Cléoda Iseth Un hiver mouvementé Chapitre 5.2 : Elle

Chapitre 5.2 : Elle

— À quand remonte votre première rencontre ? Racontez-moi comment ça s'est déroulé ?


J'inspire profondément et les battements affolés de mon cœur se calment. Tout va bien se passer, débobiné-je en boucle comme une vielle cassette audio. Je me lance dans le récit de mon entretien avec James sur le ton le plus neutre possible, en omettant quelques détails.


— C'est ainsi que j'ai rencontré Lydia pour la première fois, terminé-je, le souffle court.


Le front plissé, le Père Noël tripote sa barbe. Pourvu que je l'aie convaincu.


— Qu'est-ce que vous avez ressenti ce jour-là ?


Sa question me déstabilise beaucoup, mais je maintiens ma contenance, enfin je l'espère. Les mots de James me reviennent tout à coup. « J'espère que tu comprends que je n'ai pas d'autres intentions que travailler avec toi. » C'est parfait.


— J'admire énormément mon chef. C'est un homme brillant auquel j'aspire à ressembler et je sais qu'à ses côtés, je serai capable de me développer professionnellement et d'en apprendre beaucoup sur le management et la gestion d'équipe.


Il me scrute de la tête au pied et plonge ses yeux bleu azur dans les miens. Je soutiens son regard destructeur et après un moment interminable il me demande :


— Donc vous ne ressentez rien de plus pour lui ?


Mentir en regardant droit dans les yeux le Père Noël est plus que perturbant et j'espère que ça ne m'attirera pas les foudres épineuses des sapins.


— Je le considère comme un modèle et je suis loin d'être assez bien pour lui. Jamais je ne le serai et je ne convoite pas cette place.


— Vous semblez honnête, mais que se passerait-il s'il venait à s'intéresser à vous ? Accepteriez-vous ses avances ou le repousseriez-vous ?


Un ange passe mais il ne s'arrête pas en chemin, il se dirige droit vers son sapin et aucun être humain n'est assez important pour le mettre en retard.


— Je ne me répèterai pas deux fois, me menace-t-il telle une tempête de neige sur le point d'éclater. Comptez-vous...


— Papa ! s'écrie une voix suraiguë.


— Lyly, mais que fais-tu ici ? Je t'avais demandé de ne pas descendre ! Amory, remettez-lui le sac sur la tête immédiatement.


En moins de temps qu'il ne lui en faut pour le dire, le colossal lutin vert dénommé Amory s'exécute et je me retrouve à nouveau plongée dans les ténèbres. Un vent blond comme dernière image.


— Je suis venue récupérer Elle, lâche Lydia.


— Je n'ai pas terminé son interview ! s'offusque le Père Noël.


— Mon oncle, intervient une voix étrangement familière.


Cependant impossible de me rappeler où je l'ai déjà entendue. Peut-être mon cerveau s'amuse lui aussi à me jouer des tours.


— Si je puis me permettre...


— Non tu ne peux pas te permettre ! Raccompagne Lyly en haut ! ordonne le Père Noël en colère. Tu n'aurais pas dû la faire descendre !


— Papa ! Il suffit ! Ce n'est pas la faute d'Il, je l'ai forcé à m'accompagner et m'ouvrir le sous-sol donc je t'interdis de l'en tenir responsable ! Vraiment, papa, ne me penses-tu pas capable de m'occuper de ma propre concurrence ? Je ne suis plus une enfant et j'ai été à bonne école. Je ne t'ai jamais demandé ton aide et je n'en ai nullement besoin. Laisse-moi gérer mes affaires personnelles comme je l'entends !


Un second ange passe, déterminé à rejoindre le premier pour souffler ses trompettes à ses côtés. Bien trop pressé à l'idée de jouer sa mélodie joviale et ensorcelante, il ne jette pas un coup d'œil en bas.


Je sens des doigts s'atteler à me détacher et un souffle de soulagement me renverse presque.


— Lyly, implore la voix brisée du Père Noël.


— Je récupère Elle et je ne veux plus que tu t'en mêles, est-ce clair ? tranche-t-elle. Suis-moi, me murmure-t-elle à l'oreille.


Encore sous le choc de cette altercation d'une autre dimension, j'obéis. Nous montons des escaliers en silence et encore une fois, je ne rate aucune marche par miracle, puis nous nous arrêtons.


— Bon, Lydia, je te laisse, j'ai à faire, l'informe la voix de celui qui n'a vraiment servi à rien à part de porte-clés.


— Merci pour ton aide et ne t'inquiète pas, Papa ne te le reprochera pas.


Les pas s'éloignent et je me retrouve seule avec Lydia, enfin je suppose, puisque je suis toujours privée de ma vue.


— Euh, Lydia, tu penses que je peux retirer le sac que j'ai sur la tête ?


— Bien sûr ! Vas-y.


Libérée, je revis et découvre un hall d'entrée immense avec un mur végétal. De fins filets d'eau coulent le long des plantes tropicales et un agréable chant d'oiseau se mêle au courant.


— Je suis tellement désolée, Elle, me surprend Lydia. Je... j'ai simplement partagé mes inquiétudes avec Papa, jamais je n'aurais pensé que ça déraperait autant et je ne savais absolument pas qu'il comptait te kidnapper. Je m'en suis rendue compte en même temps que toi et c'était trop tard pour l'arrêter. Il peut vraiment être borné parfois. Je... je sais que je peux passer pour une pimbêche écervelée, mais ce n'est pas ce que je suis. J'ai un cœur et... et... il bat pour James, sauf qu'il semble beaucoup s'intéresser à toi et... je... je n'aurais pas dû en parler à mon père quand je sais à quel point il peut être extrême par moment. Tout ça pour dire que, s'il te plaît, accepte mes excuses.


Lydia qui s'excuse : quelque chose à graver dans les mémoires. Vraiment, je ne m'attendais pas du tout à ça d'elle et je suis un brin touchée par ses paroles. En soi, personne ne m'a blessée, je ne suis pas morte et je vais pouvoir rentrer chez moi en un seul morceau avec des veines gorgée d'adrénaline pour plusieurs semaines et une histoire que je ne pourrais raconter qu'à moi-même.


— Écoute...


— Je savais que tu ne pourrais pas me pardonner ! s'écrie-t-elle en drama queen excessive.


Le dos de sa main se plaque sur son front et elle fait mine de s'évanouir. J'ouvre la bouche, mais elle me coupe une seconde fois et poursuit son mélodrame.


— Et je te comprends parfaitement ! J'en aurais été incapable moi aussi. Ce que tu as vécu est un réel traumatisme, et ce ne sera sûrement pas suffisant pour me rattraper mais je sais quoi faire pour au moins entamer la voie du pardon. Suis-moi ! lance-t-elle, les yeux pétillants de malice.


Elle s'empare de ma main et nous sortons de l'immense maison parisienne aux airs de forêts tropicales, de villa de bord de mer et d'aire de repos. Nous descendons des escaliers en arc de cercle où une voiture blindée nous attend. Mes iris se perdent dans le jardin japonais très bien entretenu et le pont rouge sur ma droite m'invite à une ballade impossible. Je n'arrive pas à accepter que ce bijou de fraîcheur ait pu être utilisé à de telles fins.


Une immense armoire à glace non déguisée en lutin vert mais vêtue d'un costume de travail nous ouvre la portière arrière. Lydia me pousse à l'intérieur et la voiture démarre pour une destination inconnue quoi que moins dangereuse. À moins que ce ne soit qu'une mascarade élaborée par la plus intelligente pimbêche de l'univers.

Tu as aimé ce chapitre ?

6 commentaires

Fanfan Dekdes

-

Il y a 4 ans

J’aime bien ce côté très imagé. Les descriptions sont top Je verrais bien cette histoire en film. Hâte de savoir ce qu’il va encore lui arriver ;)

Cléoda Iseth

-

Il y a 4 ans

Oh merci beaucoup ! Ca me fait tellement plaisir ^^ La suite arrive sous peu ;)

Princilia Daci

-

Il y a 4 ans

Finalement ce petit entretien avec le père Noël n'était pas si mal ! Elle a été « sauvée » par l'ennemie, mais au moins elle est libre et le combat pour gagner le cœur de notre beau “ mec ” 😁 se passera à la loyale !

Cléoda Iseth

-

Il y a 4 ans

Ahah en effet, ça s'est plutôt bien passé grâce à ce sauvetage ^^ Le combat débute tout juste à voir ce que nous réserve Lydia héhé

Michbonj

-

Il y a 4 ans

J’adore être le premier! Continue, j’aime bien ta façon d’écrire.

Cléoda Iseth

-

Il y a 4 ans

Ahah merciii beaucoup :)
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.