Fyctia
Chapitre 14
Aujourd’hui
LÉO
Après la soirée d'hier, nous sommes enfin de retour à notre appartement. Ethan a une énorme gueule de bois et se transforme à présent en princesse en détresse.
— De l’eau s’il te plaît, crie-t-il, couché dans le canapé.
— Ethan, ne t’en fais pas, tu ne mourras pas aujourd’hui.
— Ravi de voir que mon état de mort imminente t’inquiète à ce point.
— Tu as juste la gueule de bois, chéri.
— Ma tête va exploser.
Je ricane et pars chercher une bouteille d’eau et un doliprane afin de soigner mon grand guerrier. Je suis attendu dans environ une heure à la brasserie pour préparer le service de ce midi.
Je suis vraiment épanoui dans ce travail, d’autant que Louisa me fait entièrement confiance. Chaque jour, je m’améliore un peu plus et l’ambiance est vraiment chouette. Je mentirais si je disais que la natation à temps plein ne me manque pas, mais quand je cuisine, je parviens à cesser d’y penser.
J’entends Ethan marmonner quelque chose dans ses dents et je suis tiré de mes pensées.
— Qu’est-ce que tu as dit? demandé-je.
— Rien…c’est mon père.
— Ah oui, tu lui as dit pour ta démission?
— Oui. Il va probablement me déshériter.
— T’inquiète. Tu as fait le bon choix, tu vas enfin être vraiment heureux. Il finira par le comprendre.
Quand je vois la relation qu’Ethan a avec son père, je me sens chanceux d’avoir les parents que j’ai. Ils n’ont jamais essayé de m’imposer un choix d’avenir, ils n’ont jamais été intrusifs dans mes relations, ils ne m’ont jamais mis une pression démesurée pour les études. Ils m’ont tout donné sans condition. Penser à eux me rappelle que ma mère m’avait demandé de lui téléphoner.
— Allo? dit-elle, à l’autre bout du fil.
— Coucou maman.
— Coucou mon chéri, comment ça va?
— Super et toi? Comment avance le potager?
— Je suis plus lente que ce que je voudrais mais ça prend forme. Tu penses que tu saurais passer manger à la maison dans quinze jours?
— Normalement ça ne devrait pas poser de soucis à Louisa. Je la préviendrai à l’avance.
— Super. J’ai hâte de te serrer dans mes bras.
— Moi aussi maman, bisous.
— Bisous.
Cela fait longtemps que je ne leur ai plus rendu visite. Ils me manquent beaucoup mais je dois admettre que j’ai été débordé. D’un côté, je m’en veux, parce que je sais qu’ils ne seront pas là éternellement et j’ai envie de profiter d’eux. Je n’ai pas envie que notre relation se détériore avec la distance même si je sais qu’ils comprennent. Ma mère était tellement heureuse quand elle a su que j’ai trouvé un travail et mon père est ravi que ça soit la cuisine. Ils ont promis de venir y manger un de ces jours mais Paris n’est pas à côté.
Lorsque j’arrive à la brasserie, Louisa est déjà en cuisine. Elle est en train de réceptionner nos produits frais du jour.
— Prêt pour un service de folie?
— Comment ça? demandé-je.
— Je n’ai jamais eu autant de réservations pour un temps de midi. Agathe m’a dit que c’était ton amie Gabrielle qui avait parlé à de nombreuses personnes. Résultat : tout est complet.
— Oh wow. J’ai à peine la pression.
Gaby. Gaby, je t’adore mais t’aurais pu me prévenir.
Moi : Tu aurais pu me prévenir avant de faire ma pub à une centaine de personnes.
Gaby : De rien ! À ton service !
Juliette mange ici à peu près tous les midis donc je me décide à la prévenir qu’il faudra probablement qu’on reporte ça. Il est 10h et nous n’avons déjà plus de place. Comment vais-je m’en sortir?
Moi : On est rempli pour ce midi. Je suis désolé, tu ne pourras pas déguster mon plat du jour.
Juliette : Je suis dévastée. Quelle trahison.
Moi : Tu verras ça avec Gaby. Je n’y suis pour rien.
Juliette : Je pleure là.
Moi : Soirée sur le toit? Pour me faire pardonner (même si je répète : je n’y suis pour rien).
Juliette : Va pour le toit.
Nous n’avons pas arrêté avec Louisa. Il est 15h et nous sommes épuisés par ce service. C’était sportif. Heureusement qu’elle n’avait pas prévu d’ouvrir ce soir sinon, je ne sais pas comment j’aurais fait. Je la salue et je décide de faire un tour à la piscine de mon ancien club avant de rentrer.
Cela fait un mois que j’ai la sensation de reprendre goût à la vie. Léna ne sort pas de ma tête mais son souvenir semble un tout petit peu plus supportable à présent. Quelquefois, il m’arrive d’avoir des moments de faiblesse. Je sais qu’Ethan m’entend pleurer la nuit mais qu'il respecte mon silence.
Quand j’arrive devant la piscine, les souvenirs m’assaillent. Je me souviens des nombreuses fois où elle m’a attendue dans les gradins. Je pense aussi à toutes les fois où elle venait me chercher après plus de quatre heures d’entraînement. Les compétitions où elle était présente. La routine que nous avions.
Il est vrai que j’ai retrouvé le sourire. Je rigole à nouveau. Je sors à nouveau. Je sais que je le dois à Juliette et Gaby qui sont entrées dans nos vies comme des bulldozers.
Surtout Juliette.
Pourtant, elle me manque encore. La complicité que j’ai avec Juliette me rappelle celle que j’avais avec Léna. Je culpabilise parfois mais je ne parviens pas à m’arrêter. Je ne sais pas si Léna trouverait ça mal ou si au contraire, elle serait heureuse de savoir que j’ai une meilleure amie aussi bienveillante que Juliette.
J’ai refusé de me l’avouer au départ, mais le soir où elle m’a appelé en larmes, j’ai cru qu’elle ferait comme Léna. J’ai eu peur. Tellement peur. C’est comme ça que j’ai su qu’elle m’était devenue essentielle. Parce que ce n’est pas de l’amour mais je n’aurais pas été capable de la perdre.
***
Au bord de l’eau, j’aperçois Will au loin qui est occupé à donner cours. Je ne savais pas qu’ils avaient conservé les mêmes horaires. Parfois, je me demande ce que ça me ferait d’être à sa place. J’ai définitivement oublié la compétition mais quand je nageais, je m’étais dit qu’après ma carrière, je deviendrai bien entraîneur. Tout s’est écroulé, mais quand je vois ces gamins si heureux d’être là, ça me rappelle l’enfant que j’étais.
Will n’était pas seulement mon entraîneur, c’était plus que ça. Il le sait. Je le sais. C’est juste la pudeur qui l'emporte. Quand j’étais loin de mes parents, c’était mon repère. Mes pires échecs, c’est avec lui que je les ai vécus. Mes plus belles victoires, c’est dans ses bras que je les ai célébrées.
— Salut mon grand, comment tu vas?
— Bien et toi?
— Bien. Qu’est-ce qui t'amène?
— Pas grand-chose. Je voulais juste nager ici.
— Je t’en prie ! Viens, je vais te présenter les gamins.
Nous nous dirigeons vers le couloir où ils attendent tous tels de petits soldats. Ils me voient arriver et se mettent à sourire à pleines dents.
— Oh, c’est Léo ! crie l’un d’eux.
— Oh, Léo ! Je t’adore !
Le brouhaha s’élève de plus en plus et c’est Will qui finit par les rappeler à l’ordre en les envoyant faire leurs longueurs. Will et moi les suivons en marchant au bord de l’eau tandis qu’il me les présente un à un.
11 commentaires
Mary Melody
-
Il y a 2 ans
Gege89
-
Il y a 2 ans
Céleste Savigny
-
Il y a 2 ans
Gege89
-
Il y a 2 ans
Alba.evans
-
Il y a 2 ans
1847heaven Séverine Gomez
-
Il y a 2 ans
Gottesmann Pascal
-
Il y a 2 ans
Céleste Savigny
-
Il y a 2 ans