Fyctia
Annie
Après avoir passé plus de temps qu’il n’en faut dans la salle de bains pour un simple passage dans une pâtisserie, je suis enfin prête à sortir de chez moi.
Trop belle !
Nina est contente que je lui aie laissé l'opportunité de faire ce qu’elle voulait de notre apparence alors que j'ai le contrôle. En me regardant une dernière fois dans le miroir avant de sortir, j’y vois une femme aux cernes gommées, et aux yeux de biche mis en évidence par du crayon khôl et un trait d’eyeliner. L’artiste, c’est elle : Nina. Elle sublime les choses, leur donne du caractère. Elle les rend plus sombres aussi.
« Ce n’est pas un peu dark, pour aller acheter des gâteaux ? »
Mais non, c’est rock’n’roll. Allais, on y va !
« Justement, à quoi ça sert d’être "rock'n’roll” pour aller chercher des petits choux à la crème ? »
Si ça se trouve, t‘es tellement maladroite que tu vas te faire renverser. Notre chirurgien sera l’homme de notre vie et…
« Nina ! » M’emporté-je.
Un éclat de rire me répond, et je me mets à rire avec mon alter. Celle qui écrit et invente des histoires, c’est moi. Mais Nina a une imagination débordante et m’inspire souvent.
« Ce serait une belle histoire, tu tiens quelque chose ! Enfin, si tu veux mon avis. »
Trop “kiki”, ce serait chiant à mourir… Comme notre vie actuelle. Enfin, si tu veux mon avis.
Je lève les yeux au ciel. Pour que Nina s’amuse, il faut qu’elle tue des gens et découpe leur cadavre pour les jeter dans le congélateur de la cave. Je n’arrive pas à lui pardonner ce qu’elle a fait, même si Thomas était un homme désagréable et imbu de lui-même.
Me trompait-il ? Très certainement.
Me sous-estimait-il ? Aussi.
Mais il m’apportait un semblant de stabilité sociale que même Nina trouvait bénéfique. D’ailleurs elle l’avait mise en veilleuse lors de ma relation avec lui. Et, pendant un temps, j’ai même cru qu’elle avait disparu.
Je ferme la porte de chez moi et sur le seuil je réalise, plus que jamais, que dans ce village paumé au milieu de nulle part, Noël semble être l'événement le plus important de l’année. Nous ne sommes que fin octobre et les décorations sont déjà partout sur toutes les maisons, sauf sur la mienne.
« Je n’ai pas encore décoré l’extérieur de la maison », murmuré-je en regardant les illuminations qui ornaient déjà les fenêtres de mes voisins.
Parfait, ça contribue à ton mythe… ne change rien.
Ah oui, le mythe de la nouvelle voisine cheloue. Je suis Le Grinch de ce trou perdu.
Je me dirige d’un pas décidé vers l’extrémité de la rue, j’ai envie d’en finir le plus vite possible. J’aime passer mes journées dans mon canapé à écrire ou regarder des séries.
C’est dans le sens inverse, Annie…
Je stoppe net mon entrain pour me retourner et repartir dans la bonne direction. Nina a le sens de l’orientation - et de l’odorat - développé, quand il s’agit de sucre.
C’est essoufflée que j’arrive devant la boutique dans laquelle je n’ai jamais mis les pieds. Et pour cause, je n’ai vraiment pas besoin de ça pour faire prendre des kilos. Pour ça, j’ai Nina.
Pas de décoration non plus, et personne dans la salle de dégustation. Super, on va être malades. Nina sent mon malaise, elle tente de me réconforter.
Bah… c’est fin d’après-midi, aussi.
Je soupire et pousse la porte. Aucun bruit de carillon ne l’accompagne, je suis étonnée. J’entends quelqu’un dans l’arrière-boutique qui m’indique que l’endroit n’est pas tout à fait désert. Alors que la personne arrive, je porte mon attention sur ce qu’il reste, c'est-à-dire : pas grand chose. Mon corps effectue un mouvement de balancier.
Pff…
« Bonjour, je vous sers ? »
Une voix d’homme me surprend. Je m’attendais à une femme. C’est une tonalité grave et froide comme la glace.
Je me fige et lève les yeux pour découvrir des mains mates qui triturent un essuie-mains, des bras couverts de tatouages, une barbe taillée et, surtout, de grands yeux noisette dans lesquels dansent des nuances verdâtres. Moi, petite brune aux yeux noir couleur de trottoir, suis subjuguée. Je baisse les yeux.
Oh, laisse-moi... Je le veux ! Hey, pourquoi tu baisses les yeux ? La vue était si agréable, t’es grave !
Il n’y pas que moi que ce rustre fait fondre comme neige au soleil. Nina approuve tout autant.
« Allô la Lune ? Ici la Terre.»
Pardon, pour qui il se prend ? On est clientes, bon sang !
Je le fixe à nouveau, son air est sérieux. J’ouvre la bouche, mais je ne m’en rends compte que lorsqu’il finit par m’imiter avec une ironie flagrante dans les yeux.
Quelle cruche…
« Je regarde », lui asséné-je, toujours figée comme une statue.
T’es sérieuse ? Il reste un merveilleux, trois petits choux et une tarte brésilienne. Putain, Annie…
Quant à lui, il ricane en regardant ce qu’il lui reste à vendre. Je me sens nulle, et asociale.
« Une fois que vous aurez fait le tour de tous les choix qui s’offrent à vous, appelez-moi », raille-t-il en jetant son essuie-mains sur son épaule et en retournant dans son arrière-boutique.
Tu me laisses rattraper le coup, ou on rentre chercher vingt-neuf compagnons à Melchior pour nos vieux jours ?
Vaincue, je m’efface.
====================
Prêts pour découvrir Nina en action ?
Deux salles, deux ambiances, je vous préviens ;)
Merci <3
98 commentaires
cedemro
-
Il y a 2 ans
Suelnna
-
Il y a 2 ans
cedemro
-
Il y a 2 ans
Elodée
-
Il y a 2 ans
Ellover
-
Il y a 2 ans
Noémie H.
-
Il y a 2 ans
Suelnna
-
Il y a 2 ans
Leana Jel
-
Il y a 2 ans
clecle
-
Il y a 2 ans
Andrea56100
-
Il y a 2 ans