Fyctia

- Je n'arrive pas à réaliser, pince moi!

Ce n'est pas l'envie qui manque. Cependant les marques déjà apparentes sur ses avant bras m'obligent à renoncer. Je me suis déjà pas mal lâchée ces derniers jours.

- Oh my god! Oh my god!

Voilà ce que j'endure depuis plusieurs semaines. Ma colocataire et accessoirement très bonne amie est une incorrigible groupie.

L'objet de cette adoration n'est autre que Jude Backer. LE Jude Backer dont je n'avais jamais entendu parler avant de poser mes valises aux Etats-unis il y'a maintenant deux ans. Mon ignorance a clairement été considérée comme un crime aux yeux de Mary -et sûrement à ceux de toutes les filles de ce vaste pays si cela s'était ébruité à plus grande échelle. Et pour cause, il est adulé par des millions de jeunes américaines. Alors, lorsque nous avons appris qu'il tournerait quelques scènes du prochain film pour lequel il tient le rôle principal au sein de notre campus, ça été la nouvelle du siècle. Pour tous. Excepter pour moi. Il ne va être qu'un parasite au bon déroulement des cours. Il y a déjà plusieurs changements d'établis, comme l'absence de biochimie durant les deux semaines de tournage, pour cause je cite de "non disponibilité des salles et du matériel". Non pas que je sois une fan absolue de bio mais tout de même...

- À priori, il arrive lundi. J'espère qu'il va me parler, t'imagines si on se fait la bise lui et moi? Hiiiiiii.

Ses cris stridents me donnent le tournis. Je cale mon oreiller sur ma tête et après un énième cri de joie de la part de mon amie, je l'utilise pour me boucher les oreilles. Je laisse échapper un soupir. Vivement que tout ceci se termine. Quel calvaire, cela n'a pas encore commencé et j'attends déjà la fin avec impatience.

- Et puis...

- Mary, STOP! On dort maintenant, la coupé-je sentant mon niveau de tolérance frôler le zéro.

Demain une grosse journée m'attend. Plus de 9heures de cours, suivi d'une soirée à danser jusqu'au bout de la nuit avec les filles. Je ne suis pas sortie depuis une éternité. Je ne sais même plus à quand remonte ma dernière folie. Absorbée par les cours, je ne sors que très rarement du campus et de ma petite chambre étudiante. Cela exaspère Mary, adepte des soirées les plus "branchées"-comme elle aime si bien le dire- de Seattle. Moi, je suis considérée comme l'intello de service. Une étiquette qui ne me gêne pas le moins du monde, bien au contraire. Originaire du Sud de la France, je ne suis venue ici que dans un seul but: réussir mes études universitaires en médecine.

Pour être totalement honnête avec moi-même, c'est principalement pour prouver à mes parents que je suis capable de faire autre chose que de me trouver un bon et riche mari. Non pas que je critique l'astuce de ma mère qui mène une vie plus que paisible en compagnie de son mari, alias mon père. Procureur dans notre belle région du PACA, il répond à chacun de ses caprices.

Cependant, je ne souhaite absolument pas reproduire le même schéma. Me sentir dépendante de quelqu'un aurait le même effet que de ne plus pouvoir respirer. Je suis trop attachée à ma liberté pour la laisser filer.

*

La journée a été éreintante mais j'ai promis aux filles que je passerai la soirée avec elles. Impossible de faire faux bond. Et pour cause, j'ai utilisé l'intégralité de mes jocker pour cette année, vagabondant de ruses en ruses plus improbables les unes que les autres. Les examens finaux ont lieu dans cinq mois, si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferais certainement jamais.

- Elsa passe nous prendre à 21h tout pile, c'est elle qui fait Sam ce soir. Cindy et Molly nous rejoignent directement là-bas, s'exclame précipitamment Mary avant de disparaître vers les douches communes.

Le moment fatidique n'a jamais été aussi proche et j'imagine que la peur de l'annulation s'est emparée d'elle. Ce débit de paroles en est la preuve, sa manière à elle de me faire comprendre que tout est déjà planifié. En clair, aucun retour en arrière ne sera accepté, trop tard pour se défiler.

- Ana? Ana tu m'écoutes?

- Aussi rapide que buzz l'éclair! Tu disais?

- Mets cette robe, accordant le geste à la parole, elle dépose un minuscule bout de tissu sur mon modeste lit.

- Hum... Je ne crois pas non.

- T'as pas le choix, c'est soirée chic ce soir et je doute que tu aies ce genre de choses entre tes vieux jeans et tes pulls à capuche!

Je suis déjà blasée, je sais qu'elle ne renoncera pas jusqu'à ce que cette robe soit sur moi alors, je capitule rapidement n'ayant aucunement la force de me battre sur ce terrain là avec elle.

- Ok...

Comme je l'avais prédit, la robe est courte, très courte même, si bien qu'à chacun de mes mouvements j'ai peur que mon string fasse une entrée remarquée.

- Trop belle Ananouche! Une petite couche de mascara en plus et tu seras parfaite.

Je m'exécute telle une gentille petite fille, elle me le payera...

- Tu es vraiment très belle! Ne peux-je m'empêcher de dire lorsqu'elle fini par tourner le dos à notre imposant miroir.

Je ne mâche pas mes mots, Mary est réellement sublime dans sa robe rouge. Ses long cheveux blonds brillent de mille feux et son maquillage est parfaitement appliqué. Elle ressemble à une poupée humaine avec tout ce qui s'ensuit. Les formes de son corps sont parfaitement réparties et ses pommettes bien rebondies.

- Dit la fille qui pourrait être la plus canon du campus si elle laissait ses vieux torchons dans son placard.

Un semblant de désarroi me traverse et je ne dois certainement pas être la seule à le ressentir puisqu'elle s'empresse aussitôt d'ajouter:

- Tu es magnifique dans cette tenue Ana. Tu vas faire craquer tous les mecs de la boîte ce soir.

- Mary, on en a déjà parler je ne veux pas m'enticher d'un homme. J'ai d'autres priorités en ce moment, reponds-je la moue boudeuse.

- Roh...je ne te dis pas de te faire passer la bague au doigt mais juste de t'amuser, rencherie-t-elle un brin agacé.

J'enfile les talons qu'elle me tend énergiquement et nous voilà toutes les deux embarquées dans l'air frais de Seattle.