Fyctia

Ne souhaitant pas s'imposer chez Adam et Sarah, Zoé prit le temps de réfléchir, mais se laissa convaincre : Elle terminerait sa semaine de vacances à Mont-tremblant.

Quand elle pénétra pour la seconde fois dans le restaurant familiale, elle sentit son ventre se retourner. Ne fonçait-elle pas à nouveau droit dans le mur ?

Le visage de Simone s’illumina quand elle l’a reconnue. Elle posa son plateau et vint la serrer dans ses bras.

- Tom t'attend dans le fond, lui dit-elle avec un large sourire en lui indiquant une table au fond du restaurant en la débarrassant de sa grosse valise.

Zoé prit une profonde inspiration et sans un mot, elle s'installa à sa table.

Tom esquissa un mouvement avant de se raviser tout en remontant un peu le foulard trop chaud pour la saison qui cachait le bas de son visage.

- Tu es malade ?

- Non, j'ai simplement pensé t'habituer progressivement à mon visage.

- Tu peux le retirer.

- Je ne voudrais pas te faire vomir, essaya-t-il de plaisanter, rendant l’atmosphère soudainement beaucoup plus lourde.

Zoé planta ses yeux dans ceux bleu nuit de Tomas pour lui dire :

- Je n’ai pas vomi à cause de ton visage. J’étais sous tension depuis que j’avais réservé mes billets, je m’attendais à te trouver avec une femme et des enfants, je pensais devoir te confronter, régler mes comptes, j’étais prête à te casser la gueule, à te mépriser, je ne pouvais pas imaginer ça. Ce n’est pas ton visage, c’est le stress, c’était trop d’émotions.

- T'inquiètes pas pour ça, c’était une mauvaise blague.

Il ne retira pourtant pas son foulard.

Le restaurant eut le temps de se remplir et de se vider pendant qu’ils restaient tous les deux, à parler, à plaisanter. Zoé voyait les regards inquiets de la sœur et de la mère de Tom à chacun de leurs passages en salle.

Le Foulard de Tom avait glissé le long de sa mâchoire, mais elle n'osait pas le dévisager de peur de le vexer, mais surtout, car elle n’était pas certaine d’avoir envie de voir plus que ce profil en dentelle.

La discussion n'était pas simple. Elle ne voulait pas risquer de tout gâcher en posant des questions sur l'accident ou sur ses mensonges, mais c'était la seule chose qui l'obnubilait. De son côté, Tom faisait tout pour qu'il n'y ait pas de blanc au risque d'être maladroit et fatigant.

Après son troisième cola, Tom du aller aux toilettes.

Il se retenait depuis plus d’une heure ne souhaitant pas rompre le moment. Il avait lentement décalé sa chaise de la table pour pouvoir prendre appui dessus de son bras droit, il avait tendu sa jambe gauche et bougé son pied pour s’assurer qu’elle serait prête à le retenir. Puis dans un sourire que Zoé ne pouvait pas voir, il excusa et se lança.

Se lever sur sa jambe droite ne fut pas le moment le plus difficile. Il hésita une seconde et supplia son corps de ne pas le trahir quand il avança la jambe gauche pour rapidement basculer son poids dessus.

Il était chancelant, mais il tenait.

Zoé se redressa rapidement de peur qu’il bascule. Il refusa poliment son aide et parti en titubant jusqu’au WC.

Tom était fier d’avoir pu laisser sa canne à côté de la table pour se déplacer sans aide. Pourtant, Zoé ne se rendit pas compte de l’exploit que cela pouvait représenter et ne put que se dire que jamais, ils ne pourraient marcher main dans la main dans la rue.

À 17 heures, les quatre enfants d’Ana les avaient rejoints au restaurant.

Ils attendaient que leur grand-mère leur serve à manger après avoir passé l’après-midi à jouer autour du lac.

Ils avaient tous ces mêmes cheveux cuivrés, mais leur peau était tannée par un été passé au soleil.

Nathan avait 15 ans, il était le plus grand et veillait sur ses petits frères et sœurs avec bienveillance. Suivaient Sophia et Mia des jumelles de 11 ans et leur petit frère Arthur 5 ans qui les accompagnait avec une totale dévotion.

Simone déposa un grand plateau rempli de gâteaux et de boissons sucrées pour le gouter des enfants.

Ana en servit une part à Zoé sans lui demander son avis.

- C’est au sirop d’érable, Maman fait les meilleurs de la région.

Zoé n’avait pas faim, mais se força à manger.

Arthur était monté à cheval sur les genoux de son oncle et jouait à lui faire des chatouilles. Quand il posa ses deux mains sur le visage de Tom pour accaparer toute son attention, Zoé détourna le regard. Voir ses petites mains d'enfant rose et parfaites se poser sur la chaire déchirée de son visage accentuait le dégoût qu'elle ressentait en voyant ses cicatrices.

Simone s’assit quelques minutes à côté de Zoé.

- Je suis contente d'avoir un peu plus de temps pour te rencontrer. Vraiment, contente.

- Je pourrais te coiffer pour la fête, demanda Sophia sous le regard outré de sa sœur déçue de ne pas y avoir pensé avant.

- Quelle fête ?

Simone lui sourit et la débarrassa de ses petites filles d’un mouvement de tête.

- Nous organisons une petite fête ce week-end. Vendredi, on sera le 25 août et c’est…

- L’anniversaire du décès de votre mari, termina Zoé. Je suis vraiment désolée, Tom m’en a déjà parlé, j’avais oublié pardon.

Simone lui sourit en lui prenant une main dans les siennes rendues calleuses par le travail en cuisine.

- Ne le sois pas, mais si tu veux, viens partager ce moment avec nous, ça me ferrait plaisir. Lui proposa sincèrement Simone en la fixant dans les yeux. On se retrouve entre amis pour faire un grand barbecue dans le jardin. Mon mari adorait les belles réunions de famille et d’ami. On ferme le restaurant pour l’occasion, et on passe la journée à jouer et à manger ensemble.

Tom s’agita mal à l’aise alors qu’Arthur jouait à taper dans ses mains.

- Je… Je ne sais pas. Je ne veux pas m’immiscer dans vos réunions de famille. Ça doit être un moment important.

Simone ne la quittait pas de ses yeux bleus et brusquement, Zoé eu l’impression de retrouver sa Madeleine. Cette dame douce rassurante qui s'était occupée d’elle de ses 3 à ses 13 ans. Son visage ridé et souillant, ses cheveux argentés ébouriffés dans une couette basse, même son odeur de gâteau, c'était Mado. Les larmes lui montèrent aux yeux.

- Ho, tu sais ici, tout le monde s’immisce dans les réunions de famille de tout le monde. Interrompit Ana en reprenant son fils des genoux de Tomas. Papa aurait adoré que Tom invite une amie.

Zoé chercha de l’aide auprès de Tom.

- Tu es la bienvenue. Je t'ai réservé une chambre pour la semaine complète. Tu es libre d'en profiter ou de repartir ce soir même, c'est ton choix.

Zoé acquiesça d'un mouvement de tête, Tomas lui répondit d'un sourire franc, et pour la première fois à travers les cicatrices, Zoé reconnue l’homme qui lui avait tellement plu.