Le Mas de Gaïa InnoScIence Désert d'élite - 2/8

Désert d'élite - 2/8

Je regrette mon choix quand je croise le regard hanté de Ïéléna le lendemain matin. Elle m’assure que j’ai pris la bonne décision et que je n’ai pas à refaire le portrait de Jésus sur le champ. Elle a juste eu une nuit difficile qui lui a rappelé de mauvais souvenirs. Je suspends mon verdict pour l’instant, mais suis prête à appliquer la sentence au moindre signe suspect.


Nous accompagnons Alliocha et la Serbe jusqu’à l’aéroport. Je suis surprise de voir Evil Moreno faire un baise-main à Ïéléna pour lui dire au revoir. Leur échange de regards fait enrager Alliocha, à la grande satisfaction de mon amie. Elle a enfin sa vengeance.


Je prends le volant et Jésus redevient pénible. Il a une vessie plus petite que celle de Noor qui pourtant est enceinte et demande à s’arrêter toutes les heures. Quand il n’a pas besoin d’uriner, il a trop chaud ou trop froid ou faim ou soif… À chaque fois qu’il croise une paire de seins, il la drague ouvertement. Je ne sais pas ce qu’il leur dit, mais à chaque fois il les embobine. L’archétype de la beauté masculine hispanique a-t-il une fine moustache, un catogan et des yeux de fouines ? En tout cas, c’est un sacré beau parleur. Parfois, il me rappelle vraiment Blaise. Leur bagout doit être de famille.


Après une énième serveuse laissée rougissante de plaisir, je ne peux contenir ma curiosité :


— Comment tu fais pour les baratiner comme ça ?


Il prend un air offusqué :


— Je ne baratine pas ! Je suis toujours sincère. Je trouve un détail charmant dans leur anatomie et le leur fais savoir.


— La dernière victime de ton charme n’était clairement pas un top modèle, lui fais-je remarquer.


Il soupire :


— Les femmes sont encore plus cruelles entre elles que je ne le pensais. Tu as vu ses cils ? Ce rideau épais, long et fourni qui soulignait son regard ? À chaque battement, c’était une pure caresse.


— Mais elle louchait !


— Défaut que la beauté de ses cils transformait en coquetterie dans l’œil. Et as-tu remarqué comme mes compliments l’ont fait se redresser et ont laissé sa beauté intérieure illuminer son visage ?


— Ils ont surtout détourné son attention des paquets de bonbons que tu fourrais dans ta poche…


— L’un n’empêche pas l’autre.


***


Nous arrivons à Algésiras en fin de soirée. Jésus a un contact pour nous faire prendre le ferry sans laisser de traces. Je ne suis pas spécialement emballée par l’idée de passer par le port.


— Tu préfères nager 18 km ? me demande-t-il. T’inquiètes pas, on est deux Européens qui se rendent sur un territoire Espagnole. Dans ce sens-là, on ne nous demandera rien. Surtout qu’on laisse la voiture ici.


Nous embarquons sur le ferry de 23 h 30 pour 1 h 30 de traversée. Jésus ne tient pas en place.


— Mais qu’est-ce que t’as à avoir la bougeotte comme ça ?


— J’essaye d’arrêter de fumer.


— Faut vraiment que tu trouves un moyen de t’occuper l’esprit, les doigts et la bouche.


En voyant son regard lubrique, je m’empresse d’ajouter :


— Tu devrais te mettre à la flute.


Il hausse un sourcil dubitatif et je corrige :


— OK, c’est pas très glamour… Le sax ?


— On y est presque, dit-il avec un sourire en coin. Tu veux me servir d’instrument ? Je suis sûr de pouvoir te faire hurler toutes les gammes de l’Oh au là en passant par le oui !


— J’aurai pensé que Ïéléna était plus ton genre. T’aurais pu filer avec elle aux Canaries.


— Nan, j’ai pour principe de ne pas tenter de séduire une femme plus belle que moi. Elle risquerait de me voler la vedette.


— Sans compter qu’Alliocha est bien plus costaud que toi.


— Ça aussi, avoue-t-il avec un large sourire.


— Je devrais me sentir insultée.


— Tu ne peux pas. Pas quand je te fais perdre la tête en te proposant une partie de jambe en l’air avec ça, dit-il, me désignant son corps d’un ample geste de la main et en faisant danser ses pectoraux et ses sourcils.


Je ne peux m’empêcher de sourire. Il m’horripile, mais son assurance exagérée m’amuse. Et peut-être que la fatigue de la journée commence à se faire sentir.


En arrivant à Ceuta, nous faisons mine de flâner sur la marina puis longeons la côte sud jusqu’à la Playa El Tarajal. C’est ici que nos chemins se séparent. La mission de Jésus était de m’accompagner jusqu’au poste de frontière. Sur le sol marocain, je suis censée me débrouiller par mes propres moyens.


— Bon ben au revoir. Finalement, ça n’a pas été trop dur de ne pas t’étrangler en cours de route, le salué-je.


Il prend une grande inspiration, comme s’il allait me déclamer tout un discours :


— Non, attends. Si tu franchis la frontière seule à cette heure, tu vas te faire emmerder. Je vais t’accompagner encore un petit peu. De toute façon, il est temps que je fasse une inspection surprise de certains fournisseurs.


Je ne peux pas dire que je lui fais confiance, mais pour l’instant il a été réglo. Je lui laisse le bénéfice du doute :


— OK, je dois rejoindre le Sahara occidental au plus tard le 5, tu peux me faire gagner du temps ?


— Je pense. Je peux déjà t’emmener à Chefchaouen pour commencer.


— Allons-y.


Nous franchissons le poste de frontière à pied et sans bagages. Je suspecte d’avoir vu Jésus faire un signe de tête aux gardes, mais je n’en mettrais pas ma main à couper. À la station de taxis Bab Sebta, il va discuter avec un groupe de chauffeurs et revient avec les clés d’un 4x4 Range Rover.


— J’ai pas conduit de la journée, je prends le volant, propose-t-il.


Il sait où il va autant le laisser faire. À ma grande surprise, je m’endors très rapidement et ne me réveille qu’une fois à destination.


Nous sommes en plein Rif, une région montagneuse majestueuse connue principalement pour ses cultures de cannabis. Des hommes armés nous accueillent au sein d’une de ces plantations. Ils nous conduisent jusqu’à un magnifique Riad respectant l’architecture traditionnelle marocaine. Nous franchissons une petite porte sculptée et peinte au lourd heurtoir de fer. À l’intérieur, arbres fruitiers, plantes décoratives, plâtre ciselé, et fleurs se combinent pour former un salon luxueux où nous accueille un homme en djellaba. Lui et Jésus se serrent la main et se gratifient d’une chaleureuse accolade comme de vieux amis.


Jésus me présente rapidement à Icham puis nous sommes accompagnés directement à nos chambres. Il est plus de 2 h du matin et je suis tentée de m’écrouler sur le lit sans cérémonie, mais je suis couverte de poussière et de sel. Les lourdes tentures et les nombreux coussins ne méritent pas d’être traités de la sorte. Je prends donc une douche rapide dans la salle de bain attenante sans vraiment apprécier la beauté du tadelakt. Trop fatiguée pour vérifier que je suis libre de mes déplacements et pas détenue prisonnière, je me glisse sous les draps et vole quelques heures de sommeil bien méritées. J’aurai bien le temps de m’évader demain si le besoin s’en fait sentir.


Bruno, j'arrive.

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46

46 commentaires

Ady Regan

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Il y a 9 mois

Finalement il n'est pas si mauvais ce jésus !

Le Mas de Gaïa

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Il y a 9 mois

Oui qui l'eut cru :)

Leo Degal

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Il y a 9 mois

Il a du répondant, ce Jésus 😂 Pour l'heure, tout semble se dérouler sans accrocs... Le calme avant la tempête ?

Le Mas de Gaïa

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Il y a 9 mois

Qui sait ;)

Gottesmann Pascal

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Il y a 10 mois

Mais quel charmeur ce Jesus il sait user des gentils mots pour arriver à ses fins. Au moins, maintenant, Gaïa est au Maroc. Il ne reste plus qu'à trouver Bruno.

Marie Andree

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Il y a 10 mois

Ca a l'air très beau là où elle a atterri, mais je ne sais pas si elle peut leur faire confiance...

Le Mas de Gaïa

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Il y a 10 mois

Oui dans ma tête c'est magnifique, contente que ça fonctionne. Pour le reste on va vite le savoir :)

Lys de Suys

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Il y a 10 mois

Like pour te remercier et te soutenir. 💖💐 J’adore ta manière de narrer ! Bravo à toi ! 👍👍

Le Mas de Gaïa

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Il y a 10 mois

Merci :)
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