Mapetiteplume Joyeux Noël Clara Benjamin (1/2)

Benjamin (1/2)

Un mois plus tôt


Assis dans mon fauteuil face à la baie vitrée de mon bureau, un verre de scotch dans la main droite et une cigarette dans la gauche, je regarde le spectacle que m’offre à cette heure tardive la ville. Elle a revêtu ses plus beaux apparats afin de célébrer cette période de l’année que tout le monde aime : Noël et la Saint-Sylvestre. Nous sommes le vingt-trois novembre, pourtant beaucoup de monde a déjà commencé ses achats de Noël. Tous les magasins ont déjà décoré, comme il se doit, leur vitrine et renfloué leur stock afin d’être prêt pour ce gros raz de marée humaine.

Je dois vous accorder qu’avec toutes ces lumières, sapins et guirlandes en tout genre, la ville est vraiment très belle et féerique pour toute personne qui se berce dans l’illusion d’une vie parfaite. Pourtant, de mon point de vue, cette période est la pire de l’année. Je la déteste de par ce qu’elle inspire aux gens, mais aussi pour ce qu’elle nous fait subir. Il a été prouvé statistiquement que le mois de décembre compte le plus de décès et de demande de divorce.

Vous me direz, de quoi je me plains, c’est mon gagne-pain !


Dans un sens, ce n’est pas faux. Pourtant, quand vous prenez le temps d’analyser ces données, tout cela me laisse perplexe sur la qualité des relations humaines, encore lorsque la situation vous concerne.

Tel un gosse une journée d’été regardant une colonie de fourmis vivre, je n’arrive pas à m’arracher de cette contemplation. Je ne pourrai déterminer depuis combien de temps exactement j’observe cette petite fourmilière aller et venir dans tous les sens.

C’est assez fascinant de voir les comportements humains. Lorsqu’on s’y attarde un peu, on constate très vite, que les mammifères que nous sommes sont loin d’être les animaux les plus civilisés que porte notre terre. Tout le monde trace sa route sans se préoccuper de son voisin, mais en priant son for intérieur que personne ne s’immisce dans sa propre vie. Loin donc de la solidarité et de l’entraide de certaines espèces. Malheureusement, mon métier me le prouve chaque jour que Dieu fait.

Mon cabinet d’avocat se situe en plein cœur de Bordeaux sur la place des Grands Hommes, face à cette gigantesque bulle de verre qui me fascine toujours autant après tant d’années. Nous sommes trois associés et amis depuis nos études pour diriger d’une main de fer nos bureaux. Nous avons tous la trentaine, mais je suis le seul marié de la bande.


Enfin plus pour très longtemps, mon gars !


Après six ans de travail acharné, notre réputation n’est plus à prouver. Nous avons tous les trois chacun nos spécialités. Philippe est notre avocat des affaires, Marie s’est prise de passion pour le pénal et quant à moi, je m’occupe des affaires civiles. Je me suis spécialisé dans les divorces et ma chère femme veut divorcer. Tout est là, dans l’ironie de ma situation !

Depuis cet été, il faut bien l’avouer, nous avons entamé la pente descendante à pic d’un grand huit. Petit bémol : l’absence de rails droit devant nous ! Le crache a eu lieu le jour de notre anniversaire de mariage : le vingt-six octobre.


Comme dirait certain : « La boucle est bouclée ». Comment mon couple en est arrivé là ? Je n’en ai pas la moindre idée !


Dans ma tête, je repasse tous les moments passés ensemble sans réussir à déterminer à partir de quel instant tout à déraper. Je pensais que nous étions dans une allure de croisière, mais je n’ai absolument pas vu le petit caillou posé sur le rail. Il est vrai que nous nous sommes mis en couple très jeune avec Sonia, pourtant, il me semblait que nous avions réussi à évoluer ensemble dans le même wagon. Je ne l’ai littéralement pas vu sauter du train au dernier arrêt. Un goût amer me reste dans le fond de la gorge.

Un toquement à la porte me tire de mes réflexions. Sans patienter, la personne fait son entrée, m’indiquant par ce fait l’identité de celle-ci. Lorsque je me retourne, je découvre comme prévu ma secrétaire sur le pas de la porte. Son manteau sur le dos, son bonnet bien visé sur la tête, son sac à main sur un bras et son écharpe sur l’autre, elle m’observe comme une mère le ferait avec son enfant.

Du haut de ses soixante et un ans, Claudine reste une belle femme très féminine qui a su retarder les traces du temps sur son visage. Ou est-ce génétique ? Je ne sais pas, je n’ai jamais rencontré de membre de sa famille jusque-là. Cette femme est un amour. Toujours là de bonne heure le matin, ne comptant pas vraiment les heures supplémentaire, sans jamais quitter son sourire.

Parmi nous depuis cinq ans, je voudrais qu’elle parte pour rien au monde. Elle est devenue comme notre mère de substitution pour tous les trois.


— C’était juste pour vous dire que je vais rentrer chez moi. Vous devriez en faire de même monsieur, si je peux me permettre, commente-t-elle.

— Qu’est-ce que j’ai déjà dit Claudine ? Je crois que depuis le temps qu’on se connaît maintenant, tu peux me tutoyer, je la réprimande doucement tout en avisant l’heure sur ma montre qui affiche déjà 19h.

— C’est vrai. Il faut que je m’y fasse, c’est tout ! Les habitudes ont la vie dure comme on dit.

— Ce n’est pas une boîte à gros mots que je vais instaurer, mais une boite pour le « vous » si cela continue ! je la charrie en lui souriant. Allez, je vais écouter ton conseil et te suivre, je poursuis en buvant d'une traite le reste de mon verre. Bonne soirée, à demain.

— À demain, bonne soirée également.

— Sur ce dernier point, je ne mettrais pas ma main à couper ! je soupire.

— Tout va bien se terminer, Monsieur Masson. Pardon Benjamin, se corrige-t-elle après mon regard désapprobateur.

— J’aime ton optimisme à toute épreuve !


Elle tourne les talons sans fermer la porte de mon bureau pour se diriger vers l’ascenseur. Ce matin, j’ai promis aux enfants de ne pas rentrer tard pour une fois. Sans plus tarder, j'écrase ma cigarette et enfile mon manteau avec une écharpe. Pour une fois, je ne me charge pas les bras de travail et file donc vers le parking privé de l’immeuble.

Il ne me faut que quinze petites minutes pour arriver devant mon domicile dans le quartier Caudéran. Ma maison se situe à quelques rues du parc Bordelais, me facilitant ainsi énormément la vie pour mon footing hebdomadaire. Je reste quelques minutes à regarder cette bâtisse qui a, pendant plusieurs années, abritée ma famille et mon amour.

Il m’a fallu des heures de travail acharnées pour pouvoir payer ce refuge aux miens. Inspiré des villas du sud de la France, la façade est blanche et les tuiles du toit sont en terre cuite. Manque de place sur le terrain, nous l’avons construite sur un étage, afin de garder des espaces intérieurs très grands et aérés. Sans compter notre terrasse, l'ensemble de l'habitation s'étend sur deux cents mètres carrés en total. Malgré notre situation géographique, nous avons également un terrain de taille moyenne à l’arrière de la maison.


Allez, quand faut y aller !


( à suivre...)

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35

35 commentaires

Sofia77

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Il y a une heure

ton écriture est fluide mais je le savais déjà ce n'est pas la première fois que je te lis ☺️ l'ambiance est installée. Et on apprend a connaître l'entourage de Benjamin.

Bérengère Ollivier

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Il y a 6 jours

OK, chapitre immersif, bien posé. J'adore Claudine, Elle apporte une touche chaleureuse et complice qui contraste avec l’humeur sombre de Benjamin. Par contre lui, je ne suis pas encore sûre de l'apprécier. Lorsqu’il évoque son couple, tu peux peut-être préciser en quoi Sonia s’est éloignée. Pour l’instant, on comprend qu’il a été pris de court, mais il serait intéressant de semer quelques indices sur les raisons de la rupture. Hâte de voir la suite ! 😊

Mapetiteplume

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Il y a 6 jours

La réponse va arriver ☺️

Emilie Hamler

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Il y a 9 jours

Un bon chapitre frustrant ces 7000 caractères 😂

Mapetiteplume

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Il y a 9 jours

Carrément frustrant surtout quand c est pas écrit en fonction de cela🤣

Bérengère Ollivier

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Il y a 6 jours

Story of my life sur Fyctia

Natia Kowalski

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Il y a 11 jours

Un chapitre qui nous en apprend plus la situation du prologue, j'adhère !
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