Fyctia

Matthew était là, face à nous et tout le monde cessa de parler. Son regard se porta sur moi, il me détailla longuement, j'avais la sensation qu'il essayait de comprendre ce que je faisais ici, qu'il essayait de lire en moi.

Cet homme avait disparu deux ans auparavant, il avait tout quitté Harvard, sa famille et ses amis pour être transféré à Yale. Mon monde s'est effondré lorsqu'il m'a laissé cette lettre à notre appartement, à mon réveil.

Elbeth, mon amour.

Si tu lis ces mots, c'est que j'ai enfin eu le courage de partir, de te quitter et de cesser de te faire souffrir. Je sais que lorsque tu termineras de lire cette lettre, tu me détesteras et je le comprendrais. Seulement, je n'ai pas eu le choix, il arrive à moment dans ma vie où j'ai dû faire un choix. Tu ne comprendras sans doute pas les raisons qui me poussent à partir et à suivre les traces de mon père, mais je le dois.

Depuis ma naissance, on n'a fait de moi ce que je suis, un homme droit, autoritaire et discipliné. Tout pour moi doit être ordonné et réglé à la minute près. Je sais que tu as réussi à toucher cette part de moi, qui rêvait d'amour, de bonheur et de liberté et je ne peux plus te laisser faire parce qu'elle prend le dessus et je ne peux pas l'accepter.

Lorsque je t'ai rencontré, tu étais tout ce que je détestais. Dans ce taxi, tu m'as rendu fou de rage, dans ta manière de toujours tout simplifier, de toujours tout voir du bon côté. Tu semblais si positive, mais ton visage ne montrait qu'une fille fragile et brisé. Aujourd'hui, je ne sais toujours pas comment tu as pu tout remettre en question, mais je suis tombé amoureux de toi. Plus les mois avançaient et plus je savais que je devais tout arrêter, mais j'ai été égoïste et je te voulais pour moi.

Elbeth, je ne pourrais jamais officialiser notre relation, je n'aurais jamais la force nécessaire pour décevoir mon père, maintenant que maman est morte, il compte tellement sûr moi.

Je suis tellement désolé, c'est deux ans et demi à tes côtés ont été les plus belles de mon existence, merci pour ces instants. Grâce à toi j'ai pu goûter à la liberté et à l'amour.

Je t'aime, j'espère que tu trouveras la force de me pardonner.

Adieu.

Matthew.

Soudain, je me sens submergée par toutes ses émotions, tout ce que j'ai pu vivre aujourd'hui, la colère et la tristesse qui m'ont envahi et je me sens défaillir. Mes jambes me lâchent et la dernière image que je vois c'est le corps de Matthew qui s'avance vers moi.

Je ne sais pas combien de temps, je suis restée inconsciente, j'ai fini par ouvrir les yeux alors que la lumière de la pièce me gêna. Je dus attendre deux bonnes minutes pour m'habituer et la pièce devint plus net. Les murs de la chambre étaient blanc, l'odeur gênante et une douleur dans mon bras me fit comprendre qu'on m'avait perfusé. J'étais à l'hôpital, essayant encore de comprendre ce qui venait de se passer. Je tournais la tête vers la fenêtre et Matthew était assit sur la chaise à côté de moi, endormi.

Je ne pus que le regarder, en deux ans il avait l'air d'être un autre homme, son costume lui allait parfaitement. Elle laissait entrevoir les courbes de son buste, il était carré des épaules et il en imposait. Son visage semblait fatigué. Ses cheveux étaient courts, d'un noir corbeau, je me souvenais que cela avait le don de renforcer le bleu de ses yeux. Après deux ans, il produisait toujours le même effet sur moi, mon cœur se serra pourtant à le voir face à moi. Je lui en voulais tellement d'avoir brisé notre avenir, de m'avoir abandonné. Ses yeux finirent par s'ouvrir et on resta à s'observer longuement, aucun de nous n'osa briser ce silence. Je ne savais pas quoi lui dire, après tout il était parti, il avait choisi de me quitter alors ce n'était sûrement pas à moi de parler. Alors, au bout de dix longues minutes, il mit fin à la tension qui s'était faite inviter de cette scène.

_ Comment tu te sens ? Les médecins disent que tu as fait une chute de tension, tu es anémique Elbeth, tu dois reprendre des forces.

_ D'accord.

Il se leva et se mit à marcher dans la chambre, il semblait soucieux alors que je voyais bien qu'il avait pourtant un tas de choses à me dire.

_ Alors, comme ça, tu as épousé Johan. Moi qui pensais que tu détestais les hommes comme lui.

_ Comme vous, tu veux dire. Car finalement tu ne vaux pas bien mieux que ton frère si mes souvenirs sont exact.

_ Johan et moi, nous n'avons rien en commun c'est un gamin qui ne pense qu'à lui.

_ Parce que toi, tu n'as pas été égoïste en décidant à ma place et en choisissant de me quitter comme ça.

_ Beth, je n'ai pas envie de parler de ça avec toi, ça ne servirait à rien.

_ Ah vraiment ?

Je voyais que rentrer dans ce sujet le mettait dans tous ses états, il avait soudain reprit cette apparence de fils à papa, il se fermait à tout dialogue et à toute discussion. Je détestais toujours autant lorsqu'il faisait ça mais, dans l'état dans lequel j'étais je n'avais pas la force de me battre avec lui. Je n'étais pas assez forte pour lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. Ce n'était ni le moment, ni l'endroit.

_ Est-ce que tu l'aimes ? Johan ?

Tout ce qui allait se passer par la suite ne dépendait que de cette réponse. Si une part de moi aurait voulu lui dire la vérité, lui révéler le chantage diabolique de son frère, une autre celle à qui il avait brisé le cœur voulait le voir souffrir. Matthew comptait toujours pour moi, il était le seul homme que j'avais aimé, le seul à qui j'avais accordé ma confiance et à qui j'avais offert mon amour. Le revoir réveillait toute cette souffrance liée à notre rupture, mais aussi tous les bons moments, tout l'amour que nous avions eut l'un pour l'autre.

_ Oui.

Il ancra son regard dans le mien et il me fallut énormément de courage pour maintenir son regard, pour ne pas craquer et me jeter à nouveau dans ses bras. Pour ne pas céder aux sentiments que j'avais encore pour lui. Matthew serra la mâchoire puis il disparut en claquant la porte. À cet instant mon monde s'est effondré, les larmes je n'ai pas su les retenir et j'ai craqué.