Fyctia
Un remède de taille
(Clarisse Sillon de Picodon)
Je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai accepté de suivre Simonella dans un tel lieu. Je suis moi-même déjà au fond du trou alors pourquoi aller voir tous ces pauvres animaux abandonnés ? Croit-elle vraiment que cela ne va rien me faire ? A-t-elle l’intention d’adopter elle-même un chien ici ? Perso, je la verrais davantage avec un serpent. Ce serait davantage son style je crois. Bref, dès les premiers pas ici, je regrette de n’avoir pas fait comme Mallaury.
Je ne critique absolument pas ni la propreté, ni le fait que ces pauvres animaux sont nourris et soignés. Mais les pauvres, toute la journée dans un box… ils me font mal au cœur. Ça me brise le cœur de voir tous ces chiens sans famille. Petit à petit, j’ai une boule qui se forme au creux de mon estomac et qui me remonte dans la gorge. Mes yeux s’humidifient à la vue de ce Husky qui me regarde avec de tels yeux. Je sens au plus profond de moi qu’il ferait n’importe quoi pour que je l’adopte. Mais moi que pourrais-je lui apporter pour son bien ? Je dépends encore de mes parents jusqu’à ma majorité et après ? Parviendrais-je seulement à me trouver un petit boulot afin d’avoir mon propre chez moi ? Et ce n’est pas dans 30 m² qu’une telle race peut vivre. Tandis que Simonella, consciente d’avoir peut-être fauté en venant ici, tente de me tirer par la manche, je le regarde une dernière fois et tente de lui faire passer un message par télépathie. « Je te promets qu’à la fin de mon tour de France, je reviendrais et si tu es toujours là, alors je t’adopterais. ». En retour, tout en remuant la queue, il s’approche encore un peu plus près et passe un coup de langue dans le vide. Je prends ça pour un geste d’affection de sa part.
Je sais ce certains me prennent pour une dingue. Mais je m’en fou, moi je crois très fortement au pouvoir du langage entre un chien et son maître. Il y a quelques années, j’avais lu un livre super intéressant à ce sujet. C’était une époque où je rêvais de prendre un chien à la maison. N’ayant ni frère et sœur, ni ami, je pensais que ce compagnon à quatre pattes aurait pu m’apporter un peu de soutien et d’amour. Mais voilà, ma daronne déteste les animaux. Comme elle me l’a répété à longueur de temps, « ça salit, ça pu et ça coûte cher ! ».
Une fois j’ai acheté un simple petit poisson rouge dans un aquarium. Pas un bocal car j’avais lu que les obligeant à tourner en rond dans leur eau c’était mauvais. Mais celle qui ne pénétrait jamais dans ma chambre avait dû sentir quelque chose d’étrange. A peine quelques semaines après mon adoption, elle est entrée chez moi sans frapper, à cherché du regard la preuve d’une quelconque faute et dès qu’elle l’a vu, ni une, ni deux, elle a pris mon aquarium et a jeté mon Simon dans les WC, prenant bien soin de tirer la chasse pour que je ne puisse pas le sauver. Pour certains ce n’était qu’un vulgaire poisson mais pour moi c’était avant tout un animal et il ne méritait pas de faire les frais de la méchanceté de cette femme ! Et puis il était devenu mon ami, mon confident ! Oui je sais c’est désuet d’en être réduite à parler à un poisson rouge… Je ne l’ai jamais oublié ! Depuis ce jour, je n’ai plus jamais cherché à adopter un autre animal. Je ne voulais surtout pas qu’il lui arrive quelque chose de semblable. C’est à partir de ce jour que j’ai commencé à m’acheter des petites fioles de liqueur pour adoucir mes journées.
– Clarisse, qu’est-ce que tu as ? Mon Dieu je suis désolée, je ne pensais pas que cela allait te mettre dans un tel état de t’emmener ici. Au contraire, je pensais que plus tard, tu serais motivée à donner de ton temps pour cette cause. Je t’en pris arrête de trembler et de pleurer. Regarde comme il te regarde ? C’est fou, on dirait qu’il a lui aussi les yeux mouillés!
Replongée dans mes néfastes souvenirs, je ne m’étais même pas rendue compte m’être figée puis une fois accroupie m’être mise à trembler très fortement tandis que mes larmes coulaient. Mon Dieu, mais comment je suis ? Dès qu’une émotion m’atteint, je ne parviens plus à me retenir et me mets dans tous mes états.
Soudain, un homme sans doute du refuge vient à notre rencontre.
– Je peux faire quelque chose pour vous ?
– Oui, je voudrais adopter ce Husky, c’est possible ?
– Si je peux me permettre, c’est ça qui vous met dans cet état ?
– Non, disons que je voulais lutter contre mon coup de cœur mais je n’y parviens pas.
– Vous avez de l’espace pour qu’il puisse courir, vous-même êtes sportive ? Car vous savez que cette race a besoin de beaucoup se défouler et ne pourra jamais vivre dans un appartement ? Ses précédents maîtres l’avaient prise sur un coup de tête. Elle a vécu ses deux premières années dans un 53 m² seule toute la journée avec un chat et un autre petit chien. Les maîtres bossaient et n’étaient jamais là. Petit à petit, elle s’est mise à leur faire plein de bêtises pour se défouler. Comme elle n’était pas assez quotidiennement sortie, elle urinait à l’intérieur et en retour, se prenait des coups de savates. C’est ce qui fait qu’elle est un peu craintive mais j’ai remarqué son attitude différente Mais vous comprenez que cela ne suffit pas !
– Oui, tout à fait ! Alors je vis dans un camping-car, donc de l’espace elle en aura à volonté et surtout je courre tous les matins. Voyez, j’ai ma coach avec moi.
A côté de moi, pour une fois, je vois Simonella très agitée. On dirait que comme ma mère, elle ne veut pas de cet animal mais quand elle croise mon regard, elle se radoucit.
– Vous étiez venues pour adopter un animal ? Vous auriez dû d’ores et déjà regarder sur notre site et…
– Non, non, à vrai dire, nous étions simplement venues vous faire un généreux don car je trouve très honorable ce que vous faîtes pour toutes ces bêtes. J’avais depuis longtemps l’intention de prendre un animal mais ne m’étais pas fixée une date. Pour moi c’est avant tout comme avec les humains, une histoire de contact. Ce n’est pas parce qu’on aime une race, qu’il faut absolument prendre un chien sans même le connaître. Je crois beaucoup aux coups de cœur ! Et avec …
Je m’approche plus près du panneau qui indique son nom et son âge et je découvre qu’elle s’appelle Jilda, née le 18 juin 2014.
… Jilda, cela en est un ! Oups, pardon, je ne me suis pas présentée : Je m’appelle Clarisse Sillon de Picodon.
- Euh… vous êtes de la même famille que le dirigeant de la célèbre entreprise de métallurgie ?
– En effet, je suis sa fille.
Etonnement, je sens tout de suite le changement qui s’opère dans le regard de cet homme. Pourquoi est-ce qu’on fait davantage confiance à des gens plein de fric plutôt qu’à d’honnêtes gens pauvres ? La loi de l’argent est impénétrable et j’ose croire que ce qui le fait ainsi réagir c’est avant tout le don que je peux leur faire.
Quoi qu’il en soit, quand il sort Jilda pour un premier contact, celle-ci se jette sur moi pour me faire des léchouilles.
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