Angelina buchi Joyeuse Cocue Chapitre VI 1ère partie

Chapitre VI 1ère partie

Installée dans le fond de mon siège, je m'égare sur le tarmac. Mes yeux fixés sur le bout de piste, je tente de mettre autant de distance avec mon futur ex-mari sentimentalement que physiquement. Ma jambe prise d'un élan nerveux ne cesse d'émettre de petits tremblements qui semblent agacer la voisine du rang opposé. Le regard assassin que je lui adresse annihile toute envie de jugement et finit par reporter son attention sur les pages de son magazine.


Tout m'insupporte, tout m'horripile et je ne laisserais plus jamais un seul individu se permettre un quelconque avis sur ma personne ou sur ce que je décide d'entreprendre. Auxane la gentille s'est fait la malle emportant avec elle ce qui restait de niaiserie stupide que j'alimentais quotidiennement en rêvassant dans une pseudo magie de Noël. À croire que quelques guirlandes qui clignotent et un chocolat chaud rendent tout plus beau, plus merveilleux.


C'est sur ce dernier élan de rébellion que fleurit l'idée salvatrice de rendre la monnaie de sa pièce à mon ex.


Ses mots et son toupet concernant les voitures, cadeaux de mariage de mon propre père, m'encouragent à sauter le cap, celui que je n'aurais sans doute jamais pensé à franchir un jour, celui de la vengeance. Sourire carnassier aux lèvres, je rédige quelques instructions à mon ami Diego avant d'éteindre mon portable et plonger dans un sommeil de demi-conscience, celui où tu as besoin de te reposer, mais que tu n'as pas pleinement envie de lâcher prise. Non pas que j'ai peur en avion, mais être entouré d'étrangers dans un engin qui vole pendant sept heures n'aide pas à la décontraction. Aussi je reste en alerte, je sens les va-et-vient incessants et casse-pieds des passagers, les chuchotements, les diverses interventions de l'hôtesse de l'air... Si bien que lorsque l'appareil se pose enfin, je n'ai pas l'impression d'avoir vraiment dormi.


Mon esprit encore légèrement vaporeux reprend tous ces sens à la perception de la température glaciale extérieure. Si j'ai chargé ma valise en habits chauds et douiller, il ne m'est pas venu à l'idée d'en avoir à portée de main. Le froid me pique les doigts lorsque ces derniers s'appuient sur la barre métallique des escaliers.


Je descends les marches à la hâte quitte à bousculer un peu les touristes qui s'extasient sur tout et n'importe quoi pour regagner la chaleur de l'aéroport au plus vite.


J'amorce un regard circulaire vers la foule qui s'agite en tout sens dans une tentative de rencontrer le visage familier de ma sœur ou de mon beau-frère qui reste vaine. Après de longues minutes à attendre ma valise face à ce tapis roulant, je l'arrache avec force quand elle se présente à moi, l'ouvre à même le sol devant des usagers médusés. J'en extirpe une veste duveteuse que j'enfile malgré la température agréable du terminus, m'affale sur le premier banc de chaises libre que je trouve. Le temps s'égrène sans que personne ne daigne se montrer, j'en déduis que ma présence si demandée soit-elle par les membres de ma famille, on m'a bel et bien oublié.


Je rallume mon téléphone et grimace à la lecture de son message m'avertissant qu'ayant dû parer à une urgence, elle ne serait pas en mesure de venir me chercher. Elle conclut en se confondant en excuses et m'encourage vivement à prendre un taxi ne sachant quand elle sera disponible. Décidément, j'ai la vague sensation que ce séjour se présente dans la continuité du triste quotidien que je tente de fuir. La mine renfrognée, je hèle la première voiture que j'aperçois et m'engouffre dans l'habitacle. Là encore, je trouve mon chauffeur d'une extrême lenteur et m'interroge ce qui peut bien lui demander autant de temps pour poser une valise dans le coffre. Forte de ma mauvaise humeur, je lui lance un regard assassin lorsqu'il me rejoint et lui agite sous le nez l'écran de mon smartphone indiquant l'adresse de ma destination.


Boudeuse que l'on ne se donne pas la peine de m'accueillir avec un minimum de chaleur et enthousiasme, je m'enfonce dans le siège et rabats ma capuche sur la tête. Le trajet dure une plombe, j'ai l'impression que mon chauffeur tient le volant avec ses pieds et je me pèle le cul. Quand il me délivre enfin ce cet enfer, je lui glisse les billets et saute sans demander mon reste. Ma valise est négligemment déposée à mes côtés, le visage légèrement inclinée sur la droite, je prends la mesure de l'immensité de l'acquisition de ma sœur. Si j'ai toujours été connue dans ma famille pour mon tempérament enjoué et un brin excessif pour les fêtes de fins d'année, il en est de même pour Loreleï et son amour immodéré des maisons. Aussi la gigantesque bâtisse qui me fait face et qui pourrait bien accueillir toute une équipe de foot et sans doute même l'équipe adverse ne me surprend pas.


Après avoir soufflé de lassitude devant cet étalage de richesse, je farfouille derrière les pots de fleurs comme indiqué à la fin de son message pour trouver les clés. Une nouvelle fois, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Le trousseau à lui tout seul doit peser trois kilos. C'est ridicule, il ne pourrait même pas tenir dans ma poche. Ça va de la petite peluche, au gros minet en plastique, en passant par un écusson de Gryffondor, c'est un monstrueux capharnaüm de babioles.



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