Fyctia

* Après une grande inspiration, j’ouvre la portière pour me diriger d’un pas lourd vers l’entrée. Depuis un mois, la cohabitation avec ma future ex-femme est très tendue. Chaque soir, j’ai donc l’heureuse surprise de découvrir l’accueil qui m’attend. Nous naviguons entre l’ignorance la plus totale et la colère la plus noire. Nous ne sommes pas d'accord sur les suite des événements.

Elle souhaite informer les enfants dès maintenant de la situation, mais j’insiste pour qu’ils passent un dernier Noël normal en famille. Ou du moins à peu près ordinaire vu les circonstances. Le sujet revient régulièrement sur le tapis, provoquant alors des disputes d'une intensité comparable à un cyclone de niveau cinq.

Je constate qu'après chaque conflit les enfants sont de plus en plus peinés. L'incompréhension et la tristesse peignent régulièrement leurs jolis visages enfantins, à mon grand regret. J'aimerais tellement pouvoir leur enlever la souffrance afin qu'ils restent dans leur monde de guimauve. Hélas, leur mère n'est pas du tout du même avis pour le moment. Le sera-t-elle un jour ? Je ne mettrais pas ma main à couper sur ce coup.

À peine les portes franchies, qu’un boulet de canon blond me percute avec force les jambes suivit d’un deuxième.

Eh bien, au moins, il y en a deux sur quatre qui sont heureuses de me voir, c’est un bon score !

Je commence alors une série de chatouilles entraînant leurs rires cristallins. Entendre les éclats de joie de mes enfants me font un bien fou. Avec du recul, il est vrai que la maison ne transpirait pas la joie de vivre ces derniers temps.

Rose, du haut de ses six ans, a alors l’idée de contre-attaquer, imitée par sa sœur Lucie de quatre ans sa cadette. Je me retrouve allongé dans l’entrée, l’une sur le ventre, l’autre sur mes jambes pour s’attaquer à mes pieds. Soudain, sa voix claque comme un coup de sifflet, rompant alors notre bulle de bonheur.

— Puisque tu es enfin rentré, j’y vais. On m’attend, annonce-t-elle sans me regarder.

— Tu vas où maman ? demande Rose.

Merci ma puce pour cette question qui ne pouvait franchir mes lèvres. J’aime leur naturel dans ces moments-là !

— Je dois rejoindre une amie, on fait une soirée, répond-elle du bout des lèvres tout en fouillant dans son sac à main.

— Vous faites une pyjama party ? Tu ne dors pas ici ? réplique-t-elle en avisant le bagage que Sonia tient dans la main.

Ma fille fera un super détective, j’en suis sûr. Si en temps normal, son amour pour toutes genres de questions, sans aucun rapport entre elles, me gonfle religieusement, à cet instant, je la bénis !

Brave fille à son père !

— Eh bien, non, effectivement. Je viendrai vous chercher demain à l’école comme d’habitude. Allez, je file, je vais être en retard, s'exclame-t-elle après avoir mis la main sur ses clés de voiture.

Sans un mot ni un geste de plus pour ses enfants, elle tourne les talons et franchit la porte d’entrée, son bagage à la main. Je reporte mon attention sur mes filles. Elles sont le portrait craché de leur mère à la seule différence qu’elles ont hérité de ma chevelure dorée. Leurs grands yeux marron en amande se teintent alors de déception et leurs sourires s’effacent face à ce manque d'intérêt venant de leur mère.

Voulant leur changer les idées, je les prends chacune dans mes bras afin de me diriger vers la cuisine avec mon chargement. Un paquet de chips entre les mains, je retrouve mon fils ainé déjà attablé. Avisant l’heure, je confisque le sachet, lui arrachant alors des protestations.

S’ensuit la préparation du repas. Soyons honnête, je ne suis pas le plus grand cuistot que porte cette terre. J’ai d’autres qualités, mais certainement pas celle-là. Comme mes enfants ont décidé de se chamailler ce soir, je passe mon temps à négocier afin de trouver un plat qui contenterait tous les estomacs.

Il est 21 h lorsque j'arrive à endormir mes deux filles. Après cinq histoires et deux bagarres de chatouilles, que j’ai remporté, j'en suis arrivé à bout ! Je glisse ensuite ma tête dans la chambre de mon grand pour lui demander d’éteindre la lumière. Du haut de ses seize ans, j’ai l’impression que le monde n’est pas le même et qu’il est plus simple d’y vivre. Parfois, j’aimerais de nouveau avoir son âge, rien que pour retrouver ma part d’innocence. Même si pour lui la réalité commence à lui tomber sur le coin de la figure avec le futur divorce de ses parents.

Je vois bien que toute cette situation le perturbe. Malgré toutes mes tentatives pour le faire extérioriser, il se referme de jour en jour, et je n’aime pas cela. Il s’isole régulièrement, rompant le dialogue qui nous liait avant. Notre complicité me manque terriblement.

Comme tous les soirs depuis maintenant plusieurs semaines, je me retrouve donc seul, sans ma femme, pour le restant de la soirée. Je ne suis pas dupe. Je suis conscient qu’elle est allée le retrouver. Cette pensée me brise le cœur un peu plus à chaque fois. La forcer à rester ? A quoi bon. Une nouvelle dispute éclatera de nouveau. L'obliger à honorer son rôle de mère ? Je l'ai déjà constaté son manque d'intérêt pour eux à plusieurs reprises. Chaque fois, les enfants ressortent triste et malheureux. Alors à quoi bon !

Au départ, j’ai essayé de recoller les morceaux en faisant beaucoup d'efforts, mais j’ai très vite compris qu’elle ne le souhaitait pas. Une hâte anime son être depuis plusieurs mois : partir et tirer un trait sur notre famille.

Lorsque je monte pour me coucher, la porte de ma chambre bute sur quelque chose. Une fois la lumière allumée, je m’aperçois qu’un tas de carton est empilé dans la pièce.

OK ! Eh bien, elle n’a pas perdu de temps à ce que je vois !