Fyctia

(Clarisse Sillon de Picodon)

Décidément, je vais de surprises en surprises. D’abord le Papé qui obtient de moi que je fasse un serment quasi irréalisable après sa mort, et ensuite une femme qui s’improvise coach et me propose ses services. Je commence de plus en plus à me demander dans quel piège je suis tombée. A bien y réfléchir, cela pourrait tout à fait, s’avérer un coup monté de ma daronne !

Elle aurait payé un pseudo comédien pour qu’il joue le rôle du notaire et nous emmène loin d’elle. Evidemment, il aurait un nom d’emprunt. Cela expliquerait également pourquoi nous n'avons pas accès aux réseaux sociaux. Ainsi, aucune chance qu’on découvre son identité tout à fait par hasard de nos recherches. Il aurait pour principale mission de me remettre sur le droit chemin tout en me faisant croire que cette aventure aurait été façonnée par celui que j’ai le plus aimé. Ainsi, ils seraient presque assurés que j’accepterais. Et les autres seraient de mèche aussi ? J’en suis là de ma réflexion quand Jadeline suggère à Mallaury qu’elle aurait peut-être elle aussi besoin des services de Simonella. Puis avant de sortir avec les deux mecs, elle me fait un clin d’œil.

Merde, si elle aussi est dans la combine, elle est excessivement forte car lorsqu’elle m’a réconforté l’autre matin, cela avait l’air très sincère. Mais puis-je vraiment lui faire confiance ? A-t-elle vraiment connu mon grand-père ou est-ce un mensonge de plus ?

– Tu n’as pas l’air ravie que je reste. Tu veux que je m’en aille aussi ? m’interroge Mallaury d’une petite voix.

Et elle ? Pourtant à voir la surprise dans ses yeux lorsque Jadeline l’a clairement invitée à rester, cela ne semblait pas faire partie du scénario. Elle semble toute gênée. Voyons ce qu’elle a dans le ventre.

– Non, non, Jadeline a raison. Si toi aussi tu as besoin d’aide, il n’y a pas de raison que tu n’en profites pas aussi.

– Clarisse a raison. Mais si je dois devenir votre coach à toutes les deux, il faut qu’entre nous il y ait une confiance absolue. Je vais donc vous résumer mon parcours professionnel, et si besoin ai, je vous sortirais mes diplômes.

– Non, non, pas besoin de les sortir. Dis-je d’un ton détaché.

De toute façon, on sait très bien que de nos jours avec l’intelligence artificielle tout peut être créée de toute pièces. Alors ce ne seraient pas quelques bouts de papier qui me convaincraient de quoi que ce soit.

– Dès mon plus jeune âge, j’ai eu envie d’aider les autres. Mais à l’époque il n’y avait ni internet, ni tout ce qui vous permet, aujourd’hui de vous trouver une bonne orientation professionnelle. Soit les femmes restaient au foyer pour élever leurs enfants et faire une bonne épouse, soit elles étaient secrétaires, coiffeuses ou infirmières. Il y avait bien quelques autres métiers mais dans les années 70, c’était les hommes qui se devaient d’avoir un bon job et eux avaient le choix. Je suis donc devenue infirmière dans un hôpital puis à mon propre compte. Mais cela ne me convenait pas vraiment. J’ai donc rencontré les bonnes personnes qui m’ont conseillée. J’ai alors enchainé des formations en hypnothérapie, puis en magnétisme. J’ai ouvert un cabinet et en parallèle, j'ai continué à me former au fil des décennies. Je ne vais pas vous mentir, j’ai bien gagné ma vie. Mais au-delà de ça, ce qui me plaisait par-dessus tout c’était quand un de mes patients parvenaient à aller mieux, à vaincre une addiction ou une phobie, à reprendre sa vie en main.

Je sais qu’elle veut bien faire en nous relatant son parcours professionnel mais perso, moi je m’en tape et finis par ne plus écouter. J'ai beau essayer de croire à mon propre scénario, il demeure des incohérences. Si c'était vraiment un coup bas de ma mère, comment auraient-ils réussi à faire ces vidéos du Papé ? Je sais que désormais les escrocs parviennent à faire tellement de choses avec le numérique, mais quand même...

Soudain quand le mot « papé » arrive à mes oreilles, j’essaie de rattraper le fil de la conversation.

– C’est fou quand même ces coïncidences quand on y pense ! s’exclame Mallaury.

– C’est comme ça que l’on est devenu amis. Et chaque fois qu’il passait dans le coin, il venait profiter d’une petite séance…. Bon assez parlé de moi. Maintenant, chacune à votre tour, j’ai besoin de savoir ce que clairement vous avez comme soucis et ce que vous attendez de moi. Après je vous dirais si je peux vous aider ou pas. Qui se lance ?

– Moi je veux bien. Annonce la miss. Dans mon cas c’est simple, depuis le décès de notre mère, petit à petit j’ai pris du poids. Oh pas beaucoup au début mais petit à petit plus j’en ai pris et moins je pouvais faire du sport. Maintenant j’ai bien une quinzaine de kgs à perdre mais trop peu de volonté. Je n’ai aucune envie de me priver au niveau alimentaire, ni de me remuer dans tous les sens. Et puis surtout, quand on est seul, la motivation s’envole. Le regard de mon frère aujourd’hui, quand je ne parvenais pas à les suivre m’a vraiment fait mal.

Simonella hoche la tête avant de se tourner vers moi. Clairement elle m’invite à prendre la parole. Mais je n’ai guère envie de déballer mon mal être. Nous demeurons alors toutes les trois dans un silence de plomb pendant quelques minutes. Puis je finis par me lancer.

– Avec moi vous risquez d’avoir du boulot ! Car il faut que j’arrête l’usage régulier du cannabis, et de l’alcool. Je suis une grande nerveuse incapable d’aimer et d’être aimée.

– Très bien ! Vous m’avez donné vos addictions ainsi qu’une phobie mais je suis certaine qu’il y a encore en vous bien d’autres points. Voulez-vous en parler ?

– Non, non. Ça suffit pour le moment. Peut-être que si déjà vous débroussaillez mon cerveau, je vous en dirais davantage plus tard. Maintenant, je suis moi-même ok pour que vous soyez ma coach mais comment prévoyez-vous de faire ça ? Parce que pour le moment les téléphones qui sont en notre possessions sont bloqués. Nous n’avons pas nos propres smartphones, donc nous ne pourrons pas communiquer par ce biais-là. Ensuite comme nous allons beaucoup bouger, comment prévoyez-vous vos séances ? Tout ça me semble bien compliqué.

- Pas du tout ! Je vais vous suivre durant quelques temps : 3 semaines, trois mois... On verra comment vous évoluerez. Bien sûr vous vaquerez à vos activités et à côté de ça nous planifierons des tranches horaires pour nous. Il y aura des moments à trois mais aussi à deux ou même individuellement.

Mais là encore, je n’ai retenu qu’une chose : elle va nous suivre ? Cela veut-il dire que Simonella va également dormir dans notre camping-car ? Non mais là, ce n'est plus possible. Quel enfer !

- Ne t'en fais pas, j'aurais mon propre chez moi pour dormir. Ce ne sera que les repas que nous prendrons en commun !

Merde elle lit aussi dans les pensées ?