Fyctia
Balthazar 2/2
J'avais raison. De l'odeur écœurante du jasmin vaporisé par le diffuseur automatique à l'entrée emplit l'entrée de la maison, jusqu'aux cadres apposés aux murs : tout a changé dans cette maison où j'ai passé la fin de mon enfance et toute mon adolescence. Des photos d'elle tapissent principalement les murs du salon, repeints en rose saumon. En cherchant bien, on trouve quelques unes de couple, mais on sent que c'est pour la forme.
« Wouaw ! » M'exclamé-je, provoquant un soupir chez mon père. Je poursuis en me retournant vers lui alors qu'il accroche son long manteau à la patère : « Blanche neige est une vraie star dans cette maison, dis-moi…
— Tu la détestes à ce point ?
— Oui, trop invasive, trop jeune, et s'il te plait… cette pâleur : une crème fraîche a plus de couleurs !
— C'est inconvenant ! »
Je prends un air amusé alors qu'il hausse la voix. C'est du racisme ordinaire, j'aime bien en faire à l'occasion, mais toujours sur le ton de l'humour. Si je déteste ma belle-mère, ce n'est pas parce qu'elle est blanche comme la crème que j'étale sur mes créations. Non, si je l'évite à tout prix, c'est parce qu'avant d'apprendre qu'elle était fiancée à mon père, on s'entendait plus que bien, elle et moi.
Et je suis persuadée que son caractère volage n'a pas disparu lorsque Youssef Tahiri lui passa la bague au doigt.
Qui a dit que je n'avais pas l'esprit de famille ?
Je me voyais mal avouer à mon propre père que sa fiancée avait tout l'air être plus fréquentée qu'une autoroute au moment des vacances. C'est ainsi que j'ai laissé couler et que désormais, j'observe leur mariage de très loin. D'ailleurs elle aussi semble avoir "omis" cette partie de sa vie de jeune fille.
J'entends un petit grognement venant du dessous de la table recouverte d'une nappe en tissus de couleur vert sapin. Je m'approche…
« Oh… », lâche mon père, comme s'il avait oublié de me prévenir d'un nouvel élément vivant ayant pris possession des lieux.
Je soulève le drap et me penche : une espèce de rat pourvu de poils me fait face, les dents retroussées est en train de me grogner dessus de manière ostentatoire, retranchée dans son panier à froufrous. Je lâche le drap en me redressant et interroge mon père du regard, la bouche ouverte, hésitant entre fou rire et consternation.
« Elle aime beaucoup les petits Chihuahuas… J'ai accepté qu'elle en ait un, voilà tout.»
Mon pauvre papa. Je détourne les yeux pour ne pas rigoler et là, pire que le rat qui lui sert de chien : un sapin de Noël, enguirlandé de je ne saurai dire combien de choses indescriptibles et colorées. Le tout, la première semaine de novembre. Nous ne sommes pas musulmans pratiquants, d'ailleurs, je ne me promène pas avec le doux prénom de Balthazar pour rien : mon père s'en moquait totalement… Ma mère imposait même un sapin toutes les années, mais jamais si tôt dans l'année.
« Papa ? »
Mon paternel se frotte la nuque, gêné.
« Elle a une amie qui vit dans ton village. Elle a vu les décorations et à tenu a faire le sapin maintenant, fin de l'histoire. De toute façon je passe ma vie dans mon bureau, alors je ne le vois jamais, tu sais. Et tout le monde est content.
— Quel homme de compromis tu fais !
— Tu apprendras à en faire un jour, j'espère. »
J'ouvre la bouche pour lui répondre que je préfère rester célibataire que de subir la présence d'un rat qui aboie et tout le tintouin de noël deux mois à l'avance jusque dans mon intimité, mais une lettre à Élise retentit. Un homme de compromis, et de goût.
« Va ouvrir. C'est en mangeant les nouilles du quartier que tu vas me raconter celle que je pressens que tu as faite. » Me lance-t-il.
Mon dos se raidit, la perspicacité de psychiatre vient de parler.
Je reviens avec les plats et décide d'aller droit au but :
« Elle sort d'une fac' de lettres. Elle est sociable, pâtisse bien et a l'air de s'y connaitre en réseaux sociaux.
— Ton ex aussi s'y connaissait. Je me trompe ?
— Mon ex qui ne l'est pas vraiment, elle, rêve de devenir influenceuse beauté et se sent forcée de montrer ses fesses pour afficher son maquillage. D'ailleurs, sa communauté Instagram connait ses courbes mieux que moi. »
Mon père pointe ses baguettes dans ma direction :
« Ne refais pas la même erreur. »
Trop tard.
« Tiens, niveau caractère : comment ça se présente ?
— Elle est un peu… lunatique, sans plus.
— Lunatique, comment ça ? »
Elle a une peluche poulpe qui trône le crâne ouvert sur la table basse de son salon. Elle a une machine à café hors de prix alors qu'elle n'aime pas le café. Elle change de voix en fonction du moment de la journée, ou de son humeur : je ne sais pas encore.
Le psy attend sa réponse.
« Je ne sais pas comment te l'expliquer. »
Mon père dépose ses baguettes et joint les bouts de ses doigts devant son visage. J'ai horreur de cette posture d'analyste. Au bout d'un silence interminable, il se décide à prendre la parole :
« Ce qui m'inquiète, c'est qu'une universitaire diplômée se retrouve à vendre des pâtisseries comme simple vendeuse, alors qu'elle te connait à peine. »
Je souris dans une tentative pour lui dérider le faciès. Il ne bouge pas un sourcil, et ses prunelles sont fixes. C'est le père banquier qui parle, je perds patience et montre l'étendue de ma frustration :
« La passion ! Peut-être que ses parents l'ont forcée à faire des études ? »
Il détourne le regard car il sait de quoi je parle. Mais moi, je ne me suis pas laissé faire. Des amphis bondés, quelle horreur. Même mon intérêt à comprendre les cas cliniques rencontrés dans le cadre de son travail — et qu'il me confiait en dépit du secret médical — lorsque j'étais ado n'est pas venu à bout de ma phobie pour ce type de lieux surpeuplés.
« Je suppose que le temps fera son œuvre, mon fils. »
Le sourire résigné qu'il m'affiche alors creuse encore un peu plus les pattes d'oies présentes aux coins de ses yeux en amandes, et qui se font de plus en plus marquées au fil des années qui passent.
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Pour ne rien vous cacher… Je vais un peu plus rentrer dans un mélange "kikiness" de noël et secrets relativement dark au fur et à mesure que la relation entre Annie et Bal se développera.
Ce ne sera pas toujours kiki
Ce ne sera pas toujours dark
Ce sera parfois wtf
Mais vous me connaissez, maintenant :)
Psst, j'ai un Insta :) => https://www.instagram.com/suelnna/?hl=fr
39 commentaires
Anne-Estelle
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Il y a 2 ans
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Elodée
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clecle
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