Fyctia
Une surprise de taille !
(Jadelin Micassan)
Alors qu’un DJ s’est mis en place, les premières notes s’égrènent dans une belle invitation à s’amuser. Certes, il n’est pas évident de passer d’une telle vidéo à des pas de danse, mais petit à petit tout le monde vient se défouler sur la piste. Il faut dire que les tubes des années 80-90 fonctionnent toujours très bien. La preuve, c’est que même Mallaury semble s’éclater avec son frère et leurs amis. Je ne vois en revanche pas Clarisse. Où est-elle encore passée celle-ci ? J’espère qu’elle n’est pas allée picoler toute seule dans le parc. Mais apparemment, je ne suis pas la seule à la chercher puisque je vois Cyril se diriger d’un bon pas vers l’extérieur. Bon, s’il s’en occupe, alors c’est bon, je reste avec mes parents.
Ce soir je n’ai pas envie de danser, je sais qu’à tous moment la soirée peut s’interrompre et je ne reverrais pas mes darons d’un long moment. Alors que nous étions si proche avant ce départ en camping-car, ce qui me fait le plus mal, ce n’est pas l’éloignement physique car ça, nous en avions l’habitude quand j’étais aide-ménagère dans l’Ardèche. Non, ce qui est le plus pénible, c’est le fait de ne pas pouvoir s’appeler pour discuter. Ma mère et moi n’avons jusqu’à ces derniers jours, jamais passé 24h sans se parler au téléphone et c’est quelque chose de très dur pour toutes les deux. Ma Moumoune comme j’aime la surnommer, c’est à la fois ma génitrice mais aussi ma meilleure amie et ma confidente. Alors oui, ce soir nous avons plein de choses à nous raconter sur notre quotidien.
– Comment ça se passe avec Justin ?
– Ça va !
– Qu’est-ce qu’il y a qui cloche ? Ça fait trois fois que je te pose cette question dans la soirée et tu choisis toujours la même réponse monocorde pour me répondre. Donc je te connais assez pour savoir que cela cache quelque chose !
– Qu’est-ce que tu veux que cela cache ?
– Tu es toujours amoureuse de lui ?
– Maman ! Qui t’as mis une idée aussi bête dans la tête ?
– Je te rappelle que tu me l’avais avoué !
– J’avais 15 ans. Depuis, y a de l’eau qui s’est écoulé sous les ponts !
– Qui a coulé sous les ponts ! me rectifie-t-elle par réflexe. Pas quand c’est le premier amour. Insiste-t-elle.
– Premier amour c’est vite dit ! Ce n’était pas réciproque ! En plus, après il a perdu sa mère puis sa Mélicia s’est chargée de faire du nettoyage dans sa vie !
Soudain, se dresse devant moi le héros de notre discussion. Mais là, il semble inquiet et je comprends vite pourquoi.
– Jadeline, tu peux venir s’il te plait ? Mallaury ne se sentait pas bien. Je l’ai donc emmenée dans sa chambre mais à peine à l’intérieur, elle m’a fait un petit malaise vagal.
– Oui j’arrive tout de suite.
Puis me tournant vers ma mère je lui demande de nous envoyer Cyril quand il sera revenu.
Quand nous entrons dans la pièce, ce qui me frappe c’est le visage livide de la jeune femme. Elle est allongée sur le lit mais quand je veux lui retirer sa robe pour la mettre à l’aise, je découvre qu’elle est toute mouillée. Merde alors, elle s’est pissée dessus. Dans un même temps, elle semble avoir de grosses douleurs dans le ventre et se recroqueville sur elle-même.
Je me sens totalement impuissante et lui demande alors ses symptômes mais c’est Justin qui me les explique.
– Nous étions tranquillement en train de danser quand elle a perdu l’équilibre. Je l’ai rattrapé de justesse. Là, elle m’a dit avoir la tête qui lui tournait avec des nausées. J’ai pensé qu’entre son nouveau régime et le fait de s’être ainsi démenée… Mais d’un coup elle a été prise de malaise. Le temps que je la couche elle s’est mise à avoir super mal au ventre. C’est pour ça que je t’ai fait venir…
– Tu as bien fait ! Merde alors, serait-ce une crise d’appendicite ?
Mais il n’a pas le temps de me répondre que Mallaury se met à hurler de douleur.
Bon sang, j’estime que nous n’avons plus une minute à perdre, je m’empare alors de mon téléphone et compose le 15 du Samu. Là mon premier interlocuteur me demande l’état civil de la malade et la raison pour laquelle j’appelle avant de me passer un médecin.
Mais comme Mallaury se remet à hurler, je m’éloigne un peu pour décrire la situation à ce connard qui ne trouve rien de mieux à me répondre qu’il faut qu’on la leur emmène nous-même.
– Nous n’avons pas de voiture, sinon croyez-vous que nous vous aurions appelé et je vous signale qu’elle souffre énormément au point de hurler…
Mais ce dernier n’en démord pas et je finis par raccrocher de guerre lasse.
Eloignant le frangin, je décide coûte que coûte de déshabiller Mallaury afin qu’elle soit plus à l’aise puis ensuite je la couvrirais. Mais quand je parviens à lui ôter sa robe, et sa culotte trempée, elle se remet à hurler et sous mes yeux incrédules, je vois poindre entre ses cuisses, une petite tête.
– Merde mais tu accouches !
– Non ce n’est pas possible, j’ai toujours eu mes règles et aucun symptôme…
J’appelle alors Justin :
– Rappelle le Samu et quand tu leur auras donné l’identité de ta sœur précise que la première fois on nous a envoyé sur les roses mais que cette fois-ci on a besoin des pompiers car ta sœur est en train d’accoucher.
Sur le coup, je crains qu’il ne tombe lui-même dans les pommes tant sa réaction est vive. Je comprends que lui aussi n’avait vraiment pas pensé à ça ! C’est livide, qu’il repart avec mon téléphone.
Mais déjà la future mère souffre d’une nouvelle contraction… cette fois je suis là pour aider le petit à s’extirper d’entre les jambes de sa mère. Mon Dieu je suis toute retournée quand j’ai cette si petite chose dans les mains. Des larmes roulent sur mes joues… Je ne sais même pas si c’est de joie ou de peur. C’est la première fois que j’assiste en direct à un accouchement. Mon Dieu, pourquoi ce petit ne pleure-t-il pas ? Que faut-il faire ou ne pas faire ? J’essaie de me souvenir des films que j’ai vu, s’il y avait une telle situation… mais non !
Au fond de moi, mon cœur appelle au secours. Non ce petit être sans défense ne peut pas être mort-né ou mourir maintenant… Que dois-je faire ? Une terrible pression m’enserre la poitrine au point que je n’arrive même plus à respirer moi-même. Je ne me préoccupe plus de la maman. Le devenir de ce bébé est sous ma responsabilité et je n’ai pas le temps de paniquer.
Ce petit être tout sanguinolent se met à remuer lentement avant d’émettre un tout petit son. Ouf je suis tellement contente… Je le dépose alors précautionneusement sur la poitrine de sa mère avant de me précipiter dans la salle de bain. Là je m’empare de toutes les serviettes propres mises à disposition et revient en courant. Je commence à couvrir les jambes de Mallaury puis je reprends le nouveau-né et tente de l’essuyer le plus doucement que je peux avant de le reposer contre sa mère. Je les couvre alors tous les deux, en prenant soin de ne pas étouffer ce petit gars.
Quand maman rentre dans la chambre, c’est plus fort que moi, je me précipite à sa rencontre et éclate en sanglot.
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