Fyctia
Clara (4/6)
J’en suis là dans mes réflexions lorsque je constate que tout le monde a déserté, leurs marmots sous le bras. Pourtant, aucuns enfants attendent encore derrière la grille. D’un pas déterminé, je me dirige alors vers la dame qui est sur le point de refermer la grille.
— Bonjour Madame, excusez-moi, je voulais savoir où sont les enfants de Monsieur Masson ?
— Bonjour, vous êtes mademoiselle Rivière ?
— Oui, c’est bien ça.
— Est-ce que je peux avoir une pièce d’identité ?
C’est une marque de fabrique de Bourges de tout contrôler !?
La regardant avec des yeux en soucoupe marquant ainsi mon étonnement, elle se voit alors obligée de préciser que c’est stipulé dans le règlement de l’établissement. Lui demandant de m’accorder quelques instants, je rebrousse chemin pour aller la chercher dans mon sac à main resté dans la voiture. Le papier dans les mains et le sourire aux lèvres, je viens vers elle, fier d’avoir pensé à mon sac. Au vu du regard qu’elle me jette, je n’ose rien rajouter de plus. M’abstenant de faire un commentaire, je lui tends ma carte d'identité puis la laisse vérifier.
Sans un mot, elle m’invite à passer la grille qu’elle referme derrière nous. Filant droit devant comme si le feu lui brûlait les fesses, elle ne me laisse pas le choix que de la suivre en essayant d’adopter la même cadence.
Elle doit faire de la course à pied, ce n’est pas possible ! Ou comme dirait une certaine humoriste : elle est une fervente pratiquante de la marche fâchée !
— Nous allons d’abord chercher Joshua si vous voulez bien et ensuite Rose et Lucie.
— Comme bon vous semble, je répond en essayant d’imiter son intonation de bourge.
Le regard noir qu’elle me lance me fait comprendre ma maladresse. Je ne connais pas les autres personnes constituant le corps enseignant de cet établissement, mais s’ils sont tous comme elle, je plains les élèves.
— Il est dans mon bureau, j’aurais préféré voir son père ou sa mère.
— Ils ont été retenus par le travail et leur baby-sitter est malade d’où ma présence.
— Et bien, je vais m’en contenter, marmonne-t-elle dans ses moustaches.
Nous traversons plusieurs couloirs et montons deux étages avant qu’elle ne me fasse entrer dans son bureau. Sur la porte, une grande pancarte en or y est fixée. Sur cette dernière est inscrit « bureau du principal – Madame Ronchon ». Je me pince discrètement la cuisse pour ne pas éclater de rire ou prononcer des paroles de mon cru.
Je me souviens qu’au collège, nous avions étudié la provenance des nom de famille. Ces derniers étaient attribué en fonction d’un trait physique ou psychique de la personne. Je confirme totalement : son nom lui colle à la peau ! Sa vie ne doit pas être de tout repos, les élèves doivent s’en donner à cœur joie.
L'antre de la bête est de taille moyenne, avec sur le mur de gauche une gigantesque armoire remplie de dossier et sur le mur de droite des cadres avec différents diplômes ou titres, lui appartenant certainement. En face de moi, une grande fenêtre d’où le soleil nous inonde, nous apportant encore sa lumière et sa chaleur. Devant cette ouverture majestueuse, un grand bureau en bois recouvert de cuir vert, comme doivent posséder les grands ponts de la société, ainsi qu’un fauteuil digne de ce nom sont placés. Faisant face à ce dernier, deux chaises ont été disposées pour accueillir des visiteurs ou condamnés si j’en juge la tête basse de l’adolescent qui y siège.
M’invitant d’un mouvement du bras à venir m’asseoir sur la deuxième chaise, je m’exécute alors sans un mot. Le garçon que je présume être Joshua, ne bouge pas. Assis ou plutôt avachi sur la chaise, les jambes écartées, sa tête recouverte de sa capuche de sweat repose sur sa main droite, me dissimulant ainsi les traits de son visage.
— Bien, comme je vous l’ai mentionné, j’aurais préféré voir un de ses parents, mais on va faire avec vous. Vous savez retranscrire un message ? questionne-t-elle d’un ton sec.
Ok, je sens que, elle, je ne vais pas l’aimer la Ronchon !
— Attendez, je vais prendre un crayon et un papier tout de même, de peur de louper un mot de ce que vous me transmettez ! On n’est jamais trop prudent ! je réplique de ma voix mielleuse, faisant pouffer l’adolescent.
— Joshua retire moi cette capuche et redresse toi, non de non ! hurle-t-elle.
Tout en soufflant, il bouge légèrement de position et retire sa capuche. Je ne peux m’empêcher d’observer quelques instants son profil.
Lors de notre première rencontre, le global étant déjà à couper le souffle, je n’ai pas prêté attention aux détails. Et puis, soyons honnête, il ne m’en a pas laissé le temps non plus. J’ai donc fait des recherches sur mon patron sur internet, histoire de mettre un visage sur la personne au bout du téléphone.
Le jeune homme à mes côtés est le portrait craché de son père : cheveux châtain clair placés dans un coiffé-décoiffé donnant un style au saut du lit.
Je n’ai jamais compris comment cette coiffure peut rendre les hommes canons, alors que sur moi… Bref.
La peau légèrement hâlée, et un profil de dieu grec. Je ne sais pas quel âge il a exactement, mais une chose est sûre : il doit déjà avoir un sacré succès auprès des filles et il fera beaucoup de ravage quand il sera adulte. Des cœurs brisés, il y en aura plus d’un après son passage.
Sentant certainement mon regard sur sa personne, il finit par tourner son visage vers moi, me laissant ainsi confirmer mes dires sur sa beauté. Toutefois, ce face-à-face me permet également d’apercevoir sa lèvre gonflée et fendue ainsi qu’un hématome sur sa joue gauche. À cette vue, je fronce les sourcils le faisant aussitôt détourner le regard puis reporte mon attention sur la directrice.
— Comme vous pouvez le constater, Joshua s’est encore bagarré aujourd’hui sans raison. Cela fait déjà trois fois que cela se produit. Je ne vais pas pouvoir continuer à tolérer ce comportement de délinquant très longtemps ! reprend-elle.
— C’était pour de la drogue ? je demande aussitôt en m’adressant au garçon.
— Non, répondit-il après un temps de perplexité face à ma question.
— Bon du coup, délinquant est peut-être un peu fort, non ? je fais remarquer à la femme qui me renvoie un regard des plus noir.
— Là n’est pas la question. Par ce comportement, il incite à la violence. Nous sommes un établissement d’élite, nous ne pouvons pas tolérer ce genre d’agissements. Si cela se reproduit, il y aura une suspension pendant plusieurs jours.
— N’étant pas sa mère et n’étant qu’une petite personne comme vous l’avez si bien relevé, je vais donc faire passer le message à ses parents dès que nos chemins se croiseront.
Elle se lève en pinçant ses lèvres, certainement pour éviter de hurler sur moi, mais n’ajoute rien suite à ma réplique. J’admire son self-contrôle. Joshua et moi, nous nous levons comme un seul homme puis nous nous dirigeons vers la porte. Notre geste l’oblige à faire de même pour nous ouvrir le chemin parmi ce dédale de galerie, afin de rejoindre les deux autres enfants.
(à suivre...)
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