Fyctia
3. Journée d'enfer
- Putain gamin, tu as failli tous nous foutre dans la merde!
- Roh ça va, commence pas, on est dans l'avion là, non?
Je bouillonne de l’intérieur, comme souvent ces derniers temps, les remontrances de Jerry commencent sérieusement à me taper sur le système. Je me lève blasé et rejoins avec nonchalance le fond du Jet privé, isolé de lui et du reste de l'équipe.
Le voyage est d'une lenteur incroyable. Je passe mon temps à regarder par le hublot, le ciel drapé de son fichu costume blanc. Le temps de vol entre Los Angeles et Seattle est d'environ deux heures et demies. Cela peut paraître dingue pour deux villes se situant dans un même pays. Installé confortablement, je place les écouteurs, mis à disposition, sur mes oreilles. La musique est calme, douce, le meilleur remède à une gueule de bois. Je ferme les yeux, et me laisse emporter. Ce moment de tranquillité ne semble pas s'éterniser. Je sens une main taper contre mon avant bras. Agacé, je suis prêt à envoyer balader celle ou celui qui a oser interrompre ma plénitude temporaire. Il s'agit de Henri, un gars gentil. Il ne paye pas de mine comme ça, avec son physique qui n'est pas des plus avantageux. Ventre bien rempli et abstention de cheveux.
Cadreur du film, Henri est l'un des collaborateurs essentiels à la réalisatrice. Il met en œuvre et manie l'appareil de prise de vues. Assurant ainsi, la composition des plans et la plupart des mouvements d'appareil . Tout comme le directeur de photographie, il participe à la résolution de problèmes de raccord et gère d’éventuelles incohérences dans le récit. Un métier surement passionnant, mais économiquement rien à voir avec ce que je gagne. Pauvre Henri. Rien que pour cela, je ne lui dis rien et lui fais même signe de s’asseoir à mes côtés. Grave erreur.
Fatigué par la soirée de la veille, j'ai du mal à dissimuler mon désintérêt lorsqu'il me fait par de ses turbulences familiales.
- Et elliott qui n’arrive toujours pas à lacer ses chaussures! A huit ans, tu te rends compte?
Ravi de l'apprendre. Je mime une tête choquée, incapable de dire le moindre mot au risque de le rembarrer. Pour un acteur de mon échelle, je dois bien avouer que je ne suis pas très doué dans de telles situations.
- ...Mercy qui mange que quand elle en a envie. Du haut de ses trois ans, cette réaction n'est pas normal si tu veux mon avis, Jude. Jane et moi ne savons plus quoi faire...se désole Henri.
Je jette un coup d’œil furtif à ma montre. Nous devrions pas tarder. Ouf. Je suis à deux doigts d'exploser mais je ne souhaite pas tout gâcher. Et même s'il y a eu d’inévitables tentions durant ces derniers mois, l'entente sur un plateau est primordiale et il serait con que cela arrive avant les dernières prises.
Comment fait-il pour ne pas se rendre compte que je n'en ai rien à cirer? Je déteste les gosses et davantage encore ceux que je n'ai jamais vu. Que pourrai-je répondre à ce qu'il me dit? J'aurais envie de lui expliquer "tu lui fourres sa purée dans la bouche à la ptiote et qu'elle fasse plus chier". Cependant, je ne suis pas certain que cela se fasse.
- C'est pas évident, tu verras quand tu auras des gamins.
Faite le taire, bon sang! Je serre les poings et commence sérieusement à m'impatienter.
"Ne pas s'emporter. Ne pas s'emporter."
Je ne l'écoute plus et répète, intérieurement, cette phrase.
" Mesdames et Messieurs, nous préparons l’atterrissage. Nous vous prions d'attacher vos ceintures et de relever le dossier de votre siège".
Sauver par le gong. Ou presque...
-...qui prépare son envol, prévoit l'atterrissage ou redoute son crash.
Je ne sais même plus de quoi il me parle. Malgré tout, je souris crispé puis me faufile, sans plus tarder, vers la sortie.
L'air frais de Seattle me ravive et je suis content de revoir Jerry, c'est pour dire.
- Tu as fini de faire ta divas? Me questionne-t-il sur le tarmac.
Nous rigolons en chœur. Une voiture privée nous attends à quelques mètres de là. Vitres teintées, parfait pour ne pas se faire remarquer. Assis seul avec Jerry, je me sens de nouveau respirer.
- Au fait, ce soir j'aurais besoin d'un service.
- Tout ce que tu voudras, tes volontés sont des ordres gamin, répond-il malicieusement.
Le paysage urbain défile sous nos yeux. L'automobile s'arrête. Une foule de paparazzis est postée à l'entrée de l'hôtel. Et je ne pourrai dire le nombre de personnes, pancartes en main, qui s'égosille la voix en criant mon nom.
*
Le regard furieux braqué sur ma personne, elle profite de notre proximité pour me gifler.
Un petit bout de femme avec une sacrée poigne. Je place ma main sur l'endroit douloureux et lorsque je relève les yeux, nous ne sommes plus deux. Je fixe la porte entre ouverte.
Comment en suis-je arrivé là? Je laisse à cette mystérieuse âme le loisir de vous l'expliquer...
4 commentaires
Anna montale
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Il y a 8 ans
Pjustine
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Il y a 8 ans
Ava Pons
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Il y a 8 ans
Emilie May (Bookofsunshine)
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Il y a 8 ans