Fyctia
Annie
Je ramasse les morceaux d’ouate qui jonchent le sol et qui parsèment, tels de petits nuages, mon canapé turquoise. Je ramasse feu Poulpi Le Rouge et lui fourre la ouate récupérée dans le crâne.
Nina jouera à la couturière quand elle aura fini son deuil. C'est son poulpe, après tout.
Est-ce qu'on peut lui mettre une corne de licorne ?
« Non. » Mon verdict est sans appel et je ne céderai pas, car on n’a plus cinq ans.
Des ailes, alors ?
« Non plus. »
C'est son poulpe, mais c'est aussi ma réputation.
Rabat-joie…
Je récupère aussi les restes de son dessin, afin de ne pas retrouver des bouts de papier un peu partout à mon retour. Avoir un chat, ça ne s' improvise pas !
Je pose mon petit béret noir sur ma tête et enfile un veston en simili cuir noir par-dessus ma robe rouge foncé en jersey et des collants opaques noirs. Ce style sombre mais classique : Nina tout craché.
Dans le bus qui m’amène en ville, je poursuis ma lecture :
Quand il l'aimerait de toutes les forces de son être chétif, il n'arriverait pas à l'aimer en quatre-vingts ans autant que moi en un jour — Les Hauts de Hurlevent.
C'est d’un bateau, mais c’est tellement beau. J’ai toujours été fleur bleue sans pour autant aimer lire les classiques de la littérature, qu’elle soit française ou étrangère. Bien que je sorte d’une fac littéraire, la lecture de Madame Bovary de Flaubert m’a ennuyé à mourir, j’ai fait des cauchemars à la suite d’un travail sur Les fleurs du mal de Baudelaire, et je me suis posée de sérieuses questions quant au sens de la vie humaine après avoir lu L’étranger de Camus. Il n’empêche que des trois, c’est celui que j’ai le plus apprécié, allez savoir pourquoi…
Le bus s’arrête et je descends non loin de la Grand Place, je me souviens que le marché d’automne débute aujourd’hui, pour une durée d’une semaine. Si Balthazar revient me chercher, je n’aurai peut-être plus l’occasion de revenir avant jeudi prochain, et je n’ai presque plus de thé en vrac, à force d’hiberner en plein été.
Je pars acheter ce qu’il faut à Nina pour son travail de demain. En sortant du magasin, je décide donc de flâner sur le marché d’automne à la recherche de mon précieux. Si je n’ai rien contre la foule, j’aime jouir de ma liberté de mouvement, et les endroits bondés ne sont pas mes favoris.
Une heure plus tard, je me retrouve avec des graines de cerisier et de framboisier à planter incessamment sous peu — c’est la période et le marchand m’a dit que plus j’attendais, plus ce serait difficile de les faire pousser —, le tout alors que je ne suis plus allée dans mon jardin depuis presque une année, et qu’un simple regard en direction de ce dernier vous donne un aperçu du paysage des Hautes Fagnes belges en miniature.
Mes yeux captent l’intitulé inscrit sur la pancarte d’un stand : « Le chemin de traverse », j’adore Harry Potter ! Je m’arrête et mon regard se perd sur les objets à vendre qui se trouvent être des figurines en bois. Au milieu des personnages principaux et des baguettes, trônait, encerclé par une superbe Nagini sous sa forme reptilienne, le sympa petit elfe de maison, dont le sacrifice à ému des milliers de jeunes âmes à travers le monde.
« Oh ! » M’exclamé-je, en apercevant l’un de mes personnages préférés du roman.
Tu as vu le prix de ce truc ? Que nenni ! Et puis, pour quelle utilité ?
« Mmh», à rien j’imagine. A l'instar des poulpes en peluches qui garnissent le lit comme des confettis trop gros…
Quoique, quand on regarde bien la longueur du nez de ce truc…
Je me mets à scruter le nez de Dobby avec attention, avant de comprendre le message subtil de Nina. Une fois l’image bien ancrée dans la tête, je pique un fard et me retourne sans un regard pour l’artisane.
J’arrive enfin devant un stand qui vend du thé en vrac. Alors que je m’amuse à déchiffrer les étiquettes, je repère mon précieux : thé vert de Chine Sencha, herbes saveurs de fleurs de cerisier et pétales de roses. Je demande pour le sentir et là, l’extase…c’est celui-là que je veux ! Je me permets d'imprégner à nouveau mes narines de l’odeur du mélange, faisant fi de la foule qui commence alors à se faire plus dense.
C’est cher !
Une dame âgée vient se placer à côté de moi et demande au tenancier du stand s’il a, dans ses produits, du thé avec de l’arôme de vanille dans sa composition.
C’est vrai que c’est cher, comme sur tous les marchés de ce type. Tant pis, Nina fait attention au prix des choses uniquement lorsque ça ne touche pas à la pâtisserie. Autrement dit : presque tout le temps. J’attends que l’homme termine d’énumérer les thés qu’il a en sa possession et qui comportent l’arôme demandé par la dame, puis me lance.
«Je vais prendre celui-là, une boîte.»
Je lui donne d’emblée l’argent avec un sourire. Il est ravi et me fait un signe de tête entendu. Un rire se fait entendre, c’est le binôme du marchand, une sublime jeune fille qui ne devait à peine avoir la majorité. Certainement sa fille. J'aurais aimé avoir un père avec une activité commerciale, mais étant ce que je suis, aurait-il été envisageable pour moi de l’aider ?
Mon regard dévie vers le, ou plutôt les destinataires de ce sourire. Plusieurs personnes nous séparent, je dois me pencher pour me faire une idée des faciès : un homme basané, ma taille. Il s’exprime avec un accent qui vient d’Afrique du Nord. Juste à côté et le dépassant d’une bonne tête…
Que vois-je, QUE VOIS-JE ?
Elle aurait été aux manettes, cette folle se serait mise à pousser la chansonnette. L'étrange Noël de Monsieur Jack compte parmi ses films d'animation préférés.
« Tu prends quoi cette fois-ci, papa ? »
Papa ?
J’ouvre la bouche, mais continue de fixer le duo père-fils. Le père a du charme, mais le fils lui fait de l’ombre, sans aucun doute.
Le père de Baltichou est “rebeu” ? Oh !
Et c’est bien évidemment à cet instant que Bal se retourne et me surprend en train de le reluquer lui et son paternel.
Et te voilà prise en plein délit de gobage de mouche, les yeux aussi grands, ouverts et globuleux que ceux du tarsier d’Asie du Sud-Est. Mais c’est vrai que ce regard, c’est pas donné à tout le monde hein. Tu sais ce qu'on dit : là où il y a de la gêne, y'a pas de plaisir !
La gêne, oui… suivie du traditionnel coup de chaud décrit dans les plus grands nanars à l’eau de rose du septième Art : voilà ce qui m’envahit à l’instant présent. Il entrouvre la bouche, je finis par fermer la mienne et son attention est détournée par son père qui lui pose une question. J’en profite pour me retourner et partir en courant sans demander mon reste, dans tous les sens du terme.
Et le thé ? Parce qu’on l’a payé, en fait.
Pas grave, je boirai du chocolat chaud. Tu vas recommencer la course à pied de toute façon…
30 commentaires
HakunaMatata80_
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Il y a 2 ans
cedemro
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Il y a 2 ans
Suelnna
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Il y a 2 ans
Anna.
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Il y a 3 ans
Imos
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Il y a 3 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 3 ans
Suelnna
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Il y a 3 ans