Fyctia
Mec gentil ou connard finit ?
La dernière heure de la journée est toujours la plus longue, terminer par du droit constitutionnel n'aide pas à rester concentrée. Kat est couchée sur la table, la tête enfouie dans ses bras. Je profite d'être en amphi et sans la curiosité de mon amie pour analyser à mon tour les réseaux sociaux de Noam.
Ce ne fut pas une tâche aisée. Je ne connaissais ni son nom de famille, ni d'où est-ce qu'il venait ou bien qui étaient ses amis. J'ai bien mis 40 minutes avant de tomber sur son compte Insta via la page étudiante de la fac. Dessus, des photos de paysages pour l'essentiel. Quelques photos entre amis aussi, mais pas grand-chose. Il poste très peu. Une photo retient mon attention.
Elle date d'il y a trois ans et on y voit un Noam tout souriant. Son visage fait beaucoup plus enfantin que celui d'aujourd'hui et ses yeux sont différents. Ils sont plus lumineux. Ses traits sont moins figés, plus chaleureux. C'est étrange, mais j'ai l'impression de voir une toute autre personne. Le mec avec qui j'ai passé une heure était beaucoup plus moqueur. Le garçon devant mes yeux a l'air innocent.
Je reste bloquée plusieurs minutes sur cette photo avant de passer à la suivante. On y voit ses pieds chaussés de Vans usés par le temps. En dessous, on devine un skateboard. Je remarque un bracelet autour de sa cheville, des billes noires les unes après les autres. Un style vestimentaire différent de celui qu'il aborde aujourd'hui.
Il me trouve superficielle sur les réseaux. Je ne le reconnais pas sur les siens. Je regarde les dates d'un peu plus près. Il n'a rien posté pendant plus d'un an, pas une seule photo. Puis seulement une petite dizaine ces deux dernières années. Des photos où on ne voit plus son visage. La fracture est nette entre l'ado souriant qu'il était et le jeune homme plus mélancolique qu'il est devenu à travers ses photos. Ajouter à ça ses remarques sarcastiques...
Pas le temps d'étudier plus longtemps ce revirement de comportement. Un soudain brouhaha s'élève dans la salle et les étudiants se lèvent d'une seule vague. Kat se réveille enfin et s'étire le dos avec une grimace.
—Qu'est-ce que j'ai manqué ? demande-t-elle d'une voix ensommeillée.
—Rien d'intéressant, je lui réponds les lèvres pincées tout en verrouillant mon téléphone.
Je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas envie de partager ma récente découverte avec elle. Kat est une experte en homme, littéralement. Elle les connaît comme si elle était à l'origine de leur création. Elle pourrait me dire pourquoi un mec aussi adorable peut se transformer en un être arrogant-monsieur-je-sais-tout. Ou bien m'apprendre comment refouler les critiques de ce ledit mec.
Je fourre mon ordinateur dans mon sac et m'empresse de suivre les autres pour enfin retrouver l'air frais. Kat me suit, le nez rivé sur son portable où elle pianote à toute vitesse.
—Il te faut une nouvelle tenue pour vendredi soir. Demande à ton père de te passer sa carte bleue.
Je lui lance un regard sceptique, mais elle est trop concentrée dans son message pour le voir. Je marche à reculons et lui lance de ma voix la plus angélique et innocente.
—Bien sûre. "Papa, tu me files de l'argent pour que je puisse me refaire ma garde-robe et aller draguer de jolis garçons lors d'une soirée ?"
Kat lève enfin la tête de son écran et me fusille du regard.
—Pas de ça avec moi. T'as 20 ans, pas de boulot et tu vis chez papa et maman. Il faut bien te trouver de l'argent quelque part !
Je m'abstiens de lui souligner que c'est mon père qui refuse que je prenne un boulot à côté de mes études. A la place, je hausse les épaules l'air de rien et reprend une marche normale.
—Je n'ai pas le temps pour un boulot.
—Excuse-moi, j'adore les chiens, mais ceux ne sont pas des boules de poils qui vont te déflorer.
Je m'arrête net et regarde autour de moi avec frénésie.
—Mais t'es malade ! Parle plus fort, je crois que le mec à côté du distributeur ne t'a pas entendu ! Paniqué-je à voix basse.
J'aimerais éviter que des inconnus soient au courant de ma vie sexuelle ou plutôt, l'absence de ma vie sexuelle. Kat n'en a que faire et poursuit sa route sans se préoccuper de savoir si j'étais proche d'elle ou pas.
—Je veux dire, c'est ton problème ! Je te souligne juste que, pour y remédier, il va falloir faire un peu d'effort. Mens à ton père, dis-lui que c'est pour un gala de la fac, improvise !
Un problème à remédier. Mentir à mon père. Improviser. Je sens l'angoisse monter en moi. Je suppose que ce serait horrible de vomir dans une poubelle en plein milieu d'un couloir bondé. Pourquoi est-ce que l'on fait tout un plat de notre virginité ? Et pourquoi est-ce que je panique à l'idée même de sauter le pas ? Les filles autour de moi donne une image si cool et relaxe du sexe alors que mon estomac se tord à l'idée de me retrouver dans cette situation. J'ai l'impression de ne pas être normale. Il y a peut-être un truc qui cloche chez moi.
Et je ne peux pas mentir à mon père. Déjà parce que je suis nulle en mensonge et parce qu'il finira forcément par le découvrir. Je suis peut-être majeure, mais je vis toujours sous son toit et son toit, ses règles.
—J'ai déjà une tonne de fringues, pas besoin d'en racheter d'autres.
Je me trouve une excuse pour ne pas avoir à affronter les questions de mon père. Je le sais, elle le sait. Elle me dévisage deux secondes avant d'abdiquer.
—Très bien. Je passerais chez toi avant la soirée. Hors de question que tu échappes à mon inspection jeune fille.
Elle me pointe du doigt avant de reprendre sa route en un mouvement de hanche bien calculé. Je soupire. Personne ne peut échapper à la détermination de Katherine Roy. Plus vite on l'accepte, mieux on le vit. Sa détermination est sans faille et vous bouffe à vos dépends.
Elle viendra chez moi et je porterais mes vêtements. Mine de rien c'est une victoire. Elle aurait pu m'obliger à porter ces ceintures à paillettes plus communément appelées mini jupes par ici. Il n'y a plus qu'à espérer qu'elle ne me transforme pas en pot de peinture et tout ira bien.
Sur le chemin du retour, alors que j'observe le paysage défilé à travers la vitre du bus, mon portable m'annonce l'arrivée d'un message. L'icône de Messenger s'affiche et mon cœur loupe un battement quand je vois le nom apparaitre. Alors comme ça il s'appelle Noam Brett ? J'ouvre le message et voit un lien vers une de mes photos Instagram avec juste en dessous, trois points qui clignotent. Son message apparait enfin.
Je rêve où tu as mangé des escargots ???
Je souris comme une débile devant mon portable. Je vois de quelle photo il s'agit. Mon voyage en France touchait à sa fin et je me suis lancée le défi de vivre tous les clichés parisiens pour mon dernier jour. Manger ces bêtes caoutchouteuses n'était pas le plus fun. Mon téléphone vibre une seconde fois.
Troisième point à ajouter à ma liste : Cassie est aventureuse.
19 commentaires
E.S Line
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Il y a 7 ans
Lollly
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Il y a 7 ans
Tempérance.B
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Il y a 7 ans
Rayenn Timeo
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E.S Line
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Laureline Maumelat
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Il y a 7 ans
Mymy M. *Sakuramymy*
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Il y a 7 ans
E.S Line
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Il y a 7 ans
Marie WYATT
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Il y a 7 ans
Marie WYATT
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Il y a 7 ans