Fyctia
Chapitre 1 - Amy
Le panneau d’affichage indique ma destination. La valise dans mon sillage, je me dirige d’un pas léger vers le hall d’embarquement. Une semaine en Sardaigne. Loin de tout. On ne peut espérer mieux. Dans le hall surchauffé de l’aéroport, le climat parisien me plombe à travers les vitres. Ciel bas, gris, pluie giflant les baies vitrées et s’infiltrant lorsque les portes s’ouvrent. En tant qu’anglaise, je devrais être habituée. N’empêche, je boude pas mon bonheur de m’éloigner de cette grisaille. Tellement empressée que j’ai déjà enfilée une petite combinaison noire vaporeuse, pas du tout adaptée. Je me console en me disant que, dès le seuil de l’avion franchi, je laisserai ce froid derrière moi.
La file pour passer le portique se densifie. Je m’y glisse, avec hâte, consulte mon téléphone par habitude. Aucun message. Ça me change. Il faut croire que tout le monde a bien compris ma seule et unique consigne : injoignable pour tout le monde.
Je vérifie une dernière fois que mon passeport se trouve bien dans ma pochette de voyage.
Lorsque je redresse la tête, je croise son regard charbonneux. Un contraste saisissant avec ses cheveux blonds. Le genre mi-ange, mi-démon parfaitement incarné en une seule personne. Le frémissement de sa lèvre me fait comprendre qu’il m’a remarqué et je me détourne rapidement. Mon cœur s’affole, rate un battement. Son regard presse sur mes épaules. Je n’ose me retourner.
Lorsqu’on mon tour arrive, je vide, fébrile, mes poches dans le bac. J’ai pensé à ne pas mettre de ceinture ; le souvenir de notre premier voyage avec Ben me hante. Le malaise de me retrouver sous les regards d’inconnus, à devoir me déshabiller devant tout le monde tout en m’excusant pour le retard engendré, ne me quitte pas.
Le portique sonne sur ma droite. Monsieur mi-ange mi-démon n’y a apparemment pas pensé. Chargé de son manteau et de ses sacs, il dépose le tout maladroitement sur le tapis. Monsieur perd soudainement de son sexe-appeal, mais devient, aussi, plus humain ; m’arrachant un sourire lorsqu’il doit s’excuser auprès du couple d’italien qui le presse derrière.
Nos regards se croisent de nouveau. Brève rencontre pourtant lourde de promesses.
— Vous pouvez y aller, madame.
J’obéis à l’agent de sécurité, passe le portique sans qu’il ne sonne. Je ne peux retenir une œillade provocatrice vers Monsieur qui se dépatouille toujours avec sa ceinture.
Oppressée par le flux, je récupère mes affaires et m’éloigne.
Mon vol n’est que dans deux heures. J’apprécie ce moment pour moi où je peux flâner dans les boutiques et dévaliser les librairies en achetant des romans que je ne lirais jamais. Toujours de beaux objectifs que je ne tiens pas. La plupart des livres finiront entassés au fond de ma valise, jamais ouverts, et avec de grandes chances de me faire payer une surcharge au retour. Qu’importe. La tradition est la tradition.
Ma valise posée non loin, je feuillette tranquillement le dernier polar de l’été.
— Ce n’est pas son meilleur.
Pourquoi ne suis-je pas surprise de le retrouver ?
Monsieur mi-ange démon se tient devant moi, sa tenue réajustée.
— Ils vous ont laissé passer ? je ne peux me retenir.
Son œil frise lorsque je lui réponds.
— Je n’ai pas grand-chose à me reprocher mis à part d’avoir mis une ceinture.
Je repose le roman et m’autorise à le détailler de nouveau.
De près, quelques rides entourent ses yeux sombres. Cela lui donne un certain charme.
— Théodore, se présente-t-il.
Théodore ? Vraiment ? Tu parles d’un nom. J’avoue que je ne m’y attendais pas.
— Amy.
À son tour, il soulève un sourcil. Je n’attends pas de retour de sa part et m’éloigne.
— Je peux vous proposer un café ? s’enhardit-il.
Je l’examine. Hésite. Suis-je le genre de femme à me laisser offrir un café par un inconnu, aussi séduisant soit-il ? Je décide que non.
— Navrée, mais ce n’est pas possible.
— Pourquoi ? demande-t-il en me suivant à travers les rayonnages. À cause de votre mari ?
Je sursaute, étonnée.
— Votre bague, indique-t-il. À votre doigt.
Je me mords la lèvre en remarquant l’anneau que j’ai oublié de retirer. Un détail auquel je n’ai pas pensé. Ou auquel je n’ai pas voulu penser.
— Ce n’est pas un souci. J’aime beaucoup les femmes mariées.
J’explose de rire devant cette tentative pathétique. S’il n’avait pas un tel charme, si ce n’était pas lui, cette répartie m’aurait fait fuir direct.
— Ce n’est pas ma meilleure réplique, reconnait-il d’une grimace contrite.
— C’est déjà bien de le reconnaître. Vous auriez pu y croire.
— Je vous propose juste un café Amy, cela n’engage à rien, reprend-il d’un ton plus sérieux.
Cette voix au grain chaud allume un feu en moi qui ne me dit rien qui vaille.
L’annonce dans les haut-parleurs convie les voyageurs du vol 928 en direction de la Sardaigne à se rapprocher de la zone de transit.
Je ne sais pas si je dois être soulagée ou déçue par cette interruption à point nommée.
— Désolée, mais c’est mon avion.
— Et le mien aussi. Finalement il se peut que nous buvions ce café au dessus des nuages.
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MIMYGEIGNARDE
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Adele Maine
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Gwenaële Le Moignic
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