Cléoda Iseth Un hiver mouvementé Chapitre 1.3 : Elle

Chapitre 1.3 : Elle

Toutes les femmes qui croisent son chemin le dévorent des yeux et me dévisagent, le regard interloqué et empli de haine. Des brides de conversation murmurée me parviennent alors que je traverse le hall fleuri accompagné par mon potentiel futur manager.


— Mais c'est qui elle ?


— Putain, j'arrive pas à croire qu'elle soit arrivée jusque-là.


— Ils l'ont prise pour les cota, c'est impossible que ce soit pour le poste, c'est Lydia qui l'aura.


Excellente première impression ! Enfin, ce n'est pas ce qui m'empêchera d'atteindre mon objectif. Nous nous rendons au self de l'entreprise et c'est encore pire qu'avant. De multiples femmes que je ne connais pas me foudroient du regard et me traitent de tous les noms. Mes poings se serrent autour du plateau. Je n'aime pas être le centre de l'attention et la jalousie de ces truies me dépasse. Si elles le veulent tant que ça, elles n'ont qu'à l'approcher et me foutre la paix.


— Elle, ça va ? me demande James, en plongeant ses prunelles bleue-grise dans mes iris.


Tous ses yeux qui me fixent et ces commentaires désobligeants m'ont distraite, alors que mon potentiel futur manager conserve sa prestance et son calme avec brio. Je me reprends, hoche la tête en prétendant que tout va bien, et dégotte bien sûr mon arme secrète : mon immense sourire. Je ne dois pas me laisser atteindre, ni m'écarter de mon but.


Portée d'îlot en îlot, les différents comptoirs regorgent de nourritures diverses dont la qualité ne laisse pas à désirer. L'odeur des plats fumants titille mes narines et la ratatouille accompagnée de ses boulettes de viande sur son lit de riz remporte la bataille pour mes papilles.


Assis sur une table proche du cube de verre central donnant sur une cour extérieure riche en arbres, arbuste et plantes diverses, nous parlons de tout et de rien. Après avoir abordé l'affreux sujet du temps qu'il fait, James me parle de ses études et de son parcours. Il mentionne son déménagement de la Creuse d'où il est originaire à son appartement de soixante mètres carrés dans le premier arrondissement. Un dépaysement total. Nous discutons également de nos hobbies, il pratique le rugby une fois par semaine et participe à quelques compétitions. Bref une conversation banale, mais loin d'être ennuyeuse ou désagréable.


Mon repas se termine sur une touche sucrée, une délicieuse tarte aux citrons acidulées. Toujours épiés de toutes parts, James m'offre une poignée de main d'au revoir et je me rends à mon second entretien avec la RH, Kim, une française d'origine vietnamienne au dynamisme prononcé. J'emprunte l'ascenseur de verre situé dans le gigantesque hall d'entrée et appuie sur le bouton du quatrième étage du bâtiment principal. La vue sur les passerelles reliant les deux ailes et sur les plantes recouvrant l'entièreté de la structure m'époustoufle.


Je traverse le couloir et m'arrête devant la bulle E401. Je reconnais celle que j'ai eu en visioconférence cet été pour les présélections. Elle attend assise à la table ronde au milieu du cube transparent aux vitres légèrement tintées et insonorisées. Elle m'aperçoit et m'invite à la rejoindre, un grand sourire aux lèvres. Elle referme son ordinateur et éloigne son smartphone. Ses yeux ébènes s'ancrent aux miens et l'entretien démarre.


Kim me pose des questions pertinentes et pour une fois, on ne me demande pas où est-ce que je me vois dans dix ans ou combien d'employés comptent l'entreprise. L'entrevue se termine et en sortant de la bulle, je croise mon potentiel futur manager, un café à la main, prêt à s'installer sur un des fauteuils rouges mis à disposition pour les pauses.


— Elle ! Je ne pensais pas te revoir si tôt. Alors comment s'est passé ton rendez-vous avec Kim ?


— Très bien, réponds-je sans épiloguer, mais toujours en gardant le sourire.


— Tu as envie d'un café avant de partir ?


Je déteste le café, mais hoche la tête. Le côté social est bien plus important que le goût amer qui déchire mes papilles. Face à la machine, j'opte pour le moins pire de tous, celui aromatisé à la noisette, écœurant, mais buvable.


Assise en face de mon potentiel futur manager, il ne trouve rien de mieux comme sujet de discussion que de me parler de la fameuse Lydia sans que je lui demande. Car soyons honnête, je me fous de cette Lydia.


— Elle, je ne te l'ai pas dit tout à l'heure, mais j'ai une autre candidate pour le poste, lâche-t-il entre deux gorgées.


Je ne dis rien, je ne sais pas quoi répondre. Cela semble évident que je ne sois pas la seule à candidater.


— C'est la fille d'une des grandes pontes de l'entreprise et je ne sais pas comment refuser. Je t'avoue que je préfère ton profil au sien, mais j'ai bien peur de ne pas avoir le choix.


Son aveu me fait bouillonner intérieurement. Le gars est en train de me dire qu'il me veut, mais ne peut pas me prendre et ? Je suis censée faire quoi ?


— On a toujours le choix, répliqué-je. Il y a toujours une solution et je suis sûre que vous avez toutes les capacités pour la trouver. Sinon c'est que nous n'étions pas destinés à travailler ensemble.


Un grand sourire pourfend mes lèvres, toujours sourire ça passe beaucoup mieux. Il me regarde avec de grands yeux, puis la surprise laisse place à une sorte de lueur d'émerveillement, enfin, je l'interprète ainsi.


— J'adore ta façon de penser.


— Euh, merci, chuchoté-je légèrement gênée par sa réponse qui me prend au dépourvu.


Il regarde sa montre et ses yeux s'écarquillent.


— Oh, je n'avais pas vu l'heure, je dois y aller.


Il se relève et me serre une nouvelle fois la main.


— J'ai hâte de travailler avec toi ! s'exclame-t-il avant de jeter son gobelet dans la poubelle de recyclage.


Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il se trouve déjà loin. C'est un homme pour le moins étrange, mais il semble plutôt bienveillant et honnête. Après seul le temps pourra le confirmer ou l'infirmer. Dans tous les cas, une chose est sûre, c'est l'homme le plus désiré de l'entreprise. Sans compter son parcours brillant, il ne laisse aucune femme indifférente avec son physique avantageux. Cette pensée se confirme d'ailleurs après avoir franchi les portes principales.


Je marche paisiblement dans la rue et m'apprête à regagner le RER des enfers quand la jeune femme la plus charmante et la plus exquise que l'Univers ait créé m'interpelle.

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12 commentaires

MG Notin

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Il y a 4 ans

Ah là là là, la Creuse. Pourquoi personne ne veut y rester ?

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Je comprends pas non plus ahah

Cirkannah

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Il y a 4 ans

Elle a une sacrée ambition cette Elle !

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Oui complètement !

Rosie Clarks

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Il y a 4 ans

Très bien décrit l'ambiance au boulot !

Cléoda Iseth

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Il y a 4 ans

Merci beaucoup ^^
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