Cléoda Iseth Un hiver mouvementé Chapitre 6.3 : Elle

Chapitre 6.3 : Elle

Mon collègue d'un soir me tend une boîte rose poudrée, un air de dégoût collé au visage puis retourne à son service. Je dénoue le ruban en satin et soulève le couvercle. Une tenue de serveuse à la bonne taille m'attend avec un badge destiné à une certaine Luna. Un sourire pourfend mes lèvres. Lydia a tout prévu.


Ce nom de code à l'arrière-goût d'espionnage me plaît. J'ai l'impression d'être en mission secrète sous couverture pour enquêter sur les dessous de la haute société parisienne. Je déplie l'uniforme et des sous-vêtements en dentelle rouge en tombent ainsi qu'une petite carte dorée.


« Surprise ! J'espère que le cadeau te plaît. Fais-en bon usage ! »


Ce clin d'œil étire encore plus mes lèvres. Lydia m'étonne à chaque fois que je pense qu'elle ne peut plus me surprendre. J'ai bien fait de ne pas faire demi-tour et surtout de venir. Habillée en employée modèle, je me rends aux cuisines et la chef de salle me donne un plateau rempli de coupe de campagne en cristal. Je bénis mes petits boulots de jeunesse en cet instant et mes séances de sport hebdomadaires à la salle.


Aux milieux de ce flot d'invités, j'analyse leurs comportements, leurs façons de parler, leurs gestuelles, leurs relations, en demeurant la plus invisible possible. Car c'est ce que je suis pour le moment, une fille insignifiante. Un fantôme qui attend son heure pour posséder la scène.


La soirée se déroule à merveille. Je croise plusieurs fois Lydia qui m'offre clins d'œil et sourires à foison. Mes lèvres s'étirent légèrement plus quand je la remarque, toutefois je ne perds pas de vue de mon objectif. Mode Reconnaissance activé !


— Elle ! s'exclame une voix que je reconnaîtrais entre mille.


Je me retourne et tombe nez à nez avec James absolument merveilleux dans son costume bleu caviar. Ses cheveux bruns relevés en arrière lui confèrent un air sophistiqué et la subite envie de plonger mes mains entre ses mèches et de les ébouriffer me prend. J'aimerais lui arracher sa cravate et l'embrasser avec fougue. Mais ce n'est ni le lieu ni le moment de se perdre dans des fantasmes.


Je m'applique au mieux à conserver une expression neutre. Une coïncidence. Ce n'est qu'une simple coïncidence qui ne me perturbe en rien, me rassuré-je. J'aurais quand même dû me douter qu'il serait l'un des invités de Lydia. Que va-t-il penser de sa responsable de secteur qui joue à la serveuse le weekend sous une autre identité ? Professionnalisme zéro. Portefeuille un.


Mon sourire se crispe malgré toute ma volonté. Je ne sais pas comment réagir, mon cerveau me hurle de m'enfuir en courant, mais impossible d'anéantir les quelques morceaux encore intacts de mon image. Il ne me reste plus qu'une unique solution. Mode Entreprise, sauve-moi !


— James, quelle coïncidence ! m'exclamé-je.


Mes dents se desserrent et plus aucune trace de tension n'étire mes lèvres, je transpire la confiance. Mon arme secrète dégainée, ma fragile carapace n'a plus rien à craindre.


— J'ai eu un doute pendant instant, mais c'est bien toi. Je ne pensais pas te voir ici. Qu'est-ce que tu fais là ? Et pourquoi tu t'appelles Luna ? s'esclaffe-t-il.


Un scénario prend forme dans mon esprit et avec la plus grande décontraction, je sors l'une de mes meilleures excuses à ce jour. Mon plus beau mensonge, mais qui le devinera à part le vilain karma ?


— Eh bien, une amie devait travailler ce soir et m'a suppliée de la remplacer. Une absence lui aurait coûté sa place dans sa boîte de prestation et je n'ai pas pu lui refuser. Ils n'ont pas eu le temps de changer le nom sur le badge comme le changement s'est fait au dernier moment. Je m'appelle donc Luna pour la soirée.


— Oh, je vois, tu as vraiment le cœur sur la main... Fais attention de ne pas te le faire voler. Parce que je peux déjà te dire que tu ne laisses pas certains gentlemans indifférents, me souffle-t-il.


Et c'est sur ce clin d'œil, son rire merveilleux, sa bouille absolument craquante qu'il me laisse aussi rouge que le kir baignant dans les coupes de champagnes. J'aurais pu lui répondre, le retenir, lui demander s'il s'incluait parmi les gentlemans en question, mais la reconstruction de mon image passe avant tout et j'ai besoin de retrouver de la distance avant de la réduire au néant.


J'inspire profondément, me reprends et mes légères rougeurs disparaissent comme si de rien n'était. Je m'attends à voir Lydia surgir de nulle part et me clouer au mur. À la place, je la trouve au bras de James. Ils forment un magnifique couple tous les deux et déambulent au milieu de la galerie en véritables stars. C'est un show et je ne suis pas la seule à qui il s'avère destiner. Lydia marque son territoire et beaucoup de visages s'assombrissent à leur passage. J'aimerais beaucoup me faire toute petite et écouter leur conversation, cependant les mille euros ne tomberont pas du ciel et faire mon travail correctement, peu importe duquel il s'agit, me tient beaucoup à cœur.


La soirée touche à sa fin et la salle se vide de ses invités plus ou moins éméchés. Je me décharge enfin de mon plateau et au lieu de suivre les autres serveurs jusqu'aux vestiaires à qui je n'ai pas parlé une seule fois, retourne à l'intérieur de la galerie pour une dernière visite. Un tableau m'a fait de l'œil toute la soirée, cependant impossible de le contempler devant tout ce beau monde. À peine ai-je le dos tourné que j'entends certains de mes anciens collègues se vanter d'avoir obtenu quelques numéros de téléphone prisés.


Je lève les yeux vers le troupeau d'éléphants au bord de l'eau dont les trompes s'agitent sous un coucher de soleil ocre-orangée. Je sors mon téléphone du travail et le prends en photo le plus discrètement possible. Mon cœur bat à cent à l'heure comme si je commettais un crime, cependant l'obtenir pour mon futur fond d'écran d'accueil se trouve beaucoup trop tentant.


Mon méfait commis, je recule d'un pas pour une meilleure vue d'ensemble et écrase le pied de la seule personne que je ne voulais pas voire ce soir. Ses iris verdâtres s'écarquillent autant que les miens quand il me reconnaît. Ses traits se tordent d'aversion et il esquisse un pas de recul comme si ma seule vue l'avait brûlé.


Avant que ce vaurien ne parte, j'attrape son bras et enfonce mes ongles dans sa veste de costume bleu marine qui fait ressortir le blond de ses cheveux légèrement plus courts sur les côtés. Nous avons des comptes à régler et il ne s'échappera avant de payer ses dettes.


Sa large main s'empare de mon poignet et il se soustrait à ma prise avec une facilité qui me tape sur les nerfs. Il soulève mon bras, attrape mon second et m'attire vers lui, un sourire démoniaque enlaidissant son visage d'ange trompeur. Je ne peux absolument pas bouger. Ses lèvres charnues s'approchent de mon oreille et mon corps entier se fige.

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3 commentaires

Cirkannah

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Il y a 4 ans

Oh oh le retour du démon 👹😜

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Hehe et oui ^^

Princilia Daci

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Il y a 4 ans

Tu nous annonces un affrontement qui fera des étincelles dans le chapitre suivant qu'il me tarde de découvrir... Je trépigne d'impatience !
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