Mapetiteplume Joyeux Noël Clara Clara (2/6)

Clara (2/6)

Sous les coups de 2 h du matin, les occupants de la librairie nous font comprendre que nous sommes de trop. Ne travaillant pas le week-end et mon frère étant en vadrouille, j’invite les filles à venir dormir à la maison.

Nous passons tout le samedi à plancher sur l’ordinateur. Afin de me familiariser avec l’outil, nous réalisons même quelques simulations. Contentes de notre travail commun, nous décidons que le dimanche serait sous le signe du repos véritable. Pour entamer cette bonne résolution, nous descendons au bar au pied de chez moi pour une soirée bien méritée.

Comme quatre jours de la semaine, je me lève de bonne heure ce lundi matin. Reprenant mes horaires habituels, je ne travaille que la matinée, de 7 h à 13. Aimant beaucoup dormir, les débuts ont été assez difficile lorsque je me suis fait embaucher. Toutefois, au bout de quelques semaines, j’ai réussi à trouver mon rythme. Depuis maintenant cinq ans, mon corps a adopté cette cadence qui me permet de continuer mes passions durant l’après-midi : la photo et la sculpture en tout genre.

Parcourir Bordeaux au petit matin lorsqu’un grand nombre de ses habitants n’est pas encore levé et voir la ville se réveiller doucement, est merveilleux. Mon œil d’artiste capte des lumières, des couleurs, des scènes que beaucoup de gens ne prêtent pas attention par manque de temps.

Sur le point de partir, mon second boulot se rappelle soudain à moi. Mes pieds rebroussent chemin, à la recherche de la fameuse pochette. En la saisissant, je constate qu’elle vibre. Je lâche tout sur le sol pour partir à la recherche du portable. Sans prendre le temps de regarder l’inscription, je décroche.


— MAT associé, que puis-je fais pour vous ?

— Eh bien, c’est pas trop ? Qu’est-ce que vous n’avez pas compris dans « j’appelle, vous décrochez » ? grogne la voix irritée d’un homme.

— Euh, excusez-moi, j’étais déjà en communication, je mens dans l’espoir de le faire baisser d’un ton.

— Et avec qui ?

— Ceci est confidentiel monsieur, je formule d’un ton ferme.

— Si la conversation était avec ce même téléphone que vous tenez dans la main, sachez qu’elle ne peut pas être confidentielle, puisque cela concerne votre travail et que je suis votre patron.


Ah purée de pois ! C’est le mec du cabinet !


— Vous avez perdu votre langue ? ironise-t-il constatant mon absence de réponse.

— Je suis désolée. Que puis-je faire pour vous ? je tente de poursuivre, faisant semblant de ne pas avoir entendu son pic.

— Qu’est-ce que vous faisiez pour mettre autant de temps à répondre ?


Mais il me gonfle lui ! Qu’est-ce que cela peut lui faire ?


Mes amies me mettent souvent en garde contre mon impulsivité, qui selon leur dire, me jouera des tours un jour. À mon grand désespoir, je dois leur donner raison. J’ai beau le savoir et tenter de contrôler certaines de mes réactions, parfois, c’est beaucoup plus fort que moi. Surtout lorsqu’on me donne des ordres ! Je n’aime pas me faire commander de façon directe. Consciente des tâches à accomplir dans mon boulot ou ailleurs, je trouve inutile qu’on me les précise. À mon sens, ce genre d’attitudes marque un manque de confiance en ma personne. Ma mère me décrit comme un électron libre et je l’assume tout à fait.

Le problème dans la vie professionnelle est effectivement les ordres donnés par les patrons. Tôt ou tard, il y a un moment donné où il m’ordonne quelque chose qui me sort par les trous de nez. À ce moment-là, je prononce une énormité ou leurs quatre vérités pour leur clouer le bec. La conséquence de cette délivrance est la libération du poste que j’occupe. Marc est le seul, pour le moment, à me supporter, pauvre de lui.

Pour ce travail d’assistante, il faut croire que ce sera plus tôt que tard. Sans n’arriver à me contrôler, les mots sortent de ma bouche pour formuler cette phrase qui risque de causer ma perte. Penser très fort aux trois mille euros que doit m’apporter ce travail, ne change rien à la situation.


— J’étais aux toilettes en train de faire caca. Voilà, vous êtes content ? Cela vous rassure que mon transit se porte à merveille de si bonnes heures ? Bon, et maintenant, que puis-je faire pour vous monsieur Masson ? je grogne d’un ton mordant.


Je suis peut-être allée trop loin sur ce coup !?


— Je voulais vérifier avec vous que vous aviez réussi à prendre en main les logiciels, s’explique-t-il après un temps de silence.

— Euh, oui, je pense que je devrais m’en sortir, merci.

— Bien. Claudine m’a signalé que vous travaillez à mi-temps à côté et m’a transmis vos horaires. Du coup, j’essayerai de prendre un maximum les appels pendant votre travail. Au-delà, je vous laisserai vous en charger. Cela vous convient ?

— Oui, oui, c’est gentil de votre part. Je ferai mon maximum pour être à la hauteur.

— Bien, je vais vous laisser partir travailler, et vous rappellerai ce soir pour faire un débriefing avec vous.

— Très bien, pas de soucis. Bonne journée à vous.

— Merci à vous aussi.


Sans plus de cérémonie, nous raccrochons. En avisant l’heure, je constate que je ne suis pas vraiment en avance. Il va falloir pédaler un peu plus vite pour le coup !

La matinée se déroule sans accros. Les clients sont souriants et agréables, certains laissant même de petits pourboires. Monsieur Masson tient sa promesse et je ne reçois pas d’appel. Par contre, l’après-midi est beaucoup plus mouvementée. Le téléphone n’arrête pas de sonner pour fixer des rendez-vous ou en déplacer d’autres. Je me vois tenter de répondre à des questions auxquelles je n’ai pas de réponse. Ayant peur d’être maladroite dans mes formules, la rédaction de mail me prend un certain temps également. Le temps me file entre les doigts sans réussir à le retenir pour accomplir sans stress toutes ces tâches.

Comme convenu, il me rappelle vers 19 h pour faire un point sur la journée. Son côté chaleureux ne l’étouffe pas, toutefois, il est moins agressif. Regardons les choses en face, après ma réplique de ce matin, je vais m’estimer heureuse d’avoir toujours le poste !

Lorsque je raccroche, mon frère fait enfin son retour. Le teint rayonnant de bonheur, je ne peux que constater les bienfaits de son week-end entre potes.

— Salut sœurette ! Qu’est-ce que c’est ? demande-t-il en avisant le bazar sur la table.

— Salut frérot. Et bien le traîneau du Père Noël et ses rennes.

— Ah ah ! Je suis plié en deux tellement je ris. Non, mais sans blague. Qu’est-ce que tu fais ?

— J’ai un nouveau boulot !

— Quoi ? Ok, qu’est-ce que tu as fait encore à ce pauvre Marc ? s’exclame-t-il dépité à cette annonce.


Il se saisit de la montagne de manuel posée sur la chaise pour les mettre sur les papiers étalés sur la table, complétant ainsi encore plus le bordel qu’il y a dessus. Puis il prend place à mes côtés. Les sourcils froncés et l’air grave de son visage dénotent au calme de ses gestes. Dans un soupir de résignation, son dos vient s’affaisser contre le dossier. Observant son oeil inquisiteur, je le vois réfléchir à la manière d’aborder le sujet.

(à suivre...)


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