Fyctia
L'amitié ça se gagne
(Clarisse Sillon de Picodon)
Je crois que pleurer m’a fait du bien. C’est comme si je balançais loin de moi toutes ces mauvaises ondes qui me pourrissent la vie. Ma poitrine est un peu comme le cratère d’un volcan : à force de bouillonner, mon cœur a fait du lâcher prise.
Si j’avais cru qu’en demeurant cachée sous mes draps, je ferais se lasser Jadine, je dois reconnaître qu’elle est sacrément patiente. En effet, quand je finis par sortir ma tête de là-dessous, je trouve la jeune femme tranquillement assise à mes côtés.
– Ça y est, tu te sens mieux ? me demande-t-elle de sa douce voix.
– Je ne sais pas !
– Déjà, il faut savoir que cela arrive à tout le monde de craquer de la sorte. Et je comprends que pour toi cela soit plus compliqué encore car ici tout te rappelle ton Papé. Entre nous soit dit, je sais que cela part d’une bonne intention mais je ne sais pas si le fait de sans arrêt le voir va te permettre d’avancer. Tu comprends ce que je veux dire ? De nos jours, on a tous tellement l’habitude de s’envoyer des vidéos qu’avec un peu d’imagination on pourrait croire qu’il demeure quelque part et joue avec nous. D’un côté il ferait croire qu’il est mort et de l’autre, il participerait à ton aventure du siècle…
Ce qu’elle dit est si joliment pensé… J’aimerais tellement que ce soit vrai…. Sans même m’en rendre compte, mes larmes se sont remises à couler tandis qu’un terrible vide se creuse en mon moi profond.
– Non, non Clarisse, chui désolée, je ne voulais pas accentuer ta peine. Je ne sais pas ce qui m’a pris de te raconter ça, je m’excuse.
Je ne lui en veux absolument pas car elle essaie de me consoler même si elle n’y parvient pas. Toutefois je n’ai seulement pas la force de lui répondre. J’essaie de lutter contre cette nouvelle tempête de pleurs qui s’est présentée à moi.
Après un petit moment, j’entends quelqu’un d’autre monter dans la mezzanine. Bien sûr c’est Mallaury qui doit vouloir se reposer un peu dans son coin couchette. Mais non, puisqu’elle s’adresse tout de suite à moi.
– Je m’excuse Clarisse, si je me suis montrée trop franche. Mais tu sais, quand je t’ai vu avec tes cheveux si courts, tu m’as rappelé notre mère lorsqu’elle-même se battait contre sa leucémie. Cela a été tellement horrible pour moi que cela a dû raviver de mauvais souvenirs. Alors je suis désolée si mes paroles t’ont blessées.
Merde c’est la première fois que je réalise que je ne suis pas seule, ici, à souffrir. Décidément, Papé a fait de ce camping-car une arche de Noé à sa façon. J’essuie une nouvelle fois mes yeux et essaie de leur sourire. Si seulement quand j’étais à l’école, j’avais eu des copines comme elles pour m’aider à tenir, ma vie n’aurait sans doute pas été la même.
Au bruit que fait la porte du camping-car qui se ferme, je comprends que Justin est sorti.
– Au moins maintenant nous sommes entre filles. Reprends Jadeline d’un ton un peu plus fort. Tu sais, tout à l’heure, Justin n’a pas voulu être désagréable, c’est juste que du fait que nous ne pouvions pas nous installer à table pour déjeuner, ça a commencé à l’agacer. Mais te réveiller de la sorte, je pense que pour lui c’était juste de l’humour. Il n’a pas compris qu’il allait te faire bondir en l’air. Je pense qu’il a simplement cru que tu faisais la grasse matinée et que tu avais la flemme de te lever.
Effectivement, quand je me suis levée en colère non seulement j’avais oublié que j’avais délaissé ma perruque mais surtout, j’avais zappé le fait que la mezzanine les empêchait de profiter du coin salon. Merde alors. On a multiplié les bourdes.
– Moi aussi je m’excuse d’avoir réagit si violemment. Mumurè-je.
– Ne t’en fais pas, c’est déjà oublié. Allez, par contre, si tu veux nous faire plaisir, on va t’aider à te préparer et puis on descend déjeuner car mon estomac n’en peut plus. Me répond Jadeline.
– Allez, remet ta super perruque ! Celle-là je l’adore ! Enchaîne Mallaury avant de redescendre.
Heureusement que Jadeline m’aide car remettre ma perruque en ce lieu n’est clairement pas possible. Aussi me propose-t-elle de me rendre directement dans la mini salle de bain afin de faire ma toilette et au passage, remettre plus aisément ma coiffure rose, face au miroir.
Quand j’en ressors pomponnée, je découvre que Justin est revenu et tous semblent m’attendre, assis autour d’une table garnie d’un bon petit déjeuner. Certes, je n’ai pas assez dormi mais à cette vue, je ressens clairement une grosse faim.
– Viens vite déjeuner, qu’à midi nous avons un invité surprise ! m’annonce avec un clin d’œil le seul homme du groupe.
Un invité surprise ? Mais de qui cela peut-il s’agir, si ce n’est le notaire ?
Effectivement, Justin m’explique que Cyril Jiguin viendra manger avec nous avant que nous ne découvrions en sa présence, la seconde étape.
– Pourquoi vient-il ? Il ne pouvait pas tout simplement nous envoyer la nouvelle vidéo ?
Si je l’interroge davantage, c’est que je sens sur le visage du mec, quelque chose de différent. C’est comme s’il savait un truc mais qu’il veuille nous le cacher. Hélas, je ne peux en apprendre davantage car tous ont commencé à manger et je comprends que cela ne serait pas judicieux d’insister d’autant qu’un seul regard sur la pendule qui trône dans le salon m’indique qu’il est déjà 10h30.
Quand le notaire débarque, il est clair que je n’ai vraiment pas faim. Par contre je suis contente de savoir que sur mon visage on ne voit plus que j’ai pleuré. Merci au maquillage et à Jadeline qui m’a également bien aidé. Maintenant j’ai bien l’apparence de l’excentrique révoltée que j’aime. Par contre quand on passe à table, je suis dégoûtée de constater qu’il a apporté de bons gros croque-monsieur comme je les aime. Merde alors, simple coïncidence ou tentative pour m’amadouer ? Mais en ce cas-là, ça voudrait dire que monsieur en sait beaucoup plus sur moi que je ne le crois… Sujet à creuser !
En attendant, la gourmandise aidant, je n’ai pas trop de mal à me forcer pour manger le mien, qui s’avère très bon. En revanche, contrairement aux autres, je ne prends ni fromage, ni fruits. Une fois le café servi, je m’éclipse un moment pour fumer ma clope. Mais si je comptais demeurer seule, c’est raté car bientôt les autres me rejoignent avec leur tasse. Merde alors !
La conversation s’avère finalement assez légère et le temps passe rapidement jusqu’à ce que Cyril évoque un sujet tabou :
– Et pour la vidange, tu te sens près Justin ? Vous n’êtes pas trop gênés pour aller au WC ?
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Mapetiteplume
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DIANA BOHRHAUER
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Salma Rose
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La Plume d'Ellen
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Vana Aim
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