Fyctia
Première analyse
-Quel est le problème avec ma coupe de cheveux ? -
Un rire s’échappe de mes lèvres en voyant ce nouveau message s’afficher. Mauvaise idée, des gouttes de dentifrice suivent le mouvement et viennent s’écraser sur mon miroir. Je les essuie avec mes doigts dans l’espoir de ne pas laisser plus de traces. Ma mère est une maniaque du nettoyage et elle risque l’arrêt cardiaque à la moindre poussière. Autant éviter une crise.
Je me rince la bouche et seulement une fois l’haleine fraîche, je réponds à Noam.
-Ils sont libres et insouciants. Bien loin de tes cheveux actuels, emprisonnés par tout ce gel. -
Je tape rapidement tout en rejoignant ma chambre. La maison est vide en ce jeudi matin et mes cours ne commencent que dans plusieurs heures. Je tente de bosser sur un devoir à rendre, mais les messages incessants de Noam m’empêche de me concentrer.
Depuis hier soir, il a décidé de m’envoyer toutes ses profondes réflexions concernant mon Instagram, ce qu’il y voyait et comment il l’interprétait. Je me suis prise à son jeu, avec moins d’efficacité, je dois bien l’avouer. Il a l’art et la manière d’appuyer là où il faut, avec la dextérité d’un expert.
Je me jette sur mon lit et reprends le cours de ma dissertation. Entre deux explications de lois, je vérifie mon écran.
-Je prends soin de mes cheveux. Tu ne peux pas critiquer sans les avoir touchés. Ils sont aussi doux que les fesses d’un bébé ! -
-Parce que tu as déjà touché les fesses d’un bébé ? Je ne suis pas encore avocate, mais je connais les lois. Dois-je te dénoncer auprès de la protection des enfants ? -
La réponse se fait immédiate et m’amuse.
-Ah ah. Tu as l’humour d’une avocate et le look qui va avec. -
-Je prends ça pour un compliment. Une grande avancée dans nos discussions vu tes précédentes descriptions. -
J’attends sa réponse, mais elle ne vient pas. C’est assez frustrant. Il m’a habitué en seulement un jour à des réponses immédiates. Il m’attaque, je réponds, je l’attaque, il me répond. Je commence à prendre goût à ce petit jeu. Au bout de deux minutes à vaguer sur les autres applications, je finis par reposer mon téléphone sur le lit et tente de revenir à mon devoir. Peine perdue, mon esprit est ailleurs et à l’affût de la vibration caractéristique de mon portable.
Le temps passe. Je termine tant bien que mal mon devoir et au moment où je clique sur le bouton envoyé, un nouveau message arrive.
-Tu manges que des trucs verts et des machins ressemblant à des graines. Suivrais-tu la tendance « healthy » qui pollue notre merveilleuse food porn ? -
Je ricane, car je devine son air blasé derrière son écran. Compte tenu de notre rencontre toute récente, je trouve ça flippant ! Je m’apprête à lui répondre, mais garde mes pouces figés par-dessus le clavier. Y a-t-il une règle de temps à respecter avant de répondre à un message ? Kat me dirait probablement oui. Ne pas se précipiter surtout si le gars en question a mis presque une heure à répondre. Tu aurais l’air désespéré.
-Ma mère est obsédée par tout ce qui est sain et bio. J'ai grandi avec une carotte dans la bouche à la place de sucettes. -
-Donc ton enfance a été malheureuse. -
-Pas vraiment. On peut vivre heureux sans sucres, je t'assure. -
Mon enfance était spéciale, mais pas triste. Ma mère m'a toujours imposé un régime alimentaire stricte. C'est pesant lorsque l'on est plus jeune, mais quand on grandit, on apprend à récupérer des sucreries par-ci par-là. Manger sainement devant sa mère, se gaver de junk food le reste du temps. Ce petit manège s'est compliqué à l'adolescence quand ma mère veillait au grain à mon apparence. Pas de gras, pas un kilo en trop, je me devais d'être au top de ma forme.
-Tu dis ça car tu n'as jamais goûté au Milkshake double chocolat de chez Betty's. -
Je me mordille la lèvre. Apparemment, il est possible de saliver à l'idée de sentir ce doux et épais mélange couler sur sa langue. C'est triste à dire, mais je ne me rappelle pas de la dernière fois où j'en ai avalé un.
-Et toi tu n'as jamais goûté au délicieux mixe de ma mère : épinard, ananas et banane. -
-Je passe mon tour. -
En vrai, ce n'est pas si horrible. On s'habitue vite au goût.
Il est bientôt midi et je dois encore me préparer à manger avant de me rendre en cours. Portable en main, je dévale les escaliers et vient fouiller dans le frigo à la recherche de nourritures. J'attrape une boîte avec des nouilles sautés aux légumes et la fourre dans le micro-onde. Pour ne pas changer mes bonnes habitudes, je traîne sur Instagram le temps de la cuisson.
Je passe les images les unes après les autres, like, commente jusqu'à tomber sur la photo. Une nouvelle photo de Noam, probablement prise hier. Il porte la même tenue. Sa semelle de converse est en gros plan, on le voit sauter du haut d'escaliers. Ses jambes sont comme en apesanteur, pointées vers la caméra. Je reste bloquée sur cette photo. Elle est folle. Elle est absurde. Elle est canon. Détail non négligeable, son expression mi amusée et nonchalante. Ce mec a l'air serein même lorsque la situation ne s'y prête pas.
Le four à micro-onde sonne. Je récupère mon repas d'une main et me brûle les doigts au passage. Je les secoue frénétiquement en tentant d'apaiser la douleur en soufflant dessus. Pas très efficace. Il vaut mieux attendre quelques minutes supplémentaires avant d'infliger la même sentence à ma langue. Assise sur un des tabourets du comptoir, je récupère mon téléphone et envoie à Noam sa propre photo.
-Plutôt stylée. Un peu dangereux pour le photographe, mais le rendu est là.
Sa réponse est immédiate.
-Ravi que cela te plaise. Je l'ai posté rien que pour toi.
Surprise de sa réponse, je reste la bouche entre ouverte, ma fourchette de nouille à mi-chemin de mes lèvres. Il me faut une demi seconde de plus pour comprendre qu'il se moque de moi. Mes nouilles avalées, je lui réponds.
-Ca me touche. Je suis contente de voir qu'en un seul jour, j'ai réussi à t'inspirer. Peut-être que tu deviendras un AS d'Instagram grâce à moi. -
-C'est ton ambition ? Avec toutes ces belles photos, ces selfies parfaits et ces centaines de like ? -
Et revoilà le Noam condescendant. Je ne lui réponds pas. Je ne comprends pas pourquoi il revient toujours à la charge. Il peut être sympa quand il veut. J'ignore la sensation désagréable qui s'installe dans mon estomac et tente de finir mon plat. Trois bouchées de plus et j'abandonne l'idée. Il est déjà l'heure de partir de toute façon. Le reste de nourriture finit au fond de la poubelle et la boîte dans l'évier.
Mon sac est dans l'entrée. Je récupère mon manteau ainsi que les clés, fin prête à partir. Un grand miroir plein pied est installé dans le l'entrée, juste en face de notre grande porte.
Avant de quitter la maison, je vérifie une dernière fois ma tenue. Tout est parfait.
14 commentaires
Lollly
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Il y a 7 ans
Estelle Miccoli
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Il y a 7 ans
E.S Line
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Il y a 7 ans
Rayenn Timeo
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E.S Line
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Laureline Maumelat
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Il y a 7 ans
Mymy M. *Sakuramymy*
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Marie WYATT
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Caro Handon
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Lydia4818
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Il y a 7 ans