Fyctia
Nina
« De la part d’un mec qui porte le nom d’un roi mage, je pourrais t’en faire plein des blagues… je pourrais même te chanter une petite chanson aussi… »
Non !
« Comme les rois mages ! »
C’est pas vrai… Tu chantes bien, mais on va se faire virer.
Un client rentre, c’est un vieux monsieur chauve à la barbe grisonnante. Début de concert avorté. Je vois Bal passer la tête par l’embrasure de la porte. Je me retiens de continuer à pousser la chansonnette.
« Bonjour monsieur, que puis-je vous servir ? »
Wouah…Nina, c’est toi ?
« Une gosette aux pommes, s’il vous plaît mademoiselle », me demande-t-il d’une voix fatiguée.
Je lui souris.
« Demandé si gentiment…C'est un plaisir de vous servir ! »
Je déteste servir les gens.
Mais je vois ses traits se détendre et ses yeux se plisser. Il est content, je crois. Je passe devant Bal et le fixe avec un sourire jusqu’aux oreilles. Ce dernier est au bord de la crise de rire, il mordille à nouveau sa lèvre inférieure. J’emballe la gosette de ce brave monsieur et lui tends. Il me donne le compte juste, me remercie et nous dit au revoir avant de sortir. Une fois la porte refermée, c’est reparti :
« En Galilée ! Suivez des yeux l’étoile du berger…
— Bel organe, tu veux aller te pomponner ou c’est réservé aux dimanches après-midi ? »
Je me retourne et le toise :
« Goujat », lui balancé-je, vexée pour deux.
Appuyé contre le chambranle de la porte, il ne se rend pas compte que les monstres à l’intérieur de la jeune femme dont il se moque pourraient transformer sa vie en un enfer…polaire. Après tout, il reste beaucoup de place dans le congélateur. Annie ne veut plus y retourner, pourtant j'ai pris soin de retourner la tête et poser le sachet de petits pois par-dessus. C'est une petite nature.
La nonchalance de la posture adoptée par mon patron et la moue ironique qui prend naissance sur son visage me donnent envie de lui balancer la tartelette aux fraises qu’il reste.
« Bon, est-ce que la cover d’Annie Chancel a un surnom ? Ça nous permettra de nous respecter mutuellement, qu’est-ce que tu en dis ?
— Nina.»
Sérieux là ? Ok, c’est sympa.
« Va pour Nina », acquiesce-t-il avant de retourner dans son arrière-boutique.
Bon, allez, vous avez fait la paix et je m’appelle Nina. L'usurpation d'identité, on en parle ?
Non, je veux m’amuser encore un peu. Et puis, qui usurpe l'autre ?
« Qu’est-ce que ça lit, un pâtissier ?
— Ce qui ne regarde pas une vendeuse. Et je ne sais toujours pas quelle était ta question… »
Merde, c’était quoi déjà ?
Réseau social… tête de nœud.
Ah oui !
« T’as une page Insta ?
— Non
— C’est très con, tu pourrais faire des photos de tes pâtisseries.
— Je pensais que mon ouvrage était banal.
— C’était bon.
— Ça se mange, une photo ?
— La faillite, ça ne te fait pas peur ?
— Fais ce que tu veux, amuses-toi. Je n’aime pas du tout ça. »
Bébé s’amuse…
Depuis quand Annie se paye ma tête, déjà ? Je décide de la punir et de garder le contrôle un peu plus longtemps, jusque là fin de la journée.
Je tins bon, malgré ses protestations. Elle reste moins véhémente que moi quand je m’y mets. 16h, je me rends dans l’arrière-boutique et, une fois n’est pas coutume, j’y vais au culot :
« On peut s’échanger nos numéros, ce serait plus facile…
— Non. Où alors tu peux avoir mon numéro de fixe. Mais tu ne m’appelles pas après 20h, sinon je te vire. »
J’éclate de rire. Mais l’onomatopée qui sort de ma bouche doit être tellement étrange qu’il referme son bouquin et soupire.
« Je n’ai pas de portable », déclare-t-il, solennel.
J’éclate à nouveau de rire.
« Je n’en vois pas l’intérêt… », se justifie-t-il, de plus en plus piqué au vif.
Quel phénomène celui-là encore…
C’est trop pour moi… Je rends les armes !
Non non, pas maintenant finalement.
Je me vengerai, Annie.
« Ah… et ton fixe, c’est un téléphone à cadran ? » Demandé-je avec tout le sérieux du monde.
Il se met à me fixer autant que je me permets de le détailler. Puis mon regard dévie sur…ses genoux et mes yeux s'attardent sur le titre du livre.
Les Hauts de Hurlevent ?
Je meurs. Je ferme les yeux et inspire. Il est gay.
« Bon ben… je vais y aller. Ma maison est la seule non décorée de la rue. Si tu tombes en panne d’électricité, tu pourras venir brancher ton fixe pour appeler l’électricien ! A demain ! »
Putain, il lit les Hauts de Hurlevent !
Je quitte l’établissement en chantant :
« Vive le vent, vive le vent, vive le vent… ah ben vive le vent tout court, en fait ! »
Flûte alors…
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Hello !
Je ne vous cache pas que je m'amuse, beaucoup.
Le prochain chapitre est du point de vue de Balthazar. Ses chapitres à lui sont un peu plus "sérieux", parce qu'il n'a pas cette dualité qui me donne la possibilité de mettre autant d'humour que lors des chapitres concernant Nina ou Annie.
Quoiqu'il en soit, merci pour vos commentaires et vos lectures !
48 commentaires
cedemro
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Il y a 2 ans
Suelnna
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Il y a 2 ans
cedemro
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Il y a 2 ans
Suelnna
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Il y a 2 ans
Leana Jel
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Iris Bennett
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Il y a 2 ans
Suelnna
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Il y a 2 ans
clecle
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Suelnna
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Il y a 2 ans
Amphitrite
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Il y a 2 ans