Fyctia
Première étape
(Clarisse Sillon de Picodon)
- Ah mince ! C’est vrai Jadeline, tu ne te sens pas bien ?
- Hélas oui. Y en a encore pour longtemps ?
- D’après le GPS, un petit quart d’heure mais je vais essayer de rouler plus doucement. La rassure Justin.
- Merci.
L’attitude du chauffeur commence à m’agacer. Je le trouve un peu trop décontracté par rapport à tout ça. Franchement si ma voisine de table se met à gerber de partout, il aura tout gagné. En attendant le frère et la sœur font la causette, tranquille, comme si à l’arrière tout allait bien.
- Attends, regarde, on passe à 12 km de Coucouron ! Ah il me plait bien ce nom ! s’exclame Mallaury
- Oui mais si on s’arrêtait partout où tu aimes bien les noms de communes, dans trois ans, on y sera encore. Lui répond son frangin en se marrant.
Je me décide donc à intervenir à nouveau car Jadeline semble au bout de sa vie. Et si elle ne dit plus un mot, en revanche sa pâleur parle pour elle.
- Je ne voudrais pas vous presser, mais on en est où, là ?
- Ça y est, on vient de passer le panneau de la commune.
- Je pense vraiment que cette fois-ci, il va falloir s’arrêter de toute urgence sinon ça va mal finir tout ça et vous vous démerderez à nettoyer.
- Ok, là-bas j’aperçois des places de parking, je vais m’y arrêter.
Mais à peine a-t-il fini ses manœuvres que Jadeline se rue dehors. Ouf, là je pense que l’on a eu chaud ! En effet, aux bruits qui parviennent à mes oreilles, nul doute qu’elle est en train de gerber. Mais quand machinalement mes yeux se portent sur le cadre de Papé, je vois celui-ci me faire un clin d’œil. Hurg quelle est cette connerie ? Pourtant maintenant que je le fixe à nouveau, je ne remarque rien d’anormal. Serait-ce mon esprit qui aurait disjoncté ? En tout cas, je me garde bien d’en parler aux autres. Ils me se moqueraient ou pire, me prendraient pour une dingue. En plus, je viens de me rendre compte que j’ai oublié quand je suis rentrée dans le camping-car, de vérifier que Cyril avait bien effectué le bricolage que je lui avait demandé. Je me décide donc à le contrôler dès maintenant, sinon ça va chier !
Voyons voir… Pour faire descendre la mezzanine, c’est ce bouton là… Allez plus vite ! Pff qu’est-ce que c’est long ce système ! Ah nous y voilà. Ouf, je remarque bien la tringle mise au plafond et ce rideau opaque noir qui sépare la mezzanine en deux. Comme dans la célèbre scène de Dirty Dancing, « ceci est ton espace, ceci est mon espace ». Quand tout est clair, il y a moins de soucis. Pour le reste, je vérifierais quand je grimperais ce soir là-haut. Hop, mezzanine tu peux retourner au plafond ! Tandis que je rappuie sur le bouton, celle-ci s’exécute. Bon si après le clin d’œil du Papé, je me mets à parler à une mezzanine, à ce rythme là je vais finir chez les fous !
Bientôt je me rends compte que le frangin et la frangine ont disparu. Où sont-ils tous passés ? Bon ben si chacun fait ce qu’il veut, pas de problème, je vais moi aussi m’aérer.
Dès les premiers pas, je constate qu’ici aussi c’est assez minimaliste. Jadeline s’est assise à terre et prend désormais l’air tandis que j’aperçois Mallaury rentrer dans l’unique boutique à deux cent mètres. Ma balade s’avère bien décevante car hormis suivre une route et longer des bâtisses bien ordinaires, je ne vois de folichon. Bon ben ça commence bien !
Pour me donner du courage, je sors de la poche intérieure de mon blouson, une petite vierge Marie. Vous savez, comme celles que l’on trouve à Lourdes. Sauf que la mienne contient un hydromel bien meilleur. Mais qui aurait l’idée de vérifier dans cette bouteille, ce que je bois ? N’ai-je pas l’aspect assez catho ? Et puis après tout, c’est également miraculeux ce que me fait ce liquide !
J’ai à peine le temps de boire une gorgée que les frangins me tombent dessus.
– Ah bon sang, mais qu’est-ce que tu fous ? On te cherchais partout ! me crie dessus Justin.
Et sa sœur d’en rajouter une couche :
– Et tu n’avais même pas pris ton tél !
– Ah oui ? Et vous ? Quand vous êtes sortis du camping-car, vous avez pris la peine de me dire où vous alliez ? Je me suis retrouvée toute seule et j’ai moi aussi j’ai eu envie de prendre l’air. Ça vous semble vraiment anormal ?
Je pense les avoir touchés car tous deux affichent un air surpris et la frangine tente de déculpabiliser :
– Euh… c’est vrai, tu as raison, nous n’avons pas pensé à te le dire à toi. Au début on était juste sorti pour voir comment allait Jadeline. Et puis quand on a vu qu’elle avait cessé de vomir, on a aperçu l’épicerie et on y est allé pour avoir des infos sur la commune. On avait donné l’info à la malade et on pensait que tu resterais avec elle.
– Bon ben maintenant qu’on t’a retrouvé, je suggère que nous retournions au camping-car et que nous finissions ce premier trajet. Mallaury, tu cèderas ta place à Jadeline. D’après le GPS, on est tout près maintenant. Allez go !
Décidément je n’aime pas quand Justin joue au grand chef. Mais bon, je ne dis rien car plutôt nous serons arrivés à notre premier emplacement, plus tôt je pourrais ranger mes affaires et aller me coucher. J’ai besoin d’un peu de paix !
Quand le camping-car redémarre, à l’arrière, Mallaury et moi nous asseyons dans le sens de la marche et regardons par la fenêtre. Si la route est toujours sinueuse, j’aime bien cette végétation. Cela me rappelle un peu les balade que nous faisions avec le Papé.
(Journal intime)
"Cher Papé,
Ça y est, nous sommes arrivés. Je ne sais pas si je dois t’en vouloir ou te remercier pour ce drôle de jeu. Je dois bien avouer ne plus trop savoir où j’en suis. Par contre, ce premier lieu où tu nous a envoyé ressemble fortement à ce que tu aurais aimé. Y es-tu déjà allé tout seul ? Cet ancien cratère rempli de flotte est incroyable. Quant à ce camping au bord du lac, pour des vacances ce doit être assez sympa. Heureusement en cette période de l’année, il y a déjà moins de monde et je ne rêve que d’une chose, c’est m’éloigner de tout le monde et profiter de cette nature. Il va également falloir que je me trouve rapidement une épicerie car ma bouteille magique est déjà vide. Heureusement, il me reste quelques joints. Je me suis promise d’arrêter mais cela ne va pas être aussi facile que ça. D’ailleurs quand ton notaire a fouillé ma valise et qu’il est tombé sur ma cartouche de cigarettes et mon cannabis, il m’a regardé d’un drôle d’œil mais n’a pas bronché. Tiens, Mallaury m’appelle. Je te laisse. A + "
9 commentaires
ceppi
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Il y a un mois