Fyctia
Chapitre 3.1 : Elle
Un mal de tête monstrueux scie ma boîte crânienne quand je me relève encore à demi-endormie, le dos explosé et la nuque en feu. Je tâtonne dans le noir à la recherche de mon téléphone pour regarder l'heure qu'il est, mais impossible de mettre la main dessus. Une vague de panique me submerge et les évènements de la veille, enfin du matin, me percutent de plein fouet.
Je me redresse et trouve un interrupteur à porter de main. La lampe à pied doré et noircie illumine une pièce bien loin de ressembler à ma chambre. Je repose sur un canapé marron, cause de mes douleurs, un plaid à moitié tombé contre la moquette sur les genoux. Des murs de briques rouges et de nombreuses étagères débordant de livres et de babioles m'entourent et je m'arrête sur le mot griffonné sur la table basse en bois sculpté.
« Chère cliente, acceptez mes plus plates excuses pour le comportement de mon ami hier soir. Quand vous vous réveillerez, empruntez les escaliers sur votre droite et vous trouverez mon appartement. Alex. »
Une boule se forme à l'intérieur de mon ventre à la lecture de sa note bien trop polie qui ne mentionne pas mon téléphone. Je me lève difficilement, toujours vêtue de ma robe et une odeur de transpiration et d'alcool agresse mes narines. Le tic-tac d'une pendule attire mon attention et quand mes yeux se posent sur le cadran blanc cassé aux chiffres dorés, je manque de tomber dans les pommes. Il est neuf heures passées, nous sommes mardi et j'ai une réunion dans moins d'une heure. Catastrophe. Je suis loin de chez moi et je n'ai même pas mon portable !
Les connards, je me suis complètement fait avoir et impossible de me rappeler tout ce que j'ai bien pu leur dire. Enfin, je me souviens vaguement de mon « pétage de câble ». J'en suis rouge de honte, comment ai-je pu me laisser emporter ainsi ?
Je sors de la pièce et manque d'entrer en collision avec un homme aux cheveux bruns très courts, un café fumant dans la main, sauvé de justesse d'une chute impardonnable. Je tombe sur ses bras recouverts de tatouages et sur le phœnix renaissant de ses cendres. Cette image fait écho dans mon esprit. Ce n'est autre que le barman, Alex.
— Oh, tu es déjà réveillée ?
Non, je suis somnambule de journée. Le parfum corsé émis par sa tasse irrite un peu plus mes narines et mon humeur déjà massacrante.
— Bonjour, pourrais-je récupérer mon téléphone s'il vous plaît ? Je dois vraiment partir ou je risque d'arriver en retard au boulot, l'informé-je le plus poliment possible.
— Heu, tu peux me tutoyer hein, et tu devrais prendre une douche avant, s'esclaffe-t-il.
Pour la délicatesse on repassera, mais bon vu mon cirque d'hier soir, impossible de lui en vouloir. Sauf si je ne retrouve pas mon téléphone, bien sûr.
— Je peux te prêter des vêtements si tu veux. Ce sont ceux de mon ex, mais je pense qu'ils t'iront très bien. Tu as l'air de faire à peu près sa taille.
Je ne réfléchis même pas et accepte son offre sans autre choix. Je ne peux pas me pointer au travail dans cet état. Quelle honte de venir avec les vêtements portés la veille. Nous montons les escaliers de l'arrière-boutique et atteignons l'étage supérieur.
— Ah, et tu veux quelque chose à boire ? Café, thé, chocolat ? Je fais des éditions spécial Noël et ce sont des tueries. Ils n'ont rien à envier à Starbucks, m'assure-t-il, en ouvrant la porte sur une pièce dans un bordel sans nom.
Des fringues s'éparpillent sur le sol et le pouf, positionné à côté d'une étagère sens dessus dessous. Des chaussures trainent seules, leur jumelle perdue au milieu de ce foutoir. Des papiers noient le bureau collé à la fenêtre donnant sur la rue et son lit défait complète le tableau apocalyptique.
— Désolé pour le bazar, je n'ai pas eu le temps de ranger ce matin, s'excuse-t-il un peu honteux.
Sa gêne s'avère compréhensible, j'aurais détesté être à sa place. Il ne devait pas se douter qu'une fille finirait dans sa chambre hier soir. Et au vu de l'état ça devait faire un long moment qu'il n'en avait plus ramené chez lui. En même temps, s'il travaille tous les soirs avoir une vie sociale riche et excitante doit être compliqué ou tout du moins épuisant. Je comprends mieux sa question quand il m'a vu « déjà » réveillée, impossible de tout ranger s'il vient de se lever.
Alex ouvre son placard aussi bien ordonné que le reste de sa chambre et me tend un pantalon noir, une chemise blanche pas trop froissée, des chaussettes en paire et des sous-vêtements de sport paumés au milieu de ses caleçons en vrac. Dieu merci ils ne sont pas en dentelle, la gênance ultime. Pour le style on repassera donc, mais ça aura au moins le mérite d'être propre.
— Toujours rien à boire ?
— Je ne peux pas refuser un chocolat chaud spécial Noël, mais vu l'heure si tu pouvais me le faire à emporter ce serait génial !
— Aucun problème ! s'enthousiasme-t-il. La salle de bain se trouve sur la droite en sortant, il y a des serviettes propres sous le lavabo.
Mon hôte se dirige vers la porte et avant de filer sous la douche, je lui pose la question qui me hante depuis mon réveil et qu'il évite, la gorge serrée. J'espère me tromper.
— Alex, est-ce que tu pourrais me rendre mon portable, s'il te plaît ? J'en ai vraiment besoin.
Sa main gauche glisse jusqu'à ses tatouages et ses yeux ambrés ne lâchent plus la chaussette rouge à pois blanc à ses pieds qui partage cet instant de solitude profonde avec lui.
— Il est possible qu'Il soit parti avec, murmure-t-il mal à l'aise.
Il s'attend probablement à ce que j'explose surtout que je lui ai balancé hier soir qu'il risquait de perdre ses couilles si je ne le récupérais pas. Toutefois je m'y étais préparée et j'ai regagné mes esprits. Mon comportement de la veille est inexcusable, j'ai complètement perdu le contrôle après avoir été poussée à bout pendant cette journée maudite. Je suis une adulte responsable et indépendante qui après quelques heures de sommeil a rechargé ses batteries. Mode Entreprise réactivée.
— Je vois. Est-ce que tu pourrais me dire comment le contacter ?
Ma réponse le surprend et ses épaules s'abaissent, toute trace de tension effacée par mon ton calme et complètement feint. Car même si je possède une part de responsabilité importante dans cette situation, je ne suis pas la seule impliquée. Ce type est un véritable enfoiré dépourvu de couilles et son ami un putain de trou du cul qui mérite une bonne correction.
— Tu peux revenir lundi prochain si tu veux le revoir.
Lundi. Prochain. Soit dans une semaine et en prime il m'offre un sous-entendu qui me tape profondément sur les nerfs. Réveillée depuis moins de trente minutes, les cordes de mon self-control crissent déjà et la mélodie n'a rien d'agréable.
2 commentaires
AngieWings97
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Il y a 4 ans
Cléoda Iseth
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Il y a 4 ans