Cléoda Iseth Un hiver mouvementé Chapitre 3.5 : Elle

Chapitre 3.5 : Elle

— Que le meilleur gagne ! s'exclame Charlie gonflée à bloc, un peu comme un ballon de baudruche sur le point d'exploser. Je vous suivrais de loin même si, Camille, je t'avoue que je chipe grave James.


— Je ne t'en veux pas, même si j'espère bien gagner et me faire remarquer. Elle, je risque vraiment de te voler ta place, donc tiens-toi prête, glousse-t-elle.


Les deux volailles parlent de mon chef comme d'un vulgaire objet, le prochain qu'elles veulent acquérir. Et maintenant que la bassecour complète est au courant de cette rumeur sur ma soi-disant touche avec James, ma vie se trouve sur le point de devenir un enfer. Il suffit de tendre l'oreille pour entendre les commentaires les plus désobligeants et immondes à mon sujet.


— Mais c'est qui cette fille ?


— Elle, wow quel prénom affreux ! Non mais QUI s'appelle comme ça au vingt et unième siècle ? Ces parents devaient la détester pour lui faire ça ou être complètement débile, genre les gars, ils ont rien trouvé de mieux.


— J'imagine trop la conversion. Bébé, nous allons avoir un enfant, mais je ne sais pas comment l'appeler. Chérie, je n'ai aucune inspiration pourquoi pas Elle si c'est une fille et Il si c'est un garçon ? Oh oui, mon amour, tu es vraiment trop bon.


Sur ces paroles qui me blessent malgré moi, les trois poules en tailleur explosent de rire. La moquerie s'avère si facile et ne devrait plus m'atteindre depuis des années, pourtant j'ai toujours le cœur serré après ce genre d'insultes envers mes parents. Certes, ce ne sont pas des génies, seulement ce ne sont pas des moins que rien et ils ont réfléchis à ce prénom. Je l'ai haï pendant longtemps, puis j'ai appris à l'apprécier avec le temps. Il n'y a qu'en France qu'il suscite tant de salive.


En quelques minutes, je suis devenue le sujet de conversation numéro un et la femme à abattre, pourtant je ne montre rien. De l'extérieur, je suis indifférente à cette nouvelle. James qui s'intéresserait potentiellement à moi, puisque la source est loin d'être fiable et alors ? Cette désinvolture me vaut d'ailleurs bien des foudres aux autres tables du genre « elle ne le mérite pas » ou « elle se comporte comme si elle avait déjà gagné ». Mais ce n'est qu'une façade, en réalité, je pleure intérieurement. Un mélange d'espoir et de colère qui déclenche un torrent émotionnel ravageant mes sentiments.


— Bon ba, les filles, moi je vous laisse vous battre, j'ai du taf qui m'attend et un concours à gagner.


— De même, déclaré-je, le plus détaché possible.


Je me lève et accompagne Mike qui tente de me fuir, mais il ne me sèmera pas facilement. Je le poursuivrai jusqu'au bout du monde s'il le faut. Il voulait me voir en colère, son souhait est exhaussé et il en aura pour sa sournoiserie. Un objectif commun ne fait pas tout.


Nous nous retrouvons à l'intérieur du bâtiment Espoir dans une des bulles de travail à deux pas de l'open-space du quatrième étage, celui réservé à son secteur. Même menacé, il continue de jouer. Quoi de mieux pour enflammer les bruits de couloir.


— Es-tu vraiment gay ? demandé-je posément, installée sur une des quatre chaises.


Il s'assoit en face de moi et plante ses yeux bleus dans les miens.


— Oui et je suis même amoureux si tu veux tout savoir, répond-il le plus sérieusement du monde.


Déjà des techniciens nous zieutent à travers les vitres teintées. Garde ton calme.


— Je vois. Tu sais en te suivant je comptais t'hurler dessus et te faire payer ce que tu m'as fait subir, mais j'ai changé d'avis, je ne te ferai pas ce cadeau. Je ne sais pas pourquoi tu m'en veux tant, mais sache que tes propos ne m'atteignent pas seulement moi, mais ton cousin aussi et...


— Putain ferme ta gueule ! Tu ne connais rien de ma relation avec lui et tu ne le connais pas. Tu veux savoir pourquoi je m'en prends à toi ? Parce que tu représentes tout ce que je déteste chez les femmes. Vous êtes si connes que je ne comprends même pas que vous ayez un cerveau. James est tout sauf un gentleman, mais personne ne s'en rend compte ! C'est un...


Quelqu'un toque à la porte et Mike soupire. Il reprend son calme et se redresse sur sa chaise, je me retourne et tombe sur James.


— Mike, Elle, j'espère que je ne vous dérange pas. J'ai appris qu'il y avait eu un incident ce midi et j'aimerais en discuter avec vous.


Nous hochons la tête, incapables d'opposer la moindre résistance. Notre chef referme la porte de la bulle et débute.


— Je suis vraiment navré s'il y a eu un malentendu entre nous. Mike, je t'ai effectivement demandé de raccompagner Elle, mais pas seulement. Je voulais que toutes les collaboratrices présentes à cette soirée rentrent chez elle saine et sauve. Il ne s'agit absolument pas d'un traitement de faveur et je ne voudrais pas que des rumeurs étranges circulent à ce sujet. Elle, je t'ai embauché pour tes compétences uniquement. J'espère que tu comprends que je n'ai pas d'autres intentions que travailler avec toi. Je traite tous mes employées de façon égale quel que soit leur sexe.


Je me sens humiliée par ses propos, mais c'est pour le mieux. Même si ma réputation déjà catastrophique risque à présent le point de non-retour.


— Elle, tu peux disposer et retourner à tes formations. Mike, j'ai encore un mot à te dire.


Je m'exécute comme le bon petit soldat ou plutôt l'idiote que je suis et traverse l'open-space sous les yeux tranchants de ces gentes dames traitant les déviations, les actions correctives et préventives et les demandes de changement, communément appelé change control du secteur de Mike.


— En même temps, je n'y croyais pas. Je veux dire, ok, elle a peut-être de gros seins, mais ils sont plus petit qu'Eléonore et c'est loin d'être une bombe.


— Elle n'est pas du tout assez bien pour James.


— C'est clair.


Vivement qu'un autre sujet plus alléchant attise les foudres du poulailler car les murmures dès qu'elles me voient me fatiguent à la longue. Mon souhait se trouve exhaussé le vendredi quand Lydia débarque tout de rose vêtue avec des viennoiseries fraîches et encore chaudes dans l'open-space du dernier étage où se trouve le bureau de James et de ses responsables de secteur. Soudainement, je disparais des conversations, remplacée par la sulfureuse Lydia bien plus intéressante à haïr.


Le week-end s'annonce enfin, un bon film de Noël m'attend accompagné d'un délicieux pot de glace aux cookies. Il est dix-neuf heures trente et je m'apprête à regagner le RER grâce à la nouvelle carte que j'ai dû refaire après le mesquin vol de mon portefeuille lundi quand Lydia me tombe dessus à la sortie. Dans un coin sombre de la rue que je suis obligée de prendre, elle m'intercepte évidemment et l'impression que des mecs costaux vont sortir de nulle part, me foutre un sac sur la tête et me balancer dans une Bugatti noire pour m'interroger sur ma non-relation avec James me traverse de toute part. Et vous savez-quoi ? C'est exactement ce qui se passe.

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4 commentaires

AngieWings97

-

Il y a 4 ans

Vraiment des dindes ! La pauvre quoi...

Cléoda Iseth

-

Il y a 4 ans

Oui zero cadeau...
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