie. Un rire qui veut dire « cause toujours, je te crois pas une seule seconde ! ».

— Baby Doll, ton visage s’est décomposé, quand Alyson a balancé que Jeremiah te considère comme sa soeur. On aurait dit que ton monde venait de s’écrouler.

Il marque un temps de pause et je déglutis en croisant mes bras, mon téléphone serré entre mes doigts. Je m’en veut de ne pas avoir été aussi discrète que j’aurais aimé. Et s’ils l’avaient remarqué ?

Oh, mon dieu… Et si Jeremiah avait lu clair en moi, cette fois ?

Même si Mason vient de m’assurer le contraire, et si c’était pour ça qu’ils sont partis ? Parce qu’ils ont compris ?!

Soudain, je sens une petite douleur sur mon front. Mason vient d’y faire une pichenette, entre mes deux yeux.

— Calme-toi, on dirait un veau en route vers l’abattoir. Viens, on devrait rentrer. Je ne vais pas te laisser attendre l’autre débile dans cet état là.

Il attrape mon poignet et se met à marcher, sortant de la ruelle, moi sur ses talons. Son étreinte est étrangement douce, contrastant avec sa carrure et surtout, avec l’aura qu’il dégage. Sur notre passage, j’ai l’impression que les gens nous regardent, s’arrêtent de parler. Ce n’est pas la première fois que je le remarque depuis hier et je me demande pourquoi ce détail me revient en tête maintenant, alors que nous marchons jusqu’à la boutique que nous avons tous les deux quitté il y a quelques minutes. Il dépasse pourtant la façade de celle-ci et s’arrête finalement devant une voiture. Luxueuse, la voiture.

Elle doit bien coûter quelque chose comme un an de loyer, chez moi ! Il ouvre la porte passager sans pour autant réduire la légère poigne qu’il a sur moi et il me pousse gentiment à entrer dans le véhicule.

C’est dans un genre d’état second que je le laisse faire, puis fermer la portière avant de venir prendre place côté conducteur. Il démarre rapidement et prend la route. C’est seulement au bout de quelques instants que je me rends compte de ce qu’il vient de se passer. Ce séjour est vraiment maudit, ma parole !

— Ça s’est vu tant que ça ? demandé-je d’une voix blanche. Ma réaction a été bizarre ?

Il jette un coup d’oeil rapide dans ma direction, avant de regarder de nouveau devant lui.

— Non. Et oui. Mais je suis le seul a avoir capté. Je suppose qu’il n’est pas au courant et que tu ne veux pas qu’il le soit ?

Cette fois, c’est à moi de rire jaune.

— Oh si, ce serait génial qu’il apprenne la bonne nouvelle, tu ne crois pas ?

— Ah, ton cynisme revient, c’est bon signe !

— Très drôle… non, je ne veux pas qu’il le sache, et surtout pas maintenant. Je n’ai jamais rien attendu de lui et il va se marier, donc fin de l’histoire.

— Donc tu ne vas même pas essayer de te déclarer pour savoir si ses sentiments auraient pu être partagés ?

Excédée, de passe mes doigts dans mes cheveux et en griffe presque mon cuir chevelu.

— Tu n’étais pas avec nous quand il a été d’accord au moment où Alyson a dit qu’il me considérait littéralement comme sa soeur ? Il me semblait que si, pourtant !

— Les mots sont sortis de sa bouche à elle, pas de celle de Jeremiah. Je ne pense pas que tu devrais abandonner et au moins lui laisser une chance de partager ton fardeau. Qui sait, peut-être qu’il se rendrait compte qu’il a également des sentiments pour toi.

— Tu te crois où au juste ? Dans un film ou dans un roman à l’eau de rose ? Ça n’arrive jamais dans la vraie vie, ce genre de chose.

— Parce que tu as tellement la trouille que tu ne veux pas faire le premier pas de peur d’avoir le coeur brisé. Mais, devine quoi, Baby Doll : ton coeur est déjà brisé, là, tout de suite. Et il l’est depuis un bail, je pourrais parier tout ce que j’ai, là-dessus.

Il freine finalement et je remarque le portail en train de s’ouvrir. Nous sommes déjà arrivés ? Tant mieux, parce que je ne supporte plus cette conversation.

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En voilà, une bonne journée qui vire un peu au cauchemar 🤣

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