Cléoda Iseth Un hiver mouvementé Chapitre 6.4 : Elle

Chapitre 6.4 : Elle

— Elle Sevigny, je suis dans l'obligation de vous confisquer ce téléphone.


La tension paralyse mes muscles, impossible de ne serait-ce que respirer. Il attrape mon portable et se barre. Quand je reprends mes esprits, il est déjà loin. Mes sourcils s'arquent et mes poings se serrent. Je n'en reviens pas, il m'a encore volé mon téléphone et cette fois-ci je l'ai laissé faire. Pourquoi ? Pourquoi ne lui ai-je pas asséné mon coup spécial ? Il ne s'en serait pas relevé et je l'aurais eu complètement à ma merci...


Les lamentations et les regrets ne me mèneront nulle part, ce n'est que partie remise. Qui rira bien rira le dernier. Lundi soir, je récupèrerai mes deux téléphones, mon portefeuille et j'obtiendrai excuses et dédommagements. Malgré la courte durée de notre affrontement, il ne portait pas les vêtements d'un serveur, il appartenait aux invités. Je pensais qu'il n'était qu'un petit merdeux de gosse de riche vu la bouteille de vin commandée la dernière fois, mais c'est un bien plus gros poisson.


Il appartient au cercle très fermé de la jeunesse dorée parisienne. Autant dire qu'il n'aura aucune difficulté à banquer pour se faire pardonner. Je pourrais me sentir mal d'extorquer une personne innocente, mais ce n'est pas son cas et j'aurais l'aide de mon otage préféré si les négociations tournent mal. Je vais devoir réfléchir à une stratégie d'attaque sur mes temps de pause.


Je retourne aux vestiaires des employés déserts et me rhabille. Le cadeau de Lydia ne m'aura pas servi à grand-chose, mais peut-être aurais-je une occasion prochaine de mettre à profit cette dentelle rouge et déjà les prémices d'un plan démoniaque se forment dans mon esprit. Je quitte la galerie, mes neurones bouillonnants et tombe sur James et Lydia en train de s'embrasser sur le pas de la devanture vitrée. Le refroidissement se trouve immédiat. Les lèvres de mon homme parfait se sont-elles faites kidnappées ?


Cachée derrière un pilier, j'observe ma rivale à sens unique retourner dans l'aile du personnel. Une fois sûre qu'elle ne reviendra pas, je sors de l'ombre et mon chef se retourne vers moi.


— Elle, tu es encore là ? me demande-t-il, une pointe de surprise dans la voix.


— Oui, je terminais de me changer.


— Je vois que personne ne t'a kidnappé, j'en suis très heureux. Je ne voudrais pas que tu te surmènes.


Un rire m'échappe. Un rire contrôlé et maîtrisé. Même si intérieurement je fonds sous ses mots. Nous avançons jusqu'à l'extérieur et nous arrêtons au bord du trottoir.


— Ne t'en fais pas, je sais prendre soin de moi. Alors qu'as-tu pensé de cette inauguration ? l'interrogé-je, sans rien montrer de mon trouble.


L'activation de mon mode Entreprise avec James s'avère bien plus facile qu'avec l'autre petit merdeux. Elle est automatique. Sans faille. Et je ne permettrai pas un écart de comportement face à lui.


— J'ai beaucoup aimé ! Le frère de Lydia a le nez pour dénicher de vraies perles. D'ailleurs, dis-moi, à défaut d'avoir trouvé un gentleman à ton goût, un tableau a-t-il retenu ton attention ?


— Ils étaient tous incroyables, ce serait bien trop difficile de n'en choisir qu'un.


Bien sûr, c'est faux, j'ai déjà fait un choix que ce soit pour le tableau ou le gentleman. Toutefois un avis trop tranché pourrait me nuire et je me vois mal flirté avec mon chef. Il a plutôt été clair la dernière fois et je ne voudrais pas qu'il se méprenne sur mes intentions. Du moins, pas encore.


— Elle, tu es le politiquement correct à l'état pur que ce soit au travail ou en dehors et c'est un trait de caractère que j'apprécie chez toi, mais tu n'as pas besoin de te comporter ainsi avec moi ou dans notre bâtiment. Tu sais quel sera ton prochain challenge ? J'aimerais que tu apprennes à exprimer tes sentiments, je veux que tu donnes tes ressentis et tes feedbacks à tous les membres du bâtiment sans avoir peur de les vexer. Aide-les plutôt à s'améliorer en leur faisant part de tes observations et de tes analyses, je sais que tu as l'œil pour ce genre de chose.


Je reste bouche bée. La culture américaine me semble tout à coup bien loin et je sens que les prochains mois seront compliqués. Mon mode Entreprise risque d'avoir dû mal à faire la mise à jour.


— Alors ?


— Bien sûr, James. C'est avec plaisir que j'essayerai !


Pourquoi me demande-t-il la seule chose que je déteste par-dessus tout ? Pour la première fois depuis notre rencontre, l'envie de l'insulter saisit mes cordes vocales, néanmoins je les retiens. Ce ne serait pas très politiquement correct, une très mauvaise façon de m'exprimer et je ne peux pas frapper mon chef juste parce que ce qu'il me dit ne me plaît pas.


— Tu ne vas pas essayer, tu vas réussir !


Il m'embrasse sur la joue et me souhaite une bonne nuit avant de prendre un taxi.


— Oh et j'allais oublier, cette robe te va à ravir ! me lance-t-il avant de fermer la portière.


Ma colère s'envole aussitôt. Et mince, je suis incorrigible. Tu parles de signaux contradictoires. Je ne sais plus sur quel pied danser. Un jour notre relation n'ira pas au-delà du travail, un autre il me balance compliment sur compliment et m'embrasse. Sur une joue, mais une seule et pas deux. La distance s'est-elle réduite trop vite ou serais-je capable de suivre le rythme sans me briser les ailes ?


Des papillons dans l'estomac, je m'agite dans tous les sens jusqu'à ce qu'un autre taxi daigne s'arrêter. Jules me rejoint avant que la portière ne claque et retarde mon départ en carrosse.


— Lydia souhaite que je te passe un message comme tu ne réponds pas à ton téléphone. Elle te donne rendez-vous au salon de thé Kitsune demain à seize heures. Apparemment, elle doit te parler, c'est important. Je crois qu'elle n'a pas trop apprécier que James t'embrasse vu la tronche qu'elle a tiré. Bref, c'était assez drôle à voir. Par contre, pas sûre que tu fasses encore partie des amies de notre responsable du personnel...


Son discours s'étire, mais mes neurones ne le suivent plus. Le karma a frappé bien plus tôt que prévu et la magie de Noël ne m'a absolument pas sauvée, elle m'a laissée m'enfoncée dans la merde jusqu'au cou. Je suis enterrée aux côtés des racines des troncs de sapins violement décimés dans le but de rejoindre les salons de millions de personnes.


Je me renfrogne intérieurement, même si de l'extérieur, je ne laisse rien paraître. Je dois me contrôler et sourire. Toujours sourire. Alors je souris à ce serveur qui n'en absolument rien à foutre et qui me laisse tranquille après une éternité. La portière claque enfin, le chauffeur démarre et avant qu'il ne parle je prends les devants en l'informant de mon état de fatigue monstrueusement important. Tous mes plans pour demain tombent à l'eau. Une réorganisation et un état de crise s'imposent de toute urgence.

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3 commentaires

Firenze

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Il y a 4 ans

Coups de pouce avant la fin du concours. Si tu aimes les thrillers, je t'invite à découvrir mon histoire "Underground".

Jane Moody

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Il y a 4 ans

Vite, vite la suite, je suis en manque là ! ^^ Est-ce qu'Il va ouvrir un phone shop avec la collection de portables qu'il vient de débuter ? Est-ce que Elle va rendre la monnaie de sa pièce à cet allumeur de James ? James est-il gay ? Lydia va-t-elle empoisonner Elle et faire disparaitre son corp en la jettant dans un fossé déguisée en Mère Noël ? :)

Fanfan Dekdes

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Il y a 4 ans

Houlà ça sent le je fais table rase, on repart compteur à zéro et après on se met en mode warrior ! C’est pas clair hein... mais je me comprends )
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